Le Grelot de Saint-Max (1905).

Source : Arch. mun. Nancy, R 3/5.

D2 : Souvenirs de M. Jules Legeay.

J’ai débuté à pédaler en 1893 sur tricycle, caout. pleins pesant environ 30 kgs [sic]; j’étais encore écolier, mon père m’emmenait le jeudi travailler avec lui de 10 à 15 kms [sic] de la Flèche ; cela dura quelques années, ensuite il acheta, vers 1895, une bicyclette caout. pleins du poids de 21 kgs ; le dimanche, je profitais qu’il s’absentait de 2 à 7 h. pour prendre le vélo et avec un camarade nous faisions des randonnées de 40 à 60 kms ; quand mon père m’autorisait on pouvait partir de 1 à 8 h. ; j’étais, une fois, parti avec mon camarade de la Flèche au Mans surprendre ma tante, qui nous avait sermonné d’avoir entrepris un tel voyage ; elle nous a remis un bon casse-croûte et en route pour le retour ; nous sommes arrivés avant 8 h. mais complètement épuisés.

En 1897, j’étais à Paris chez ma grand-mère ; nous avons été faire une visite aux magasins Dufayel, après avoir bien trotté, je m’arrêtai au stand vélo, ma grand-mère n’était pas loin et me trouva très attentionné ; elle me dit : tu en voudrais bien un, je fus très émotionné en répondant oui ; elle me dit : choisit..[sic] Cela n’a pas été long : un vélo à pneus avec guidon et selle de course que j’avais repéré, mais ne pensant pas qu’il serait pour moi ; le prix était de 275 Frs [sic] qui furent payés par abonnement. Un vélo à moi, c’était un des plus beaux jours de ma vie. De retour à la Flèche, mes parents furent très surpris ; mon père me fit de nombreuses recommandations, et ma mère était aussi heureuse que moi. Je sortais le soir après la journée et le vélo bien bichonné, était monté dans ma chambre.

En 1898, j’avais pu me procurer des roues avec boyaux et commençais à faire quelques petites courses en cachette ; mon père étant très hostile à ce sport ; il m’est arrivé des fois d’avoir mon vélo bouclé, puis mon père m’envoya à Rochefort s/Loire, j’avais 17 ans ½. J’étais chez de très bons patrons, bien soigné ; j’ai fait quelques courses dans le secteur, car je travaillais souvent le dimanche matin ; je me suis trouvé avec de très bons coureurs angevins, parmi lesquels je me souviens : BUSSON, FOUQUERAY, TRANCHANT, COIFFARD, DELAPORTE et autres ; il n’était pas facile de se classer avec ces costauds ; les courses étaient par séries : ½ finales, finales et honneur, une consolation pour les non-classés, j’arrivais bien en demi-finale, mais je n’ai réussi qu’une fois à la finale à Beaulieu, qui fut gagnée par TRANCHANT. Je fus second et FOUQUERAY troisième. Je n’y comptais pas car FOUQUERAY était nettement meilleur ; j’ai écouté TRANCHANT, j’ai risqué le paquet en partant sec. TRANCHANT put me rejoindre près de l’arrivée. FOUQUERAY avait été surpris et n’avait pu réagir en temps voulu. TRANCHANT était heureux, il me dit que c’était le seul moyen pour l’avoir.

J’ai fait encore quelques petites courses dans la région, et j’ai dû partir, ayant eu une petite histoire dans le pays ; j’ai bien regretté car j’aimais beaucoup l’Anjou.

Je rentrai chez mon père et fus expédié dans l’Est, à Épernay ; la vie n’était plus la même, un dur patron et des journées très longues, peu de dimanches complets ; j’avais du mal à m’entraîner mais j’ai trouvé de bons camarades au Vélo-Sport Sparnassien, bons routiers et grimpeurs ; j’arrivais, cependant à les coiffer au sommet de la dure et longue côte de Monchenot ; c’est là que je fis ma première course de 100 kms, on pouvait utiliser des entraîneurs mécaniques, j’ai demandé, mais vu ma petite corpulence et mes 48 kgs je fus évincé.

