3.7.2 Expérience

3.7.2.1Problématique

Nos précédentes expériences nous ont permis de mettre en évidence que la représentation se fait sous forme de réseau causal dans lequel de nombreuses connexions sont possibles vers une seule unité de texte, et de des connexions directes sont également possibles entre des énoncés distants dans la structure de surface du texte. De plus, nous avons pu mettre en évidence l’influence des critères de nécessité et de suffisance sur la détection de ces relations et sur le poids de leur représentation en mémoire. Un événement dans le réseau peut donc satisfaire aux critères causaux et posséder de nombreuses connexions. Dans cette troisième étude nous testons l’influence des propriétés des noeuds du réseau (force de connexion versus force de connectivité) sur la récupération d’informations en mémoire.

Nous nous sommes intéressées aux effets des connexions ‘partant’ des événements cible, ainsi qu’à la disponibilité de la cible dans la représentation en mémoire. Simultanément, nous avons étudié le rôle de la force d’une relation cause-effet en terme de suffisance, sur la disponibilité de cet effet. Bien que chacune de ces propriétés (nombre vs force) ait été étudiée séparément, elles n’ont jamais été combinées dans une même expérience. Un des résultats directement pertinent de notre travail antérieur, est que la suffisance est un critère causal plus restrictif que la nécessité (expérience 2, ce même chapitre). Par conséquent nous nous focaliserons sur la suffisance et le but de cette troisième expérience est de mettre en évidence l’influence de la suffisance sur la force de la relation représentée (forces de connexion et connectivité des événements), et de rechercher les conditions de recouvrement (indices de récupération) ou de focalisation de l’attention dans lesquelles ces deux forces peuvent avoir une influence majeure. Pour tester cette hypothèse nous avons utilisé une procédure de reconnaissance amorcée (voir van den Broek & Lorch, 1993, expérience 1, chapitre 1).

De nombreux auteurs ont montré qu’un événement ayant de nombreuses connexions a une grande probabilité qu’une route soit trouvée pendant le recouvrement de cet événement en mémoire. Les événements ayant de nombreuses connexions ont aussi une plus grande probabilité d’être rappelés que des événements ayant peu de connexions. Cependant, la diffusion de l’activation dans les réseaux en mémoire dépend des forces de connexion (i.e., le critère de suffisance): Plus la connexion est forte, plus rapide sera la propagation de l’activation.

Notre hypothèse principale est que l’accès à la mémoire est facilité par une forte connexion causale (forte suffisance) d’une cause vers sa ou ses conséquence(s). Ainsi, la force de connexion devrait être une propriété plus importante que le nombre de connexions pour la représentation d’événements en mémoire sous forme de réseau, tout en prenant en compte l’influence de la structure de surface du texte sur la construction d’une représentation mentale cohérente, et nous nous attendons à trouver un effet principal de la suffisance. De plus, les effets d’amorçage devraient dépendre de la force causale entre l’amorce et la cible ainsi que de la force des connexions de la cible. En effet, la force des connexions permet au lecteur de détecter et de construire les relations causales, mais elle permet aussi un accès plus rapide à l’événement représenté en mémoire.

Les effets de la force causale et du nombre de connexions sur la reconnaissance peuvent dépendre de la focalisation de l’attention du lecteur. O’Brien et Myers (1987) ont obtenu différents patterns d’amorçage lorsque l’attention du lecteur était focalisée soit sur un moment particulier du texte soit sur le texte en entier. Pour évaluer la focalisation de l’attention du lecteur nous avons calculé les effets d’amorçage en utilisant deux conditions contrôle différentes. Dans une première condition contrôle, l’amorce focalise l’attention du lecteur sur un moment particulier du texte qui n’est pas causalement relié à la cible (condition non-relié causalement). Dans une seconde condition contrôle, l’amorce focalise l’attention du lecteur sur le texte en général (condition générale). Pour cette dernière condition, nous avons utilisé des énoncés qui décrivent les circonstances générales du texte (énoncés ‘situation’, voir Johnson & Mandler, 1978; Stein & Glenn, 1979). Ces énoncés activent le texte en son entier, plutôt que des éléments spécifiques. Bien que nous nous attendions à trouver des effets d’amorçage résultant de la force causale et du nombre de connexions dans les deux cas, nous pensons observer différents patterns d’effets facilitateurs.

Nous avons mis en place un dispositif expérimental identique à celui de l’expérience 1. Les participants, après avoir lu des récits devaient reconnaître un énoncé cible après la présentation d’un énoncé amorce.