2- Un début de dévoilement. La fin de The Great Dictator

Jusqu’au moment où le petit barbier va définitivement se substituer au dictateur et mis à part les analyses que nous avons déjà faites sur les traces de Charlot présentes dans ce film, il n’est plus possible pourtant d’assimiler le barbier à Charlot. Tentons d’en comprendre les raisons. Depuis la disparition des cartons et l’arrivée de la voix le persona possède un état civil et une histoire propres : il est le barbier du ghetto qui a fait la première guerre mondiale et si courageusement qu’il en est resté amnésique - ce n’est plus le Charlot rêveur qui croit être dans les tranchées comme dans Shoulder Arms et qu’on réveille au petit matin de son mauvais songe -. Il a aussi sa voix ce qui du même coup l’éloigne de la figure mythique et muette de Charlot. En effet on l’écoute et on le regarde à la fois, ses mots deviennent donc aussi importants que ses actes et un équilibre s’instaure, ce qui n’était pas le cas de Charlot condamné au mutisme et à une savante gestuelle pour exprimer la force de son humanité et de ses sentiments. Le barbier accepte également les stigmates du vieillissement : depuis 1918, ses cheveux ont blanchi, sa démarche est moins assurée et son audace tempérée. Par différence il est important de remarquer que Hynkel est teint, cultive la prestance et la volonté de puissance.

Si Charlot assumait des programmes narratifs successifs d’un film à l’autre, parfois à l’intérieur d’un même film, il n’en restait pas moins Charlot. Ici, le problème est complexe. En usant de la thématique du double, Chaplin opère un renversement de persona qui fait endosser au barbier et ce, malgré lui, le persona de Hynkel et son programme narratif d’anti-sujet. Or, la diégèse ne se comporte en aucun point comme dans un “film de Charlot” où elle finissait par redonner à celui-ci sa place de pauvre hère (qu’on songe par exemple à The Idle Class).Bien qu’il ait toutes les apparences du dictateur et que le decorum militaire préside à la quasi totalité de la séquence finale, le barbier redevient sujet en retournant le programme narratif de Hynkel.