1 - La mise en évidence d’un système de lieux

Chaplin, londonien émigré aux Etats-Unis, dès qu’il réalise seul ses films, c’est-à-dire, très tôt (le 4 mai 1914 Caught In The Rain) filme l’urbanité et plus précisément encore un univers de rues et de quartiers qui ressemblent fort à ceux de son enfance anglaise 43 :

‘«  Toute sa vie tient à l’étroit dans ce paysage de brique et de fer où les enfants forment des attelages de bout de corde, organisent entredes braseros des courses de relais et sautent avec insouciance au-dessus des châlits que les brocanteurs laissent pêle-mêle sur le trottoir. Lambeth Road c’est déjà le décor d’Easy Street, la rue des Bons-Enfants où Charlot coiffe en semaine le gros Nénesse d’un bec de gaz et l’envoie, le dimanche, au temple de l’armée du Salut. Voici les palissades de Cottington Street sous lesquelles passeront les mains des voleurs de saucisses, voici les boules des prêteurs sur gages, le comptoir sur lequel Charlot fera de mauvais débuts d’usurier. Voilà toutes les maisons de son enfance que Charlie Chaplin reconnaît, dit-il, avec plus d’émotion que les gens… »’

Il était alors ce gosse pauvre, errant dans l’espace sordide et délabré des classes miséreuses (cf. My Autobiography).

Si le Chaplin des premiers films de la Keystone joue déjà dans la rue, lorsqu’il prend en charge la réalisation, il va peaufiner son regard et élire des lieux de prédilection en privilégiant prises de vue, mouvements de caméra et montage final. Quels sont ces espaces sur lesquels il focalise ses objectifs ? Avant d’analyser leurs fonctions proposons d’abord une approche organisée des lieux qui les composent.

Notes
43.

P. GILSON cité par J. MITRY in op.cit., p.150