a) Filiation du film avec l’histoire du muet.

Si l’on se réfère au titre du film : “Les Lumières de la ville”, M. Chion 100 rappelle qu’il renvoie à l’espace urbain prisé par les films muets.

‘« Vers la fin des années 20, au climax du cinéma muet, le thème urbain avait connu une vogue toute spéciale : il suffit de citer Métropolis, de Fritz Lang (1926), Berlin Symphonie d’une grande ville, de Walter Ruttmann (1927), L’Aurore (1927) et Le Dernier des hommes (1924), de Murnau... »’

En outre, bien que les techniques aient évolué (voir ci-dessous), stratégiquement Chaplin s’en tient aux codes du muet. City Lights « étant une comédie sentimentale en pantomime », Charlot travaille en profondeur les mimiques et la gestuelle, les regards et les déplacements dans l’espace, soucieux de rendre au mieux les nuances du sentiment et de l’humeur, fidèle en cela au Charlot qu’affectionne particulièrement le public. Il refusera donc catégoriquement de parler pour l’excellente raison que « Les émotions extrêmes de l’âme sont muettes » et parce que les cartons suppléent largement à l’absence de paroles. Et, quant à la photographie, F. Bordat souligne 101 :

‘« Le soft focus renvoie explicitement et, je dirais, un peu pieusement, à cette esthétique “artiste” des années vingt à laquelle, paradoxalement, Chaplin n’avait jamais vraiment adhéré, mais dont, dans son opposition au parlant, il voulait bien maintenant paraître l’héritier. »’

En somme, Chaplin veut que l’on reconnaisse toujours en lui le virtuose du cinéma muet, capable de faire la nique au parlant, parce qu’il maîtrise parfaitement son art.

Notes
100.

M. CHION, ibid. p. 25

101.

F. BORDAT, op. cit., p. 259