3-2. Le Cyclotouriste et la “ Polymultipliée ”.

Ce nouveau titre d’abord mensuel puis, signe de son succès, bimensuel émane du milieu associatif. Son créateur, Louis Roudaire, alors président de l’A.C.P. est épaulé par ‘“ un groupe de cyclotouristes [qui] a songé à établir un organe qui servirait de trait d’union entre tous les touristes, plus spécialement entre ceux de la région parisienne ”’ ‘ 1551 ’ ‘.’ Il espère ainsi accroître la prospérité des “ groupements se livrant au tourisme ” 1552 en les faisant mieux connaître, en facilitant leur entente et en servant de bulletin mensuel à ceux qui le désirent. Il se veut encore “ la tribune libre ouverte à toutes les opinions où les acheteurs exposeront leurs desiderata et où les constructeurs expliqueront leur fabrication ”, compte sur l’appoint de ses lecteurs et publiera leurs ‘“ récits de voyages et d’excursions qui orientent souvent les projets de ceux qui les lisent [et] les illustrera de quelques vues qui donnent une idée plus nette du pays que la description la mieux faite ”’ ‘ 1553 ’ ‘. Le programme ainsi tracé, teinté de “ tranquille et pacifique désintéressement ” fait du Cyclotouriste “ une œuvre mutuelle d’instruction et de documentation ”’ qu’accueillent avec satisfaction les tenant du tourisme :

‘“ Depuis l’apparition et le développement subit de l’automobilisme et ensuite de l’aviation, notre pauvre bicyclette un peu délaissée avait fini par n’avoir presque plus aucun défenseur. Que sont devenus les brillants journaux d’autrefois, Le Cycle, La Bicyclette, etc. Seul encore le journal de M. de Vivie a résisté aux coups du sort. Il était temps de rendre aux touristes et aux sociétés qu’ils ont formées un journal grâce auquel ils puissent non seulement se connaître, mais encore être tenus au courant des progrès constants de leur machine ” 1554 .’

Non contents d’avoir ouvert une tribune réservée à l’excursionnisme cycliste, les responsables du Cyclotouriste accentue leur action de prosélytisme en imaginant une épreuve dénommée “ Championnat de la Poymultipliée ”, dont l’objectif prioritaire est, à l’instar des concours du T.C.F. des années 1901, 1902 et 1905, d’améliorer le matériel et de faire naître une émulation entre les constructeurs de bicyclettes de tourisme munies d’un changement de vitesse à commande mécanique en marche 1555 . Disputé sur dix tours du difficile circuit de Chanteloup (103km. pour 1600m. de dénivellation) 1556 , le championnat prouve dès sa première édition du 6 avril 1913 que la polymultiplication ‘“ jusqu’à présent regardée comme une mécanique précieuse, coûtant cher, tout en étant fragile, est […] l’instrument le plus pratique, le plus docile et le moins compliqué pour se promener ”’ ‘ 1557 ’ ‘.’ Au-delà, la proximité de Paris, le patronage du T.C.F, le concours de l’Auto, de l’Audax club parisien, de l’Union des cyclistes de Paris et du Cyclo Touring-club assurent la consécration populaire de la “ Polymultipliée ”. En 1914, “ les spectateurs se comptant par milliers, tous des cyclotouristes ” 1558 , se pressent sur les bords des secteurs les plus pentus du parcours.

Les conversations vont bon train sur les qualités de tel ou tel matériel. Chanteloup a ainsi valeur de meeting, type de manifestation dont la revue dynamise la reprise due en région parisienne à l’A.C.P. dès mai 1909 à Dampierre, puis en septembre de la même année à Fontainebleau. Celui auquel convie le Cyclotouriste à Meulan le 29 mai 1910 est une réussite par le nombre de participants (cf. Figure 30), de marques présentes (Terrot, Magnat-Debon, Tilhet…), de perfectionnements d’accessoires (porte-carte, porte-pélerine) et le matériel de camping exposé. Le but des rencontres n’est-il pas que chacun fasse part des résultats de son expérience sur l’équipement, la manière de voyager, voire de s’alimenter, que des essais puissent avoir lieu et que des relations s’établissent entre cyclotouristes ?

Figure 29. : Bicyclette “ polymultipliée ” en 1908.

In HENRY R.: Du vélocipède au dérailleur moderne, op. cit., p. 48.

Figure 30. : Cyclotouristes au meeting de Meulan.

In Le Cyclotouriste, juin 1910.

Mais en ce domaine, l’antériorité - meetings du début des années 1890 exclus - revient au Cycliste et à son maître d’œuvre, Paul de Vivie, alias Vélocio.

Notes
1551.

Le Cyclotouriste, février 1910.

1552.

Ibid.

1553.

Ibid.

1554.

Le Cyclotouriste, juin 1910, Lettre de M. Carlo Bourlet, professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers et rapporteur des Concours de bicyclettes de voyage du T.C.F. et cf. annexe doc. C 13 : Le Cyclotouriste du 15 mai 1914, première de couverture avec sommaire général.

1555.

Le règlement prévoit que les machines doivent être munies de garde-boue et de deux freins, interdit les entraîneurs, suiveurs et soigneurs ainsi que “ la marche à pied sur un point quelconque du parcours ”. L’Auto, 6 avril 1913.

1556.

“ On ne pouvait mieux choisir pour ces expériences que le circuit de Chanteloup, débutant (alt. 72m.) au sud de ce village, au pied d’une fameuse côte de 1350m. à 10% et à 14% parcourant les hauteurs de l’Hautvil (alt. 175m.), puis tournant à droite au carrefour de la Gueule rouge, dévalant le chemin abrupt de la ferme de la Barbannerie (alt. 104m.), 850m. : 9,5%. Ensuite 2 kilomètres 200 de descente plus douce arrivent au village de Maurécourt (alt. 27m.). Deux kilomètres de palier conduisent au bord de la Seine au village d’Andrésy (alt. 24m.) où tout de suite recommence l’escalade vers Chanteloup où recommence la ronde ”. Archives de l’A.C.P..Document élaboré par G. Clément : “ L’A.C.P. et Chanteloup ”.

1557.

L’Auto, 7 avril 1913.

1558.

Le Cyclotouriste, 15 mai 1914 et annexe doc. C 14 : Le championnat de la “ Polymultipliée ”, 3 mai 1914.