2.1.3.4 Stratégie de l’état courant (Fletcher & Bloom, 1988)

Fletcher et Bloom (1988) ont proposé une stratégie dite stratégie de l’état courant qui permet la construction d’une structure causale du texte, dans une mémoire à court terme limitée. Le lecteur retient en mémoire de travail l’antécédent le plus causal assurant la cohérence avec la phrase suivante. Quand l’information requise pour la compréhension du texte n’est plus disponible en mémoire à court terme (MCT), la mémoire à long terme (MLT) est alors explorée jusqu’à ce que le lecteur puisse établir une connexion appropriée. Cette stratégie conçoit donc la lecture comme une activité finalisée par la construction d’une représentation cohérente à l’aide du raisonnement causal.

Fletcher et Bloom (1988) ont basé leur stratégie sur le raisonnement causal dans la compréhension de textes narratifs. Les auteurs ont tenté d’unifier deux grandes approches théoriques, afin d’étudier la compréhension de texte et le rappel. La première (van Dijk & Kintsch, 1973) considère que le lecteur se construit pas à pas une représentation de la situation évoquée par le texte à l’aide du micro- et macrotraitement sémantique. La seconde de ces approches envisage la compréhension comme un processus de résolution de problème dans lequel le lecteur doit découvrir une séquence de liens causaux qui connectent le début d’un texte à sa fin (ou à son issue finale). Cette approche accentue l’importance de la MCT en tant que goulet d’étranglement dans le processus de compréhension. Cette approche a permis de démontrer que les lecteurs retiennent en MCT l’information qui est l’antécédent causal le plus probable pour l’événement suivant qu’ils vont lire. Ceci permet la découverte d’une séquence causale qui relie le début d’un texte à sa fin, à l’intérieur des contraintes imposées par la capacité limitée de la MCT. L’approche qui considère la compréhension en tant qu’activité de résolution de problème, implique que la structure causale d’un texte est perçue comme le déterminant primaire du rappel. Cette structure est dérivée en découpant un texte en événements individuels et en utilisant le critère de “ nécessité dans les circonstances ”, afin de déterminer les connexions causales entre ces événements. D’autres recherches (Trabasso & van den Broek, 1985) ont montré que deux propriétés des réseaux causaux ont une influence sur le rappel d’un texte. 1. Plus un énoncé possède de connexions causales avec le reste du texte (connexions rétrogrades et antérogrades), meilleur sera son rappel. 2. Les énoncés qui se trouvent le long de la chaîne causale qui connecte le début d’un texte à sa fin sont mieux rappelés que ceux qui ne sont pas sur la chaîne causale (énoncés bras-mort). Ces résultats permettent de conclure que la structure causale d’un texte est un déterminant important de la manière dont il sera compris et rappelé.