La rencontre du mouvement de l’École Moderne-pédagogie Freinet

Au cours du 3ème trimestre de l’année universitaire 71-72, nous avons été informé par un collègue, professeur stagiaire de CPR, d’une exposition pédagogique au CRDP de Dijon. Entre deux cours de licence de mathématiques, nous nous sommes rendu sur les lieux pour voir ce dont il était question. Les panneaux balisaient le chemin de la visite. Des enseignants étaient présents pour guider le visiteur. Un petit groupe se forma plus ou moins spontanément et engagea une discussion fort enrichissante à propos d’éducation et de pédagogie. Une feuille circulait sur laquelle nous portâmes nos coordonnées personnelles. Après une heure d’échange et de débat, il nous semble qu’une conviction était née en nous quant au bien-fondé des principes pédagogiques et éducatifs du mouvement pédagogique Freinet. Nous sommes retourné en cours la tête remplie d’idées et une envie forte de pouvoir agir pédagogiquement. Quinze jours plus tard, nous avons reçu une invitation pour participer à une réunion du groupe départemental I.C.E.M.21-pédagogie Freinet. