3.6.5.2 Jugements de force de connexion

Une première analyse a été effectuée afin de comparer les jugements de force causale entre les paires reliées causalement et les ensembles de paires contrôles, sous les deux critères et dans les trois conditions de jugement. Les jugements obtenus sous le critère de nécessité ont été transformés de telle sorte qu’une forte valeur de jugement dénote une importante force de relation. Pour cela nous avons soustrait toutes les valeurs de nécessité de 10. Ainsi un jugement de “9” a été transformé en “1”, tandis qu’un jugement de “1” a été transformé en “9”. Sous le critère de nécessité une valeur de jugement élevée dénote une faible relation, donc après cette transformation, sous chaque critère une valeur de jugement élevée dénote une forte acceptabilité sous ce critère. Condition de Jugement (simple lecture, double lecture, sans lecture) et Critère (nécessité et suffisance) étaient des variables inter-sujets. Ensemble de Relation (inversées, reliées, non reliées) était une variable intra-sujets.

Les résultats ont mis en évidence un effet significatif de la variable Critère, F(1, 42) = 8,6, p = .005. Les sujets en général, évaluent une relation comme étant plus forte sous le critère de nécessité (M = 4,708) que sous le critère de suffisance (M = 4,136). Nous avons également obtenu un effet significatif de la variable Ensemble de paires, F(2, 84) = 162,91, p = .0001. Les jugements pour les paires reliées causalement (M = 6,397) étaient plus importants que ceux des paires non reliées causalement (M = 3,852), ces dernières étant jugées comme étant plus fortement connectées que les paires inversées (M = 3,015). Les contrastes effectués ont montré que les paires reliées différaient des deux ensembles contrôle, F(1, 42) = 170,07, p = .0001; et que les paires inversées différaient des paires non reliées causalement, F(1, 42) = 18,381, p = .0001. Ainsi que nous l’avions supposé, les paires reliées ont une force de connexion causale plus forte. L’effet obtenu pour les paires des ensembles de contrôle est probablement dû à la priorité temporelle, car les paires inversées ne satisfont pas ce critère requis tandis que les paires non reliées le satisfont.

Les conditions de jugement n’ont pas affecté les jugements, F(2, 42) = 0,238, p = .7889 mais ce facteur interagit significativement avec les Critères, F(2, 42) = 4,26, p =.0207. Les jugements sous le critère de nécessité étaient similaires à ceux sous le critère de suffisance pour la condition sans lecture (d = -0,02). Par contre, les jugements sous le critère de nécessité étaient plus forts que ceux sous le critère de suffisance pour les deux conditions de lecture, respectivement d = 1,34 pour la condition de simple lecture et d = 0,39 pour la condition de double lecture. La nécessité et la suffisance sont donc sensibles aux circonstances du texte. La nécessité par le raisonnement contrefactuel auquel elle est associée semble être plus sensible aux circonstances du texte. Ceci s’explique par le fait que le raisonnement contrefactuel s’applique à la cause dont l’apparition est déterminée par les circonstances du texte. L’interaction Ensemble de paires * Condition de Jugement était significative, F(4, 84) = 5,379, p = .0007. Comme la Figure 7 le représente, pour la condition de jugement sans lecture, nous n’obtenons aucune différence significative entre les valeurs de jugement des paires inversées (M = 3,787) et non reliées (M = 3,83), alors que nous pouvons observer que les paires non reliées sont jugées comme étant plus fortement connectées que les paires inversées dans les deux conditions de lecture.

Figure 7. Moyennes de force de connexion pour les ensembles de paires et les conditions de jugement.

L’interaction Ensemble de paires * Critère était significative, F(2, 84) = 6,415, p = .0026 (voir Figure 8). Nous n’observons aucune différence de jugement, pour les paires reliées, sous les deux critères (nécessité, M = 6,349; suffisance, M = 6,446). Les paires inversées et non reliées tendent à être mieux acceptées sous le critère de nécessité (inversées, M = 3,272; non-reliées, M = 4,501) que sous le critère de suffisance, (inversées, M = 2.759; non-reliées, M = 3.203). Ces résultats suggèrent que le critère de suffisance est un critère plus strict que la nécessité pour la causalité, par conséquent il devrait permettre de mieux différencier les quatre types de relation causale.

Figure 8. Moyennes des forces de jugement pour les ensembles de paires et selon les critères de jugement.

Nous avons donc effectué une seconde analyse de variance portant sur les paires reliées causalement uniquement, afin de tester de probables différences de forces de connexion entre les types de relation causale selon leur distance dans la structure de surface du texte.

Les facteurs Condition de jugement et Critère étaient tous deux des variables inter-sujets. Type de relation (rend possible, causation psychologique, motivation, et causalité physique) et Distance étaient des variables intra-sujet.

Les résultats ont montré un effet du facteur Condition de jugement, F(2, 42) = 3,494, p = .0395. Il semble que les sujets dans la condition de jugement sans lecture tendent à évaluer les paires comme étant moins reliées causalement (M = 5,932) que ne le font les sujets des autres conditions (M = 6,53 pour la condition de simple lecture, et M = 6,733 pour la condition de double lecture). L’interaction Condition * Critère était significative, F(2, 42) = 3,160, p = .0527. La nécessité rendait compte de forces de connexion plus faibles que la suffisance, d = -0,988, tandis qu’elle donnait lieu à de plus fortes valeurs de connexion que la suffisance dans les conditions de lecture (simple lecture, d = 0,53; double lecture, d = 0,163). Le facteur Condition de jugement n’a pas interagit avec les Types de relation causale, F(6, 126) = 1,371, p = .2314 ni avec la Distance, F(2, 42) = 2,529, p = .09.

Les résultats ont mis en évidence un effet principal du facteur Type de relation, F(3, 126) = 15,616, p = .0001. Les contrastes calculés ont montré que les relations de rend possible étaient considérées comme étant moins fortement connectées (M = 6,062) que les autres types de relation causale. La causalité physique (M = 6,362) est moins reliée que la motivation (M = 6,58) et que la causation psychologique (M = 6.589). L’effet de la Distance est un effet significatif, F(1,42) = 1,04, p = .0001. Les paires de phrases adjacentes (M = 7,096) ont été jugées comme étant plus fortement reliées que les paires non-adjacentes (M = 5,701). L’interaction Type de Relation * Distance était également significative, F(3, 126) = 38.96, p = .0001. La hiérarchie de forces causales diffère selon la distance entre les éléments (voir Figure 9). Pour les paires adjacentes nous avons obtenu la hiérarchie suivante: Causalité physique (M = 7,599), suivie de la motivation (M = 7,193), ensuite la causation psychologique (M = 7,09), et enfin la relation de rend possible (M = 6,501). La hiérarchie pour les relations non-adjacentes était la suivante: Causation psychologique (M = 6,089), motivation (M = 5,967), puis la relation de rend possible (M = 5,622), et enfin la causalité physique (M = 5,125). Cette interaction a été faiblement influencée par la Condition de jugement, F(6, 126) = 2,081, p = .06. La différence de valeur de jugement entre les paires adjacentes et non-adjacentes pour la causalité physique est moins importante dans la condition de jugement sans lecture (d = 1,745) que dans les conditions de lecture (d = 2,84 pour la condition de simple lecture, et d = 2,891 pour la double lecture). Le pattern de l’interaction Critère * Distance demeure identique.

Figure 9. Moyennes de jugement en fonction de la distance des quatre types de relations causales.

L’interaction Distance * Critère était également significative, F(1, 42) = 10,603, p = .0022. Pour les paires non-adjacentes nous n’avons trouvé aucune différence de jugement sous les deux critères (M = 5,874 pour la nécessité, M = 5,527 pour la suffisance), alors que les paires adjacentes sont plus acceptées sous le critère de suffisance (M = 7,367) que sous le critère de nécessité (M = 6,824). Puisque la distance influence l’opérativité des éléments pendant la lecture du texte, ceci démontre que le critère de suffisance est un critère plus strict et plus causal que la nécessité. Enfin, nous n’avons pas trouvé d’effet significatif des interactions Type de Relation * Distance * Critère F(3, 126) = 1,938, p = .12. Cette double interaction n’a pas non plus été influencée par le facteur Condition de jugement, F(6, 126) = 0,558, p = .76.

Dans une analyse séparée, nous avons exclu les conditions de double lecture et de jugement sans lecture, afin de considérer les effets de la simple lecture uniquement. Les résultats ont mis en évidence les mêmes patterns que ceux décrits précédemment.