2-2-1 Liens entre sociétés vélocipédiques et autres associations.

En certains lieux, les cyclistes en sociétés s’implantent d’autant plus facilement au sein de la vie associative locale que des sociétés déjà installées y créent des structures pour les accueillir. C’est ainsi que des clubs nautiques comme celui de Besançon ⁹²² ou le Sport nautique lillois surnommé “ nauticlyste ” ⁹²³ organisent randonnées et courses au sein de leurs propres sections cyclistes. La filiation entre les deux activités avaient déjà été relevée pendant la période précédente. En revanche, l’ouverture des associations de gymnastique aux deux-roues surprend plus. Pourtant, à Lyon, Besançon, St-Étienne, Lorient…, la Lyonnaise ⁹²⁴ , la Comtoise ⁹²⁵ , la Stéphanoise ⁹²⁶ , les Enfants de Lorient ⁹²⁷ , toutes sociétés imprégnées d’ordre et de discipline mais certainement aussi soucieuses de conserver leurs adhérents voire d’en gagner d’autres, réussissent à concilier les deux activités. Même des groupes musicaux s’investissent dans le cyclisme. La société chorale de Ste-Cécile à Aix-en-Provence s’adjoint le Vélo-Ste-Cécile ⁹²⁸ , de même le Cercle Jacques Cœur de Bourges, s’il se constitue en 1886 autour d’un groupement vocal, s’il crée en 1890 une fanfare de trompes, lorsqu’il se transforme en 1891 en Société Jacques Cœur divisée en sections, l’une d’elles se consacre à la vélocipédie. Elle devient en 1895 la structure la plus active du département du Cher avec piste d’entraînement tracée dans sa propriété de Vauvert ⁹²⁹ .

Ailleurs des véloce-clubs autonomes se créent sous l’impulsion de personnes déjà investies dans le milieu associatif. C’est la cas à Beaufort-en-Vallée à l’initiative du président de la société de gymnastique ⁹³⁰ , à Aigre avec l’aide des membres de la société de tir ⁹³¹ , à Marseille où douze membres du Cercle Mirabeau jettent les bases du Vélo Mirabeau ⁹³² ou encore à Champagnole qui voit les cyclistes du Cercle du commerce, déjà organisateurs d’une course en 1894, participer à la naissance de la Pédale champagnolaise l’année suivante ⁹³³ . Il est même des membres de le la section de Côte d’Or et Morvan du Club alpin français qui, oublieux de la supériorité proclamée de leur passion, “ pactisèrent avec l’ennemi ” et aidèrent à la fondation du Touring-club dijonnais ⁹³⁴ . Ainsi, très vite, les cyclistes en sociétés s’insèrent dans l’environnement associatif.

Des actions conjointes fortifient les relations inter-groupements. Musiques et fanfares sont particulièrement sollicitées pour combler les vides entre les différentes épreuves des réunions de courses, pour accompagner les corsos vélocipédiques ou pour clore les manifestations par des concerts. Des sociétés de gymnastique prêtent également leur concours. Au Havre en 1890, au soir des courses, les associations normandes ouvrent le défilé, trompettes en tête ⁹³⁵ , au Mans en 1891, l’Union sarthoise présente en intermèdes des démonstrations de boxe, de bâton, des mouvements d’ensemble ⁹³⁶ , à Cholet, en 1892, une section en tenue accueille les arrivants d’une course de 100 km et a “ la gracieuseté d’offrir des bouquets aux vainqueurs ” ⁹³⁷ .

Les contacts ne sont pas moins fréquents avec les sociétés scolaires de sports athlétiques pour lesquelles les réunions comportent parfois des courses à pied et auxquelles les véloce-clubs apportent leur aide sous forme de prix et de logistique lors des lendits par exemple ⁹³⁸ .

Rien d’étonnant donc à ce que ces collaborations rejaillissent du cadre public au cadre privé et aboutissent à des sorties internes communes et à des invitations réciproques aux banquets. Dans certains cas, les rapprochements sont encore facilités par la création de structures de groupement, telle la Féderation amicale des sociétés annecéiennes à laquelle adhère le Vélo-club d’Annecy ⁹³⁹ . Des unions ⁹⁴⁰ ou cercles des sports naissent ici ou là. À Épernay s’associent ainsi la société nautique et le Véloce sparnacien, afin de “ resserrer les liens d’amitié et de bonne harmonie ” ⁹⁴¹ . L’objectif est de créer un cercle commun et donc de nouvelles occasions de rencontres. L’essentiel est là, en effet, si les sociétés vélocipédiques sont porteuses d’une activité innovante, elles ne s’isolent pas et cherchent au contraire dans une vision associative élargie à bien se positionner au sein du milieu local et par contrecoup à obtenir le soutien de personnalités de premier plan.