2-5. Les dirigeants.

Encore plus qu’avant 1888, le recrutement social des dirigeants montre un profil notabilaire affirmé 650 .

Graphique 17. : Statut social des membres des bureaux (1888-1899).

Sources : Arch. dép. et mun. Et CHÉRIÉ A. et M. : Annuaire général…, op. cit.

Presque la moitié des membres des bureaux émanent de la catégorie des notables. Le groupe dépasse même les 50 % entre 1892 et 1895 avant qu’un fléchissement, au cours des quatre années suivantes, ne le ramène à environ 45 % 651 , soit à encore 15 % au dessus de son contingent d’alors (30,5 %) parmi les sociétaires. La seule entorse à cette suprématie provient des grandes villes où le taux des dirigeants (33,4 %) est inférieur à celui de l’ensemble des adhérents (35,4 %). Le contrôle notabilaire des sociétés s’exerce plus nettement à la campagne que dans les petites villes 652 et découle d’abord de la forte implication des “ capacités ” - un dirigeant sur cinq quand ils ne sont qu’un sociétaire sur onze - dans la gestion des véloce-clubs. De même les nobles, le personnel politique et à un degré moindre les fonctionnaires intermédiaires et les négociants, au contraire des propriétaires et des étudiants, peuplent proportionnellement plus les comités que les listes d’adhérents.

Au sein de la bourgeoisie populaire, les employés, majoritaires sur l’ensemble de la période, voient leur position se dégrader au fil du temps par rapport aux petits patrons. D’une conjoncture encore dominante en 1888-1891 - 12 % d’avance, ils en comptaient 16 avant 1888 -, ils évoluent vers une partition équilibrée avant d’être dépassés entre 1896 et 1899. Cependant, à l’instar des notables - avec moins d’ampleur toutefois - leur présence en tant que dirigeants est plus élevée qu’en tant que sociétaires (25,1% contre 22,8%) et ce grâce à leur forte implication dans les grandes villes (38,5 %). Les petits patrons présentent au contraire un fort déficit entre leur taux de dirigeants (24,4%) et celui d’adhérents (39,7%) 653 comme les ouvriers (1,2% au lieu de 2,7%) et à un moindre niveau, les agriculteurs (0,9% contre 1,2%). La popularisation s’extériorise encore plus difficilement à l’échelle des bureaux.

L’analyse par poste (cf. graphiques 18 et 19) révèle, par rapport à la période initiale, l’amplification de la mainmise du groupe social dominant sur la présidence, qu’il confisque aux deux-tiers, et par voie de conséquence, la confirmation d’une recherche d’honorabilité de la part des sociétés. Les “ capacités ” s’illustrent en ce domaine : ils captent 30% des postes 654 dont plus de la moitié reviennent aux professions libérales 655 . L’engagement remarquable des médecins - un président sur dix 656 - confirme la “ responsabilité civique ”, le souci du mieux-être de la population, en un mot le combat pour l’ “ hygiénisme ” que le praticien mène aussi par des “ conférences publiques, cours du soir, rubriques intitulées la causerie du docteur ou le coin du médecin dans la presse d’information, l’animation de bibliothèques populaires ou de sociétés philanthropiques ou philotechniques, contre la tuberculose et contre l’alcoolisme pour la gymnastique et pour les Caisses d’Épargne ” 657 .

Graphique 18. : Répartition socioprofessionnelle des membres des bureaux par poste (1888-1899) Cf. Annexe stat. B 14 : Répartition des membres des bureaux par poste (1888-1899) – Tableau. .

Sources : Arch. dép. et mun. Et CHÉRIÉ A. et M. : Annuaire général…, op. cit.

Graphique 19. : Statut social des membres des bureaux par poste (1888-1899) Cf. Annexe stat. B 15 : Statut social des membres des bureaux par poste (1888-1899) – Tableau. .

Sources : idem graphique 18.

Pour d’autres raisons - elles relèvent plutôt de stratégies de pouvoir - nobles et personnel politique acceptent facilement la présidence alors qu’ils dédaignent le secrétariat ou la trésorerie.

La vice-présidence assure également la majorité aux notables. À l’inverse, les employés les débordent encore, mais moins nettement qu’auparavant, aux postes de secrétaire et de trésorier 660 . Le clivage entre fonctions représentatives valorisantes et simples tâches administratives conserve donc sa traduction sociale de même que générationnelle.

Notes
650.

Cf. Annexe stat. D 14 : Répartition socioprofessionnelle des membres de bureaux (1877-1914) – Tableau – et D15 : Statut social des membres de bureaux (1877- 1914) – Tableau.

651.

Cf. Annexe stat. B 10 : Répartition socioprofessionnelle des membres de bureaux par période quadriennale (1888-1899) – Tableau – et B 11 : Statut social des membres de bureaux par période quadriennale (1888-1899) – Tableau.

652.

Cf. Annexe stat. B 12 : Répartition socioprofessionnelle des membres de bureaux par groupe de population (1888-1899) – Tableau – et B 13 : Statut social des membres de bureaux par groupe de population (1888-1899) – Tableau.

653.

Les marchands de cycles ressortent à leur avantage du groupe des petits patrons avec 2,3% des membres de bureaux pour 1,5% des sociétaires.

654.

Les “ capacités ” dirigent surtout des sociétés rurales (34%) ou de petites villes (34,2%) plutôt que celles des villes moyennes (27,7%) et des grandes villes (20,9%).

655.
Tableau 32. : Répartition des “ capacités ” au sein des bureaux, par poste, en pourcentages (1888-1899).

PrésidentVice-présidentSecrétaireTrésorierEnsembleProfessions libérales55,343,430,46,542,2Officiers ministériels25,833,728,330,428,8“ Cadres ”18,922,941,36329Sources : Arch. dép. et mun. Et CHÉRIÉ A. et M. : Annuaire général…, op. cit.

Au travers de ces chiffres, les “ cadres ” apparaissent moins porteurs de notabilité que les professions libérales ou les officiers ministériels.

656.

À eux seuls ils comptent plus de présidents que l’ensemble des officiers ministériels : 47 contre 41. Par contre ils n’occupent que dix postes de vice-président, trois de secrétaire et un de trésorier.

657.

LÉONARD J. : La vie quotidienne du médecin de province au XIXème siècle, Paris, Hachette, 1977, p. 121.

658.

Cf. Annexe stat. B 14 : Répartition des membres des bureaux par poste (1888-1899) – Tableau.

659.

Cf. Annexe stat. B 15 : Statut social des membres des bureaux par poste (1888-1899) – Tableau.

660.

Les employés de bureau supplantent nettement leurs confrères du commerce – 123 secrétaires ou trésoriers contre 45 – avant tout présents dans les villes moyennes et les grandes.