Cette valorisation de la bonne intelligence au sein du groupe trouve son prolongement dans la sollicitude dont il fait preuve à l’égard des sociétaires en difficultés. Pourtant les statuts se révèlent assez muets - mais ce silence relatif vaut aussi pour les formes festives de la sociabilité - quant à l’assistance que le club apportera. Les fondateurs laissent le soin aux comités successifs d’apprécier les situations et les mesures de soutien à envisager. Les secours se conçoivent dans la discrétion : au Vélo-club de Beaurepaire, ils sont alloués par le comité “ après enquête secrète ” 844 . L’aide intervient essentiellement à la suite d’accidents survenus en course ou en promenade. Elle prend la forme du rapatriement du blessé à son domicile aux frais de la société et du paiement partiel ou total des dépenses médicales. Le Bicycle-club rémois formalise son action. Il étend ‘“ la gratuité des soins du médecin de la société ”’ 845 à toutes les blessures résultant de l’usage du vélocipède, même celles subies en dehors des activités du club. De plus, ‘“ pour toutes les autres maladies ou affections, le médecin de la société réduit de 50% son tarif ordinaire ” pendant que “ le pharmacien de la société [offre] une réduction considérable sur tous les médicaments qui sont nécessaires aux sociétaires ”’ ‘ 846 ’ ‘.’
Les quelques sociétés qui constituent une caisse de secours spécifique ne le font pas dès la fondation mais quelque temps après. Le Véloce-sport rémois créé en 1889 attend un an avant d’instaurer une caisse alimentée par une cotisation de 0,50F. par trimestre ‘“ pour venir en aide aux membres actifs qui auraient à subir une incapacité de travail occasionnée par un accident ”’ 847 . Le Cyclophile voironnais décide deux ans après sa création de donner ‘“ deux francs par jour pendant les dix premiers jours, celui de l’accident compris, et un franc cinquante par jour pendant les dix jours suivants ”’ ‘ 848 ’ ‘,’ si l’inaptitude au travail est complète. La Pédale de Ste-Maure, constituée parmi les ouvriers de la localité, institue même une véritable société de secours mutuel avec indemnité en cas de maladie et versements à la caisse nationale des retraites 849 .
La défense en justice est plus courante et s’applique en cas d’agression et d’accident imputables à un tiers. L’Union vélocipédique de la Sarthe qui met en cause ‘“ les chevaux laissés libres en avant des attelages et surtout les chiens de garde non tenus à l’attache […] a résolu, lorsque des faits graves lui seraient signalés et les propriétaires dûment avertis, de se porter solidaire pour obtenir réparation au profit des sociétaires lésés, soit en soutenant leur action en justice, soit en leur prêtant main-forte pour assurer la liberté de la circulation ”’ ‘ 850 ’ ‘.’ Le Véloce-club briviste, imité par quelques sociétés du Lot (Union vélocipédique de Gramat, Véloce-club martelais…) s’engage à se charger du procès au nom des victimes mais “ à leurs risques et périls ” 851 .
De même que les secours, la présence aux funérailles d’un sociétaire est assez peu évoquée dans les statuts. Là encore les décisions interviennent ultérieurement. Au Vélo-club d’Annecy, fondé enmai 1888, la question se pose en mars 1889 à la suite du décès d’un membre. Le bureau convoqué spécialement décide alors que les adhérents assisteront à l’enterrement porteurs de leur insigne et qu’ils participeront pour moitié avec la caisse à l’achat d’une couronne. L’assemblée générale de 1890 convient ensuite d’apposer, au siège social, un tableau rappelant les noms des sociétaires décédés. Enfin, le 23 avril 1891, le bureau ordonne la présence aux sépultures des pères et mères des membres actifs 852 . En fait, contrairement à ce que pourrait laisser penser la seule prise en compte des textes fondateurs, les véloce-clubs se conforment à la tradition d’accompagnement dans la mort avec présence d’au moins quelques sociétaires portant l’insigne, achat d’une couronne et même dans certains cas mise en berne du drapeau sur lequel est apposé un crêpe 853 .
Arch. dép. Isère, 99M 1, Statuts, juillet 1893.
Arch. dép. Marne, 87M 59, Modifications de statuts, février 1894.
Ibid.
Arch. dép. Marne, 87M 59, Modification de statuts, décembre 1890.
Arch. mun. Voiron, 3R 1, Modification de statuts, mai 1896. La société se définit alors comme “ société de secours mutuels contre les accidents survenus par la vélocipédie ”.
Arch. dép. Indre-et-Loire, 4M 279, avril 1896.
La France cycliste, 1er novembre 1891.
Arch. dép. Corrèze, 4M 116, Modifications aux statuts, mars 1892 et Arch. dép. Lot, 4M 59, novembre 1898, juin 1899.
Arch. dép. Haute-Savoie, 66J 3.
Les statuts du Sport vélocipédique de Jarnac précisent que le drapeau restera ainsi arboré pendant un mois. Arch. dép. Charente, 4M 71, août 1888.