Dans un premier temps, l’organisation de meetings apparaît comme le moyen le plus approprié pour convaincre les sceptiques.
‘“ Montrez leur un meeting. Dites leur d’où viennent ces 40, ces 50, ces 100 velocemen accourus des quatre coins de l’horizon pour se voir, se connaître, célébrer les bienfaits de la pédale dans une réunion intime qui n’a d’autre but qu’un esprit de confraternité sportive désintéressé. N’est-il pas évident, même pour un coureur intelligent qui veut être sincère, que la plupart de ces personnes seront alors tentées d’imiter les touristes, soit qu’elles les aient vus ainsi rassemblés, soit qu’elles les aient aperçus sur la route, ce qui est mieux encore ” 690 .’Les meetings deviennent ainsi l’expression emblématique du tourisme. Celui de Tours de 1888 en pose les bases organisationnelles. Qu’elle se déroule sur une ou deux journées, la concentration se décline en six temps forts :
Le caractère convivial, amical, fraternel de la manifestation n’est pas moins évident que son dessein propagandiste basé sur l’effet de masse. Il faut faire nombre - de 50 à 300 velocemen présents avec une moyenne de 130 694 - pour impressionner favorablement la population locale et pour montrer la vitalité des véloce-clubs de la région qui, parfois, amplifient encore la portée de la rencontre par la création d’une structure appelée à les regrouper. Ainsi naissent à Yvetot en 1890 une Fédération des sociétés vélocipédiques de la Seine-Inférieure et à Châteaulin en 1893 l’Union vélocipédique bretonne.
Toutefois, après une période de montée en puissance - 1888 : 2 meetings, 1889 : 4, 1890 : 8 - le mouvement au lieu de faire tache d’huile, se stabilise - 1891 :5 meetings, 1892 : 7 -puis régresse - 1893 : 4 meetings, 1894 : 1 695 . En fait ces manifestations ne se diffusent pas dans l’ensemble de la France. Les régions méditerranéennes, le centre, le quart sud-est et l’extrême nord du territoire s’y montrent peu sensibles quand le sud-ouest, la Bretagne et le nord-est, surtout la Lorraine, en sont friands. Prenons l’exemple de cette dernière zone. Le meeting inaugural réuni le 15 septembre 1889 à Neufchâteau, à l’initiative du docteur Guillaume, président du Véloce-sport chaumontais et chef-consul de l’U.V.F. pour la région est, assure la pérennité de l’organisation nouvelle par la délimitation pour l’avenir d’une aire géographique - les départements de la Haute-Marne, la Meuse, la Meurthe-et-Moselle et les Vosges -, la définition d’un règlement qui oblige les participants à effectuer l’aller et retour “ en machine ” et l’attribution d’un prix de tourisme à la société qui aura parcouru le plus de kilomètres dans l’année en sorties officielles en fonction de son importance numérique 696 . Sur ces bases, les rencontres successives de Nancy, Épinal, Verdun, Chaumont remportent des succès probants, mais en 1894 à Neufchâteau, l’enthousiasme faiblit et en Lorraine comme ailleurs ces regroupements tombent en désuétude. En 1898, M. Martin (cf. Figure 11), le chaud partisan de l’expérience à ses débuts ne peut que regretter ‘“ l’époque où les meetings vélocipédiques faisaient florès ”’ ‘ 697 ’ ‘. ’
L’instauration d’une fête organisée le même jour partout en France et baptisée Saint-Vélo 698 - elle mêle convivialité et défense des intérêts des cyclistes - ne suffit pas à relancer la dynamique des concentrations. La présence, furtive, du président de la République Sadi Carnot à l’une des deux éditions de 1893 699 , les 153 manifestations prévues pour celle du 8 juillet 1894 700 - près de 600 cyclistes de la région parisienne se réunissent à Versailles 701 , 300 à Périgueux, 150 à Lille… - ne sont que feu de paille et si ici ou là, en 1895 et 1896, quelques Saint-Vélo prolongent l’initiative, elles ne revêtent plus qu’un intérêt local.
Ces échecs révèlent que l’heure d’un calendrier cohérent de rencontres touristiques de grande envergure n’est pas encore venue. Malgré l’implication de divers responsables de l’U.V.F., dont son président G. Thomas, les effectifs de touristes prêts à effectuer des déplacements d’envergure restent trop restreints. Cependant les meetings ont eu le mérite d’attirer l’attention du public sur la pratique excursionniste et de la dynamiser au sein des sociétés.
Ibid., préface, pp. XVII-XVIII.
Au meeting d’Yvetot de 1890, les 158 participants se répartissent entre 121 membres de 7 clubs de Rouen (2 sociétés), Le Havre (2 sociétés), Elbeuf, Dieppe, Fécamp et 37 indépendants. BUCHARD G. :
Le cinquantenaire …, op. cit., p. 24.
Par exemple, le point de rencontre du meeting de Périgueux de 1889 se situe “ route de Bordeaux, borne 119 ”. Véloce-Sport, 3 octobre 1889.
Le Véloce-Sport, 10 avril 1890, mais aussi, et il faut le souligner, le Petit Journal, 7 avril 1890.
Le chiffre maximum de 300 participants est atteint au meeting des sociétés de l’est à Chaumont en mai 1893. Annales vélocipédiques, mai 1895.
Cf. Annexe stat. B 16 : Liste chronologique des meetings vélocipédiques (1888-1894).
Arch. mun. Nancy, R3 (a 1), 6. Meeting de Neufchâteau, délibération, 15 septembre 1889.
MARTIN M. : Grande enquête…, op. cit., p. 340.
L’initiative, lancée en 1893, revient à un journaliste du Vélo qui signe du pseudonyme de Fafiotte. Les Annales vélocipédiques, juin 1893, jugent “ le projet attrayant ” mais estiment sa réussite “ bien difficile ”.
La première Saint-Vélo se déroule au mois de juin. Lors de la seconde, début septembre, au point de rencontre prévu, le carrefour de la Fourche dans la forêt de Fontainebleau, les 300 cyclistes passent et saluent à leur tour devant le landau présidentiel. Cette “ première marque de sympathie que le chef de l’État ait donnée ” au sport vélocipédique résulterait de l’action du président de la Société vélocipédique de Fontainebleau, M. Porgeron, qui voit les démarches entreprises auprès de la municipalité et su sous-préfet couronnées de succès. Le Véloce-Sport, 7 septembre 1893.
Le Vélo, 5 juillet 1894.
Pour l’occasion, un vote est instauré. 569 des 572 bulletins déclarent que les deux-roues doivent être considérés à l’égal des voitures. Le Vélo, 9 juillet 1894.