a) Les critiques relatives au film et l’exception Rohmer

Dans L’Avant-Scène Cinéma , dans le numéro 219/220 du 15 janvier 1979 consacré à un hommage à Charles Chaplin, Claude Beylie écrit un article intitulé La Comtesse de Hong Kong et la critique où il rassemble les nombreux jugements cinglants portés sur cette dernière création. Charles J. Maland, quant à lui, dans son ouvrage Chaplin and American Culture mentionnera les virulentes critiques anglo-saxonnes dont le film a fait l’objet. A l’évidence celui-ci a fait un « bide » spectaculaire à sa présentation en avant-première en Grande- Bretagne le 5 janvier 1967 au Carlton Theatre. Malheureusement les sorties successives entraîneront de violentes réactions de mépris et de dénigrement de l’œuvre. Pourtant, au milieu de timides défenses initiées par quelques quotidiens de la presse parisienne, seule l’étude de Rohmer sur La Comtesse , publiée en appendice de l’ouvrage d’A. Bazin 152 est un magnifique éloge du film. Nous n’en retiendrons que deux aspects qui permettront d’orienter notre recherche. D’une part il l’analyse ainsi :

‘« La Comtesse de Hong Kong ne nous signale les incommodités de notre condition que pour mieux affirmer leur insignifiance au regard du flot impétueux et serein de notre vitalité profonde qui disperse et noie dans ses hautes vagues tous les relents de nos petites misères. »’

et d’autre part il évoque :

‘« Une fantaisie qui n’a d’égale que celle du premier âge, une folie devant laquelle la raison adulte n’a pas de voix. » ’

Deux points nous apparaissent comme essentiels dans cette approche rohmérienne du film : « la vitalité profonde » qui minimise« les incommodités de notre condition »et vient finalement à bout de« nos petites misères » et « la fantaisie », « la folie » propres à l’innocence de l’enfance. Est-ce à dire qu’au bout de son cheminement cinématographique Chaplin aurait renoué des liens étroits mais subtils, tacites avec les « Charlot » de jadis ? Nous assisterions alors à cette dépense charlotienne en butte contre les vicissitudes de l’existence et les aléas du destin ? Nous retrouverions avec bonheur la dynamique burlesque au service de l’innocence rêveuse de Natascha et de Ogden ?

Notes
152.

A. Bazin et E. Rohmer, Charlie Chaplin, éd. Le Cerf, Paris, 1973, Ramsay, coll. « Ramsay poche cinéma », 1985.