2-2. Évolutions rurale et urbaine.

Pour répondre à la question ci-dessus, analysons d’abord l’évolution des associations urbaines et rurales.

Classe
de population
1895 1909
Nb. de soc. % Nb. de soc. %
< 3000 h. 313 24,4 497 27,1
3 à 5000 h. 169 13,2 220 12
5 à 10 000 h. 168 13,1 206 11,2
10 à 20 000 h. 150 11,7 197 10,7
20 à 50 000 h. 103 8 119 6,5
50 000 h. et plus 166 13 242 13,2
Aggl. parisienne 212 16,6 353 19,3
Total 1281 100 1834 100
Sources : THÉVIN F. et HOURY C. : Annuaire général…, op. cit., 1911 ;
DUPEUX G. : Atlas historique…, op. cit.

En quatorze ans, la répartition ville-campagne est peu modifiée.

La forte progression du cyclisme associatif rural, caractéristique du début des années 1890, est stoppée. Une petite hausse de 24,4% à 27,1% fait tout juste franchir le seuil du quart des sociétés. Mais les véloce-clubs s’insinuent de plus en plus dans les petits centres puisque l’essor rural provient essentiellement des localités peuplées de moins de 1000 habitants 1206 . La bicyclette, plus tard venue, y conserve une aura qu’elle a perdue ailleurs. Il est de ce fait logique que la prise en compte du statut administratif des lieux d’implantation fasse ressortir une augmentation des simples communes et un maintien des chefs-lieux de canton alors que ceux d’arrondissement et de département régressent 1207 . De plus si l’on se réfère aux déclarations de associations, plus aptes à témoigner du dynamisme créatif des années 1900 que l’annuaire - sa liste inclut des sociétés fondées antérieurement -, le cyclisme associatif campagnard pèse plus de 40% 1208 . C’était déjà le cas pour les créations de la période 1896-1899, ce qui laisse supposer, étant donné la faible différence entre les taux ruraux de 1895 et 1909, que les groupements des bourgs périclitent plus rapidement que leurs homologues urbains.

Par ailleurs, quelles campagnes françaises accueillent le plus généreusement l’associationnisme cycliste ? Par rapport à 1895, le nombre de départements dotés d’au moins six sociétés rurales progresse de vingt à trente-deux. La moitié ouest domine encore avec vingt-deux départements. Quant à la bande qui reliait le Nord au Lot-et-Garonne, si elle perd la Seine-Inférieure et la Seine-et-Marne, elle gagne l’Orne, le Cher, la Dordogne, les Landes et s’étire vers le sud jusqu’à l’Aude par le Tarn-et-Garonne, le Tarn et la Haute-Garonne. À l’est des points d’ancrage précédents (Yonne, Côte d’Or, Doubs et Ain), seule disparaît l’Yonne quand émergent l’Aisne, les Vosges, la Nièvre, l’Isère, les deux Savoie et le Var. De ce fait, les vastes ensembles dont les bourgs continuent à résister à l’intrusion du cyclisme se circonscrivent à la Bretagne, au Massif Central, à l’extrême sud-ouest, le nord et le sud-est étant gagnés par places. Notons enfin que nombre de progressions relevées à la carte 19, comme celle des Landes, de la Nièvre, du Tarn, du Var, de la Haute-Savoie, de la Haute-Garonne, des Vosges… tiennent en bonne partie à l’essor rural. À l’inverse, l’effritement de la campagne est responsable des reculs de l’Yonne, de la Seine-et-Marne ou de la Seine-Inférieure, ce qui confirme la fragilité des sociétés rurales. Disposant d’un viviers moins fourni que leurs homologues urbaines, elles sont plus sujettes à s’éteindre à la suite des dissensions internes ou du départ de membres influents.

Quoiqu’en légère baisse (75,6% à 72,9%), la part urbaine reste prépondérante avec encore plus de sept sociétés sur dix. En outre les fluctuations que subit chacune des catégories d’agglomération sont de faible amplitude : tassement des petites villes (23,2% au lieu de 26,3%) ainsi que des moyennes (17,2% au lieu de 19,7%), maintien des grands centres, hors Paris, et progression de la capitale et de sa banlieue (19,3% au lieu de 16,6%). Corollairement, l’encadrement associatif urbain ne subit que des retouches.

Classe de population Population totale Nb. de soc. Nb. moyen d’h. pour 1 soc.
3000 à 5000 h. 1 389 192 220 5996
5000 à 10 000 h. 1 370 240 206 6652
10 000 à 20 000 h. 1 570 926 197 7974
20 000 à 50 000 h. 1 354 308 119 11 381
50 000 à 100 000 h. 1 187 497 82 14 482
100 000 h. et plus 2 055 567 160 12 847
Agglom. Parisienne 3 500 617 353 9917
Ensemble des villes 12 358 347 1337 9243
Sources : THÉVIN F. et HOURY C. :Annuaire général…, op. cit., 1911
et DUPEUX G. : Atlas historique…, op. cit.

