3.5.3 Les arcs

Les étiquettes sur les arcs du modèle en réseau de transition récursive RP, M, Phy et Psy dénotent respectivement les relations causales "rend possible", "motivation", "causalité physique", et "causation psychologique". Ces étiquettes de catégorie reflètent leurs fonctions structurales, aussi bien que leur contenu. Dans ce modèle RTN, les relations sont classées selon les rôles causaux des interrelations des catégories conceptuelles de propositions. Le type de relation causale est déterminé par la règle de décision qui suit (Trabasso, van den Broek & Suh, 1989, p. 5) :

‘" Pour une paire de propositions dans laquelle A est temporellement antérieur à B et A est nécessaire pour B, déterminer si A contient une information de but (e.g., des verbes comme "veut" ou "décide", des compléments infinitifs comme "pour gagner", ou des phrases prépositionnelles avec des buts comme "pour manger"). Si A contient de telles informations alors la relation est une motivation; si A ne contient pas de telles informations, alors déterminer si B implique un état ou une réaction internes (e.g., une émotion ou une cognition ). Si c'est le cas, alors la relation est une relation de causation psychologique; si ce n'est pas le cas, alors déterminer si A est aussi suffisant dans les circonstances pour B. La suffisance dans les circonstances veut dire que si A est mis dans les circonstances du texte, et si les choses peuvent suivre leur cours à partir de là, B se produira (voir Mackie 1980). Si A est suffisant, alors A cause physiquement B; si A n'est pas suffisant, alors A rend possible B."’

En plus des relations causales, deux sortes de relations temporelles ont de l'intérêt: La coexistence temporelle, quand deux événements sont conjoints et se produisent en même temps, et la succession temporelle, quand un événement suit dans l'ordre un autre événement.

Les études sur les réseaux causaux montrent donc que la représentation d'un texte par un lecteur est sous la forme d'un réseau de noeuds interreliés, même si ces modèles ne spécifient pas quels sont les processus par lesquels le lecteur arrive à cette représentation (Trabasso & Sperry, 1985; Trabasso & van den Broek, 1985; van den Broek, 1990; van den Broek & Lorch, 1993; van den Broek, Trabasso & Thurlow, 1990). La représentation mentale du lecteur diffère de la représentation en réseau d'un texte parce que cette dernière est limitée aux événements qui sont explicitement mentionnés dans le texte. Il est probable que le lecteur produise seulement un sous-ensemble des relations qui sont postulées par la théorie. La limitation de la capacité de la mémoire attentionnelle ou mémoire à court terme ne permet pas au lecteur d'identifier toutes les relations possibles. Un lecteur peut aussi ajouter des événements et des connaissances qui ne sont pas inclus dans le réseau théorique. Il est probable que ceci se produise parce qu'un texte présente rarement de façon explicite toute l'information requise pour la compréhension. Nous devrons donc considérer les processus inférentiels directs qui conduisent à la représentation en mémoire d'un texte ce qui sera l’objet de notre troisième chapitre. Mais auparavant, nous avons voulu mettre en évidence des différences de forces causales d’après les critères de nécessité et de suffisance. En effet ces critères et notamment la suffisance, restent philosophiques et sont appliqués à la compréhension de textes par le raisonnement des scientifiques et des chercheurs cognitivistes. Or ce raisonnement peut ne pas correspondre à l’approche ‘naturelle’ de l’individu.

Notre seconde expérience a donc pour but d’appliquer les critères philosophiques établis par Mackie (1980) à la psychologie cognitive. Pour ce faire nous avons tenté de tester directement le critère de suffisance contrairement à Trabasso et al. (1989), ce qui leur semblait irréalisable empiriquement, puisque l’un est dans son application logique, le contraire de l’autre. De plus (voir premier chapitre) nous avons pu mettre en évidence des connexions directes entre des événements non-adjacents dans la structure de surface du texte (voir résultats de l’expérience 1) et nous avons donc envisagé d’étudier les différences de force causale en interaction avec cette notion de distance. En effet, les événements peuvent perdre de leur force causale s’ils sont présentés éloignés dans la structure de surface du texte. Le lecteur peut ne pas détecter les relations causales. Tout comme une forte connexion causale peut permettre au lecteur de détecter ces relations causales.

Ainsi, en utilisant les critères de force causale (nécessité et suffisance) nous pourrons valider la hiérarchie de causalité établie par Trabasso, van den Broek et Suh (1989). En effet ce sont les seuls chercheurs à avoir tenté de mettre empiriquement en évidence les quatre types de relations causales définies plus haut.