1.4 Mackie et la causation: ciment de l’univers (1965, 1980)

1.4.1 L’idée de base de la causation

L’idée centrale de causation que possède tout individu est de croire qu’une cause est nécessaire dans les circonstances pour un effet. La notion de nécessité dans les circonstances se traduit de la manière suivante: “ X est nécessaire dans les circonstances pour Y si et seulement si X et Y sont des événements distincts et si X apparaît alors Y apparaît et si dans les circonstances X n’était pas apparu Y ne se serait pas produit. ”

Selon Mackie, ceci est la réponse la plus pertinente à l’interrogation que toute personne se pose selon son raisonnement “ naturel ” afin de distinguer des séquences causales de séquences non-causales. Mais ceci soulève le problème de la distinction entre les circonstances et les causes. En effet, selon Mackie, une cause est nécessaire dans les circonstances, et ces circonstances sont elles-mêmes constituées de multiples causes. Ces causes circonstancielles fournissent en quelque sorte un champ causal duquel va émerger la relation causale dominante.

Mackie se pose la question de savoir si la suffisance dans les circonstances fait elle aussi partie de notre conception de la causation. Pour ce philosophe, il existe deux significations de la suffisance. La première est que X est faiblement suffisant dans les circonstances pour Y si et seulement si, dans ces circonstances, X se produit, Y se produit. Ici la probabilité conditionnelle n’est pas matérielle mais c’est une vérité triviale si X et Y se produisent tous deux. Mais cette définition de la suffisance (dans les circonstances) est déjà inclue dans sa définition de la nécessité dans les circonstances. D’où la seconde définition de la suffisance qui est que X est fortement suffisant dans les circonstances pour Y si et seulement si dans les circonstances, Y n’était pas sur le point de se produire, alors X ne se serait pas produit. Pour Mackie cette définition de la causation n’est pas un constituant de notre notion personnelle de la causation. En effet, lorsqu’une cause X est fortement suffisante pour un effet Y dans les circonstances, il est vrai que si Y n’était pas à même de se produire c’est que X ne se serait pas produit. D’après notre conception de la causation nous sommes prêts à dire que X est une cause de Y mais non l’inverse, à savoir que Y est tel qu’il fait de X une cause tout en étant sa conséquence. Il existe aussi des effets collatéraux découlant d’une même cause, i.e., si Y et Z étant des effets non connectés collatéraux de X, sont tels que si dans les circonstances l’un ne s’était pas produit, l’autre ne se serait pas produit. Mackie fait ressortir l’idée de priorité causale. Cette priorité causale se définit de la sorte en ce qui concerne le problème de la symétrie de la cause et de l’effet: il faut considérer X, mais non Y, comme étant une cause puisque dans de tels cas, X est causalement antérieur à Y. En ce qui concerne les effets collatéraux X est causalement antérieur à Y et Z, mais Y n’est pas causalement antérieur à Z et Z n’est pas causalement antérieur à Y. Pour résumer, selon Mackie, X est une cause de Y, d’après notre conception triviale de la causation: 1. si X et Y sont des événements distincts, 2. si X se produit et Y se produit, 3. si dans les circonstances X ne s’était pas produit, Y ne se serait pas produit, 4. X est causalement antérieur à Y.

L’approche de Mackie considère donc les faits contrefactuels comme dépendant de l’esprit mais vérifiables sur la base de régularités qui sont elles-mêmes des vérités ultimes sur le monde. La position de Mackie se situe par conséquent dans l’esprit et la continuité de Hume et de son empirisme. En effet, il considère qu’un fait conditionnel P implique Q est tel que si c’est un fait contrefactuel, i.e., si son antécédent n’est pas rempli, et si P n’entraîne pas Q, alors affirmer ce fait contrefactuel ne signifie pas affirmer qu’une proposition peut être vraie ou fausse. Bien au contraire, dans de telles conditions, affirmer que P implique Q revient à affirmer que “ l’existence d’un argument dont les prémisses incluent des lois universelles, la forme indicative de P, et d’autres énoncés singuliers de ‘conditions pertinentes’ et dont la conclusion est la forme indicative de Q ” (Kim, 1993, p 50).

Il en découle que les énoncés causaux singuliers ne peuvent être vrais puisque leur analyse comporte des jugements contrefactuels. Par conséquent, la nécessité ne peut être observée dans le monde puisqu’elle est de nature contrefactuelle. L’origine de la nécessité découlerait selon Mackie d’une évolution adaptative de notre capacité et tendance à faire des suppositions. Ce qui fait appel aux moyens primitifs (imaginatifs) et sophistiqués de l’individu qui lui permettent de justifier un jugement porté sur le fonctionnement du monde, en utilisant les suppositions contrefactuelles.