c) Le rôle de la musique : Chaplin compositeur. Les bruits.

Chaplin ne néglige pas non plus la musique pour structurer ses films.

‘« Chaplin aimait raconter comment la musique avait pénétré pour la première fois son âme et l’avait hanté depuis lors. C’était à Kennington Cross, alors que, petit enfant pauvre, il avait entendu un soir aux environs de minuit deux musiciens des rues jouant Honeysuckle and the Bee à la clarinette et à l’harmonica. Un “message étrangement harmonieux. Une telle émotion naquit que j’eus, pour la première fois, conscience de ce que c’était que la mélodie. » 86

Pour lui qui jouait du violon depuis l’âge de seize ans, il tenait beaucoup à la composition de ses musiques qu’elles soient inspirées des oeuvres classiques (Wagner, Tchaikovski, Rimski-Korsakov etc.) ou des chansons populaires. Pour les films muets, les projections étaient accompagnées par un orchestre dans la salle.

S’il est vrai que City Lights est le premier film sonore de Chaplin à comporter la musique sur la pellicule, (En 1931 il présente à Brodway ce film avec sa musique.) néanmoins dès la fin des années 20 il avait pris la décision audacieuse de composer lui-même les partitions des musiques de ses films. F. Bordat souligne à ce sujet :

‘« (...) le cinéaste apparaît, non comme un nostalgique du muet, mais comme un musicien de cinéma en avance sur son temps, annonciateur des grandes partitions hollywoodiennes classiques des années trente et quarante. » 87

Et le mime Marceau précise 88 :

‘« La musique de Chaplin était une musique essentiellement dirigée pour éclairer l’image et au service de l’image. Et c’est pour ça qu’il l’a simplifiée, elle est très elliptique. »’

Cette musique présente en outre les caractéristiques d’être une musique romantique et d’amour. Michel Villard, chef d’orchestre, explique que Chaplin était avant tout un mélodiste. Pourtant il parvient à composer des morceaux extrêmement longs comme pour City Lights :quatre-vingt sept minutes, même s’il confie à des orchestrateurs de qualité les partition pour que le travail de composition soit parfait et en adéquation avec ce qui est à l’image.

‘« La manière dont Chaplin utilise la musique de film relève plus d’un souci de contrôle intégral des diverses composantes de son cinéma que d’une réelle vocation de compositeur. Bien qu’il soit indéniable qu’il ait apporté des idées musicales originales, Charlie Chaplin reste avant tout un mélodiste à la thématique assez simple ayant su s’entourer des meilleurs orchestrateurs. » 89

En effet, ces musiques font partie intégrante de la diégèse. Il est très exigeant pour que la musique s’adapte surtout à la pantomime de Charlot. Ainsi M. Marceau trouve que :

‘« Le grand mérite de Charlot compositeur est qu’il a été simple dans sa musique pour souligner et ne pas distraire l’émotion dramatique. On n’a qu’à regarder la scène admirable dans Les lumières de la ville du milliardaire qui veut se suicider et Chaplin qui est à côté de lui et qui veut l’empêcher de se suicider. »’

Nous nous proposons justement d’en faire une rapide analyse puis de démontrer par quelques morceaux choisis comment Chaplin compose sa partition musicale sur Charlot mimant :

« Je ne peux pas composer de musiques sans voir les images », disait Chaplin.

Notes
86.

P. SMOLIK, Chaplin après Charlot 1952-1957, éd. Champion, 1995, Chapitre VIII.

87.

F. BORDAT, op.cit., p. 305. Relire en particulier les pages consacrées à “Musiques” de 301 à 314.

88.

Film documentaire CHAPLIN et LA MUSIQUE, 1991

89.

LACOMBE et ROCHE, La musique de film, Van de Velde, 1979, p. 186