4.7.7 Résultats

Une première analyse la variance Anova) à l’aide du logiciel Super Anova a été effectuée afin de comparer les temps de réaction aux mots. Les facteurs Type de mot (Autres, Cibles, Non-Mots), Suffisance (S+ et S-), Distance (Adj., Mi-Adj., et Non-Adj.) étaient des facteurs intra-sujets. Le facteur Condition (Cause, Conséquence) était une variable inter-sujet.

Les résultats ont montré un effet significatif de la variable Type de mots F(2, 68) = 6,587, p= .008. Les temps de réaction aux Non-Mots (M = 1106,89 ms.) sont plus longs que les temps de réaction aux mots Autres (M = 880,85 ms.). Les mots Cibles sont eux reconnus plus rapidement que les mots Autres (M = 795,95 ms.), bien que les contrastes aient montré que cette dernière différence n’était pas significative (p = .35).

Aucun autre facteur n’est significatif, ni aucune interaction.

Nous avons ensuite effectué une seconde analyse de la variance en excluant les non-mots afin de mettre en évidence des effets des mots cibles référant à la cause ou à la conséquence. Tout en gardant les mots autres, afin de mettre en évidence des différences dues à la Distance et à la Suffisance. Les résultats n’ont montré aucun effet de la variable Condition F (1, 34) = 0,426, p = .426, variable qui nous intéresse tout particulièrement. Nous pouvons en déduire que la cause et la conséquence sont activées pendant la production d’inférences causales antérogrades.

Pour explorer cette idée, nous avons effectué des analyses de variance séparées sur les deux conditions, cause et conséquence.

Condition Cause:

Nous n’avons obtenu aucun effet significatif des variables étudiées. Aucune interaction n’est significative. La principale interaction qui nous intéressait était la suivante

Suffisance * Distance, F (2, 34) = 0,029, ns.

Les patterns d’activation des causes sont similaires pour S+ et S-. Ce qui revient à dire que l’activation et le maintien de la cause restent stables à travers les cycles de traitement. Néanmoins, la distance mi-adjacente semble présenter le point central à partir duquel les causes sont désactivées. Nous avons choisi de présenter la figure de cette interaction (voir Figure 22) non significative, afin de faire ressortir visuellement l’effet de la distance mi-adjacente.

Figure 22: Représentation graphique de l’interaction Suffisance * Distance pour la condition de décision lexicale sur les mots cause. Effet non significatif. [Légende: S+ = Forte suffisance, S- = moyenne Suffisance].

Condition Conséquence:

La même analyse que celle réalisée sur la condition cause a été effectuée sur la condition conséquence. Les résultats nous ont cette fois permis de mettre en évidence un effet de la variable Suffisance, F(1, 17) = 4,116, p = .06. Les temps de réaction pour des relations de forte suffisance (M = 795,757) sont plus long que ceux des relations de moyenne suffisance (M = 771,29). Ce résultat est compatible avec les résultats de notre troisième expérience qui indiquaient, dans la lignée de la théorie de Keenan, Baillet et Brown (1984) qu’une moyenne suffisance donne lieu à une meilleure intégration et récupération des événements en mémoire.

Nous avons aussi obtenu une interaction significative Suffisance * Distance, F(2, 34) = 3,378, p = .05. Cette indique qu’avec une forte suffisance, les temps de réaction (TR) diminuent selon la distance (Adj: M = 871,23; Mi-Adj: M = 771,07; Non-Adj: M = 744,96) (voir Figure 23). Il y a donc intégration progressive, plus la conséquence tarde à apparaître. Les temps de réaction importants en distance adjacente sont dus à l’effet ‘fan’, i.e., tout étant activé en distance adjacente, il y a une inhibition (ralentissement) due à la forte suffisance, comme nous avons pu le mettre en évidence dans nos expériences précédentes (voir chapitre 1 et 2).

Figure 23: Représentation graphique de l’interaction Suffisance * Distance pour la condition de décision lexicale sur les mots conséquence. [Légende: S+ = Forte suffisance, S- = moyenne Suffisance].

Avec une moyenne suffisance les temps de réaction, augmentent en fonction de la distance de la conséquence dans la structure de surface du texte (Adj: M = 273,36; Mi-Adj: M = 772,57; Non-Adj: M = 817,939. Il y a donc une désactivation progressive des conséquences activées. Remarquons, que l’effet inhibiteur de la forte suffisance en distance adjacente, disparaît avec une moyenne suffisance.

