2.1.2. Notion de modèle mental ou modèle de situation.

Ainsi différents niveaux de structure linguistique sont impliqués dans la compréhension: Les mots, les clauses, les phrases et le texte en entier. Les lecteurs traitent les informations de divers niveaux simultanément. La lecture est un acte créatif, i.e., les lecteurs créent un monde mental des événements du texte. Les chercheurs caractérisent ce monde en termes de multiples représentations en mémoire de travail (MdT) et en mémoire à long terme (MLT). Les représentations sont basées sur le contenu du texte et sur les connaissances du lecteur portant sur les relations impliquées par le texte. Les niveaux de représentation les plus fréquemment étudiées sont le modèle mental ou le modèle de situation et la base de texte.

Selon la théorie des modèles mentaux (Johnson-Laird 1980, 1983), la signification d'une phrase ne peut être réduite à des représentations propositionnelles et des modèles sont nécessaires à l'interprétation. Les représentations du monde élaborées par le lecteur fournissent une base de données, et permettent de catégoriser et de structurer l'information nouvelle. La récupération en mémoire d'une représentation mentale est déterminée par les caractéristiques de cohérence de la structure dans laquelle elle est insérée. Ainsi la signification construite par le lecteur sera cohérente s'il trouve dans sa mémoire des représentations types qui permettent d'organiser l'ensemble des propositions établies à partir du texte. Parallèlement à cette notion de modèle mental, van Dijk et Kintsch (1983) définissent un modèle de situation qui préconise qu'une représentation du monde que les lecteurs se construisent à travers leurs expériences et leurs apprentissages, est activée lors du traitement de l'information nouvelle. Ces représentations que le lecteur se construit sont des théories naïves sur un certain monde possible. La représentation mentale du texte nécessite différentes phases de traitement, plus ou moins importantes selon les modèles théoriques. Trois phases de traitement sont habituellement décrites. (1) La compréhension en temps réel de la signification locale et globale du texte. Dans cette phase, la mémorisation est dotée d'une structure hiérarchique et cohérente. (2) La conservation en mémoire de la signification. (3) La récupération et la production. La récupération est une recherche guidée par la macrostructure de la représentation. La production est quant à elle une activité de linéarisation des structures hiérarchiques récupérées. Cette production obéit aux règles syntaxiques et sémantiques.

Il ressort de ces deux types de modèles que le traitement cognitif d’un texte fait appel aux connaissances du lecteur afin de construire une représentation cohérente en mémoire basée sur la signification du texte. Une série de recherches réalisées par Kintsch a nettement montré que, suivant la nature de la tâche, les apprenants privilégient soit une représentation de la microstructure dans le cas du rappel, soit une représentation de la macrostructure dans le cas du résumé, soit une représentation de la situation évoquée par le texte dans le cas d'un apprentissage en vue de la résolution de problème (Kintsch, 1986; Mannes & Kintsch, 1987).

Le modèle mental ou modèle de situation capture la plupart du contenu du texte établi à l’aide du micro et macrotraitement, tout en incluant les relations spatiales, temporelles et causales (Bransford & Johnson, 1973; Johnson-Laird, 1983; Kintsch, 1992; van Dijk & Kintsch, 1983). Bransford et Johnson (1973) ont d’ailleurs illustré l’importance de connaître la situation sous-jacente aux événements du texte. L’autre représentation est la base de texte propositionnelle. La base de texte est un ensemble de propositions, uniquement celles issues de la phrase courante sont disponibles en MdT, toutes les autres sont en MLT, mais elles peuvent être facilement recouvrées.

La lecture implique le transfert des idées du texte dans l’esprit du lecteur. Plusieurs processus y contribuent: Le décodage des lettres, découper et interpréter les phrases, et représenter les idées dans le texte mémorisé. Pour cela l’information doit passer par la MdT. Le texte une fois mémorisé et intégré devient un réseau de propositions (la base de texte).

Le lecteur et le texte sont donc deux facteurs nécessaires pour représenter le texte ainsi que ce qui est dit par le texte. Le lecteur de part ses connaissances et ses compétences cognitives, et le texte de part les informations qu’il fournit (concepts et structures d’intégration de ces concepts). Les capacités du lecteur (capacités de raisonnement et connaissances antérieures) sont un lien entre ces deux facteurs.

Le lecteur quant à lui diffère de par son expérience: Chaque personne possède des connaissances basées sur ses expériences du monde et de la société. Ainsi, il peut aisément construire des représentations basées sur les informations qu’on lui fournit ainsi que sur le traitement effectué sur ces informations.

Le texte a une influence dû à sa nature: Différents types de textes conduisent à différentes représentations mais aussi à l’activation de différents types de connaissances (sémantiques ou procédurales) en mémoire.

L’interaction entre ces facteurs conduit à diverses représentations basées soit sur les informations du texte soit sur les connaissances du lecteur, soit sur les interactions deux composantes.