1. La frilosité des organismes fédéraux.

1-1. Le désintérêt de l’U.V.F.

Après la menace ouvertement formulée en 1901 d’un désengagement total du tourisme, le comité directeur adopte au congrès de 1902 un ton plus conciliant. Veut-il ménager la susceptibilité de certains “ anciens ” ou plutôt tenter de faire revenir des individuels ? Toujours est-il que le rapport de 1902 annonce que “ le tourisme a repris de l’importance ” 1463 . L’annuaire de 1902 fait même miroiter un avenir radieux :

‘“ Sans doute, il faut bien le reconnaître, on n’a pas assez parlé de tourisme à l’U.V.F. depuis quelques années. Cela vient de ce qu’il fallait avant tout assurer la situation de l’Union, pour ce qui concerne dans chaque pays un monopole, je veux dire le sport. Avec l’actuelle direction de l’Union c’est une chose faite et bien faite aujourd’hui.
C’est ainsi qu’avec un budget relativement encore assez modeste en ce qui concerne le tourisme, mais forts de certains appuis qui nous sont désormais acquis, nous commencerons dès cette année à faire pour le tourisme ce que nous avons fait depuis des années pour le sport à l’U.V.F. ; nous lui consacrerons tous nos soins, toute notre force ” 1464 .’

Concrètement, la commission lance l’idée de baliser un maillage de routes internationales - seul le tronçon Paris-Dieppe via Rouen puis la vallée de la Scie sera jalonné - et envisage de modifier ses signaux de danger. Les crédits sont portés de 1500 F. à 2000F. L’annuaire de 1903 comporte cent pages de “ matières nouvelles consacrées au tourisme ” 1465 .

L’embellie est de courte durée. Les congressistes de 1903 décident de restreindre les sommes afférentes au tourisme : elles sont divisées par trois et ne représentent bientôt plus qu’une part infinitésimale des dépenses globales : 0,8% en 1904, 0,3% en 1906, niveau auquel elles se situent encore en 1913. Même s’il faudrait, pour être complet, intégrer une part du coût d’édition de l’annuaire - une partie est toujours affectée aux touristes - qui varie autour de 2000F., nous sommes bien loin de la manne déversée sur le sport 1466 . D’ailleurs en 1906 la ligne budgétaire “ tourisme ” disparaît et devient “ entretien des plaques et panneaux ”.

La volonté de porter des projets ambitieux est totalement absente à l’U.V.F. qui, pourtant, adhère à la Ligue internationale des associations de tourisme née en 1898 1467 . La suppression de la commission spécifique en 1904 et le rattachement direct de l’activité au comité directeur manifeste non pas l’intention d’en faire un objectif prioritaire mais au contraire de la mettre en sommeil. Et quand Paul Rousseau fulmine contre le personnel consulaire “ qui ne doit pas considérer que la fonction de chef-consul ou de consul est un pur honorariat ” 1468 , lorsqu’il demande une révision complète de ces effectifs et leur rajeunissement, ce n’est pas qu’il se soucie de la dynamisation du tourisme, tâche originelle de ces fonctionnaires. Ce qu’il attend, c’est un investissement accru dans l’organisation de brevets militaires de 50 à 100km., dans la recherche de membres individuels et dans l’envoi de rapports annuels. Cet avertissement, pas plus que les médailles décernées aux membres méritants, ne modifient les comportements de consuls 1469 de moins en moins considérés comme des points d’appui d’une quelconque action touristique et dont l’effectif va d’ailleurs en régressant 1470  : en 1914, vingt-cinq départements sont dépourvus d’un chef-consul alors qu’ils n’étaient que douze en 1901. Sarcasme ou étrange naïveté ? Le même Paul Rousseau signale dans son rapport moral de 1912 qu’ “ on se préoccupe quand même un peu [de tourisme] à l’U.V.F. ” 1471 puisque la revue fait paraître quelques relations de voyages ! L’implication du T.C.F., bien que partielle, est heureusement plus soutenue.

Notes
1463.

Bulletin officiel de l’U.V.F., novembre 1902.

1464.

Annuaire de l’U.V.F., 1902, p. 139.

1465.

Union vélocipédique de France, Revue mensuelle, octobre 1903.

1466.
Tableau 48. : Les dépenses affectées au tourisme et au sport dans le budget de l’U.V.F. (1900-1913).

TourismeSportDépenses globales19001300 F.11 000 F.65 000 F.1901400 F.11 000 F.60 000 F.19021100 F.15 000 F.69 000 F.19031500 F.16 000 F.72 000 F.1904550 F.19 000 F.70 000 F.1906300 F.19 000 F.110 000 F.19091000 F.31 000 F.110 000 F.1911330 F.33 000 F.130 000 F.1913300 F.52 000 F.130 000 F.Sources : Bulletin officiel de l’U.V.F., puis Union vélocipédique de France, Revue mensuelle.

1467.

La L.I.A.T. a été fondée à Luxembourg le 4 avril 1898 par 17 associations d’Europe et d’Amérique : “ elle avait pour but de venir en aide aux cyclistes et aux randonneurs en quête d’aventure hors de leurs frontières ”. Elle devient le 30 mai 1919 l’Alliance internationale de tourisme. AUTIER J.M. : “ L’Alliance internationale de tourisme, centenaire et en pleine forme ”, Cyclotourisme, février 1998, pp. 18-19.

1468.

Union vélocipédique de France, Revue mensuelle, novembre 1911.

1469.

En 1908, 22 rapports sont transmis, 16 en 1909 et après la diatribe de Paul Rousseau, encore 16 en 1912, lequel, impuissant, ne peut que constater “ l’indifférence des fonctionnaires ”. Union vélocipédique de France, Revue mensuelle, novembre 1912.

1470.

Cf. Annexe stat. D 21 : Évolution de l’effectif du personnel consulaire de l’U.V.F. (1884-1914) - Graphique.

1471.

Union vélocipédique de France, Revue mensuelle, novembre 1912.