Si l’on s’attarde sur la distance Mi-Adjacente, on s’aperçoit que les activations sont ‘équilibrées’. Cette distance semble donc être le point central de l’activation/désactivation des éléments. Afin de valider tous ces résultats nous avons analysé les temps de lecture des phrases de conséquences.

Temps de lecture:

Nous avons effectué une analyse de la variance sur les temps de lecture des phrases conséquences. Les facteurs intra-sujets étaient la Distance (Adj, Mi-Adj, Non-Adj), la Suffisance (S+, S-), la Conséquence (Attendue, Peu Attendue). Le facteur Condition était quant à lui inter-sujets.

Les résultats ont mis en évidence une tendance du facteur Conséquence F(1,34) = 3,390, p = .07. Comme nous le supposions, les conséquences peu attendues sont lues plus lentement (M = 2837,65) que les conséquences attendues (M = 2680,08). Le facteur distance est lui aussi significatif F(2,68) = 8,411, p = .0009. Les conséquences adjacentes (M = 2964,22) sont lues plus lentement que les conséquences non-adjacentes (M = 2877,15), suivies des conséquences mi-adjacentes (M = 2435,21). Les contrastes effectué ont montré que seules les conséquence mi-adjacentes différaient des autres. Il semble donc que la distance mi-adjacente corresponde au temps nécessaire d’intégration ou désactivation des éléments. En effet, dans la distance adjacente tous les éléments sont encore présents en mémoire ce qui peut confondre le lecteur, alors qu’en distance non-adjacente les éléments ne sont plus en mémoire. Le résultat est le même mais les raisons en sont différentes.

La Distance interagit avec la force de connexion F(2,68) = 3,95, p = .02. Pour la distance mi-adjacente et non-adjacente, les temps de lecture augmentent pour les deux suffisance (S+ : mi-adj, M = 2324, non-adj, M = 2844; et S-: mi-adj, M = 2545, non-adj, M = 2909), alors que pour la distance adjacente, les temps de lecture diminuent entre une forte suffisance (M = 3173) et une moyenne suffisance (M = 2755). (voir Figure 24)

Figure 24: Temps de lecture moyens (en ms.) des phrases conséquences en interaction avec la distance.

Nous pouvons donc en conclure que la distance adjacente n’est pas une condition suffisante pour étudier la production d’inférences antérogrades. En effet, cette distance adjacente est soumise aux effets de la force de connexion (inhibiteurs et fan effect, comme nous l’avons démontré dans nos expériences des chapitres 1 et 2). Une forte suffisance donne néanmoins lieu à des temps de lecture plus rapides des conséquences qu’une suffisance moyenne sur des distances plus importantes.

Aucune autre interaction ou effet simple n’est significatif. Par conséquent nous tenté d’aller rechercher des effets dans les contrastes à l’intérieur des composantes des variable. En effet, une des interaction qui nous intéressait tout particulièrement était celle entre Conséquence et Suffisance F(1,34) = 2,523, ns (voir Figure 25). Les contrastes effectués ont mis en évidence une différence significative entre les temps de lecture des conséquences peu attendues (M = 2909) et ceux des conséquences attendues (M = 2651) pour une forte suffisance, à p = .01. Tandis que nous n’avons pas pu observer de différence significative entre les temps de lecture des conséquences peu attendues (M = 2765) et ceux des conséquences attendues (M = 2708) pour une moyenne suffisance, à p = .67.

Figure 25: Temps de lecture moyen (en ms.) pour l’interaction Conséquence * Suffisance.

Les conséquences peu attendues sont lues plus lentement que celles qui sont attendues. Cette différence augmente sous l’influence de la force de connexion causale (S+). L’intégration d’un noeud pré-existant dans le réseau semble confirmée.

L’interaction Conséquence * Distance n’est pas significative F(2,68) = 1,119, ns. Néanmoins, les contrastes effectués (voir Figure 26) ont montré trois différences significatives. La première entre les conséquences peu probables adjacentes et mi-adjacentes (p = .001), la seconde entre les conséquences peu probables mi-adjacentes et non-adjacentes (p = .002). La dernière est celle entre les conséquences probables adjacentes et mi-adjacentes.

Figure 26: Représentation graphique de l’interaction Distance * Conséquence pour des temps de lecture des conséquence (en ms.). ns

Il ressort de cette interaction que les temps de lecture en distance mi-adjacente sont équilibrés. Alors qu’en distance adjacente et non-adjacente les conséquences peu attendues présentent des temps de lecture plus longs que des conséquences attendues.