Nous sommes partis une quinzaine ; seuls deux coureurs avaient leurs entraîneurs ; la course fut menée rondement, j’ai sauté dans la roue de mon camarade et n’ai pu tenir longtemps vu la poussière, les autres ayant été décollés au départ. Je fis l’épreuve seul. Le gagnant fut BANOLTZER de Châlons en 2 h.57. Le second, mon copain KNEPPERT, en 2 h.59 ; je finissais en 3 h.3 ; les autres étaient loin ou avaient abandonné ; j’ai été très complimenté à l’arrivée, personne ne comptait sur moi, le mécano que j’avais demandé vint me trouver et regretta de ne pas avoir écouté mon camarade KNEPPERT qui avait confiance en moi ; ayant été accidenté, j’ai laissé les courses et suis rentré à la Flèche.

Au début de la saison 1901, je prends part au Prix de la Ville de la Flèche ; je gagnais ma série et ma demi-finale et abordais la finale avec confiance ; tout le public me donna nettement gagnant, mais le juge ma classa second avec un pneu ; malgré les discussions dans le public, je regrettais cette décision ; l’épreuve ayant été dotée d’une superbe écharpe avec les armoiries de la ville, brodées.

Par la suite, je partis travailler à Paris et pu [sic] participer à quelques épreuves parmi lesquelles Paris-Beauvais, Paris-Honfleur, Paris-Le Havre, Paris-Louviers, Paris-Contres, Paris-Lisieux, Paris-Caen, Paris-Tour [sic], quelques brevets de l’UVF et autres petites courses suivant le temps disponible. À ces épreuves il y avait toujours une centaine de partants ; je me trouvais souvent avec CORNET et RINGEVAL qui enlevaient la majorité de ces épreuves ; j’ai vu aussi Emile GEORGET CHRISTOPHE dans un Paris-Caen par un temps exécrable ; plus ça tombait, plus il marchait, je n’ai pas vu son égal par mauvais temps ; je me classais souvent du 8ème au 12ème. Dans Paris-Tours j’ai terminé 16ème ; après un sérieux coup de pompe dans la région d’Amboise, sauf accident, je terminais toujours, ne voulant jamais abandonner.

En 1904, je vins faire un tour à la Flèche où j’ai commencé le demi-fond ; je tournais très souplement et aurait pu avoir de bons résultats comme régional. Sur le nouveau vélodrome j’étais engagé avec quelques locaux à l’épreuve de demi-fond à disputer en plusieurs manches, GUIGNARD de Paris et LEPOUTRE de Lille étaient des nôtres ; aux essais BATHIAT, entraîneur de LEPOUTRE, m’avait remarqué tourner derrière ma petite moto ; il demanda à mon entraîneur qu’il se ferait un plaisir de me prendre dans la manche que je devais me rencontrer avec GUIGNARD, nous étions très heureux de cette offre. Mais j’avais oublié que je n’étais pas veinard ; au moment où je devais prendre ma moto, l’entraîneur de GUIGNARD me télescopa ; la chute fut violente, l’arrière de mon vélo entièrement brisé et je fus fortement touché. Je fus donc obligé de laisser la compétition un bon moment ? [sic]

Puis, fatalité, au mois de Juin, mon père décéda, ce fut l’adieu pour les courses, je dû [sic] rester quelques années avec ma mère continuer les travaux.

En 1905, je me suis marié, puis installé en 1906 à Fresnay s/Sarthe, que j’ai quitté pour aller au Mans en 1908 rue des Sablons où j’avais une entreprise de peinture et un petit magasin de vélos. De 1909 à 1914 je fis de nombreux déplacements comme musicien, tous les frais étant payés, mais je faisais tout à vélo ; un peu avant 1914 j’avais équipé un jeune soldat nommé THIBAULT que certains anciens ont bien connu.

En 1914, je fus mobilisé dans l’infanterie, je m’en suis bien tiré et était de retour début 1919.

Nota.

Le récit se poursuit jusqu’en 1931, date à laquelle l’auteur participe à Paris-Brest-Paris.