INTRODUCTION

Comment ne pas faire référence aux propos mêmes de Chaplin pour inaugurer ce travail de recherche d’autant qu’ils nous ont stimulée et encouragée dans les moments difficiles où nous redoutions de ne pouvoir mener l’entreprise à bien.

‘« Comment a-t-on des idées ? Par la persévérance poussée jusqu’au bord de la folie. Il faut avoir la capacité de supporter l’angoisse et de conserver son enthousiasme pendant une longue période. »’

Cette volonté en action, cette obstination acharnée y compris face à l’échec, ce sont bien ces qualités là que Chaplin a mises en œuvre sur une longue période de création qui s’étend du 2 février 1914 au 2 janvier 1967. Depuis l’ardeur à trouver la silhouette qui deviendra légendaire pour se singulariser au sein du cinéma hollywoodien en plein essor jusqu’à la métamorphose de celle-ci dans le dernier film à soixante-dix-sept ans. Sa longue carrière s’enracine d’abord sur le terreau fécond du burlesque qu’il transforme fondamentalement propulsant le cinéma américain en haut de l’affiche mondiale.

De ce point de vue il fait considérablement évoluer l’écriture cinématographique de son temps, peaufinant au fil des productions les scénarios et les techniques jusqu’à prouver avec A Woman of Paris en 1923 qu’il est capable de faire du cinéma sans la notoriété de Charlot. C’est cette persévérance sur le long terme qui conduit Chaplin à réaliser cet itinéraire singulier, ne se départissant jamais de ses convictions personnelles et de ses entêtements passagers pour forger sa propre esthétique. Et si chaque fois il fait fi des évolutions majeures du cinéma hollywoodien en revendiquant une indépendance de plus en plus farouche tant par rapport aux maisons de production que par rapport à ses propres choix cinématographiques, c’est en définitive pour mieux s’approprier les nouvelles techniques. Le temps qu’il s’octroie pour penser son art lui permet une approche détournée de la modernité cinématographique dont il saisit vite les enjeux et les perversions possibles. Ainsi en est-il du parlant, qu’il boude pendant des années, ou du CinémaScope.