* Première séquence 

Elle surgit sans que le spectateur s’y attende. Nous sommes dans la suite du roi à l’hôtel. Un panoramique gauche/droite est réalisé à l’intérieur de la pièce vide et une voix hors-champ se fait entendre : « Bonjour M. et Mme Amérique, et tous les navires en mer. Les nouvelles de 10 heures. »

A cet instant précis nous pouvons croire qu’une radio fonctionne et propose le journal. Or le panoramique se termine et nous découvrons Shahdov, de dos, en plan buste, face à un écran de télévision. Tandis que la voix in désormais continue à se faire entendre : « Le roi Shahdov d’Estrovia, enfui de son pays, arrive en Amérique avec une vaste fortune et ses plans nucléaires grâce auxquels il espère révolutionner la vie moderne. » l’écran télévisuel cadre le roi à sa descente d’avion. Un contrechamp sur Shahdov le cadre en plan taille, assis dans son fauteuil, décontracté, les mains derrière la nuque. Plusieurs commentaires s’imposent. D’une part, ce n’est pas la première fois que Chaplin utilise l’écran de télévision comme faisant irruption dans la vie des gens. Nous avions montré son usage dans Modern Times comme moyen de contrôle de l’ouvrier dans l’usine. Charlot prenait peur et reprenait le travail. Mais ici il apparaît bel et bien comme une fenêtre ouverte sur le monde avec cette idée que ce spectacle accessible facilement se fait dans le confort de l’intimité. Shahdov affiche par la mimique un certain plaisir à voir. D’autre part, le choix des images opéré par Chaplin n’est pas gratuit à double titre, nous semble-t-il. Prélever des actualités du jour c’est faire directement concurrence aux actualités qui précédaient la projection des films en salle et de ce point de vue, la télé est plus forte puisqu’elle joue sur l’immédiateté et la rapidité de la transmission. En outre, reprendre sur le petit écran les premiers plans de son propre film pour les revoir revient à pressentir le rôle qu’aura la télévision non seulement dans la prise en charge des images - le cinéma ne sera plus le seul moyen d’en faire et d’en montrer - mais dans la diffusion des films.