L’amélioration (1 société pour 11 200 h. en 1895, 1 pour 9200 en 1909) provient peu d’une diffusion vers de nouvelles entités 1209 , elle résulte pour l’essentiel de la densification de celles déjà pourvues de sociétés vélocipédiques. Les progrès les plus nets concernent les extrêmes : les villes de 3 à 5000 h. (1 société pour 7500 h. en 1895, 1 pour 6000 en 1909) et celles de plus de 100 000 h. (1 société pour 17 000 h. en 1895, 1 pour 13 000 en 1909), dont l’agglomération parisienne (1 société pour 14 000 h. en 1895, 1 pour 10 000 en 1909). Dans les grands centres, l’essor correspond à la poursuite du processus de dissémination vers la périphérie, déjà débuté dans les années 1890. Ainsi en banlieue parisienne, les sociétés font plus que doubler quand celles de la capitale progressent de 50%. De ce fait, en 1909, parmi les 50 communes urbaines environnant Paris, 12 possèdent un véloce-club, 13 en ont deux, 13 de trois à cinq et 1 (St Ouen) en dispose de six 1210 . Un bouillonnement identique touche les quartiers excentrés de Marseille. L’associationnisme cycliste encore circonscrit aux zones centrales de la cité phocéenne avant 1900, s’étend au début du XXème siècle vers St Louis et Ste Marthe au nord, St Barnabé, St Loup, St Marcel et St Menet à l’est et Mazargues au sud. À Toulouse, les sociétés franchissent les limites de l’octroi vers les quartiers du pont des Demoiselles et de St Agne au sud, ou de la Lande et de Croix Daurade au nord. Eysines, Cenon, Pessac, Talence complètent le quadrillage de la périphérie bordelaise. Parmi les autres agglomérations d’importance, l’extension est également nette à Nancy, Saint-Étienne ou Roubaix, mais moindre à Lyon, Nantes, Montpellier, Rennes, Rouen ou Angers.

Au final c’est donc dans les zones rurales, les toutes petites villes et les espaces suburbains que la bicyclette conserve le plus son pouvoir d’attraction dans son utilisation sportive. Qu’en résulte-t-il, pour clore cette investigation géographique, au niveau de la répartition intra-départementale ?

Notes
1206.

Cf. Annexe stat. D 9 : Les sociétés vélocipédiques rurales par groupe de population (1880-1909) – Tableau – et POYER A. : “ Le sport vélocipédique à la conquête de l’espace sarthois… ”, art. cit., graphique 2, p. 191.

1207.
Tableau 42. : Sociétés vélocipédiques et statut administratif des localités d’implantation (1909).

Statut administratif 1895 1909 Nb. de soc. % Nb. de soc. % Simple commune 140 10,9 315 17,2 Chef-lieu canton 407 31,8 579 31,6 Chef-lieu arrond. 292 22,8 346 18,8 Chef-lieu dpt 273 21,3 337 18,4 Paris 169 13,2 257 14Total 1281 100 1834 100 Sources  : THÉVIN F. et HOURY C. : Annuaire général… , op. cit., 1911 ; Dénombrement de la population de la France, 1911.

La répartition département par département est fournie par l’annexe stat. C 3 : Nombre de sociétés vélocipédiques et de localités qui en sont pourvues par département et par statut administratif des localités (1909) –Tableau.

1208.

Les 582 déclarations se répartissent ainsi :

- localités rurales : 41,2% (moins de 1000 h. : 21,3%, 1000 à 2000 h : 12,9% et 2000 à 3000 h. : 7%)

- petites villes : 21,3%

- villes moyennes : 14,8%

- grandes villes : 22,7%.

1209.
Tableau 44. : Villes pourvues de sociétés vélocipédiques par classe de population (1909).

Classe de population3 à 5000 h5 à
10000h10 à 20000 h20 à 50000 h50 à 100000 h100 000h et +Aggl. parisienneEnsemble des villesVilles : nb.3481991114618111734" : pourvues1731491024418111498%49,774,991,995,710010010067,8% 189546,173,391,810010010010065,4Sources : THÉVIN F. et HOURY C. : Annuaire général…, op. cit., 1911 et DUPEUX G. : Atlas historique…, op. cit.

1210.

Cf. Annexe stat. D 10 : Localités de l’agglomération parisienne dotées d’une association (1891-1895-1909) - Liste.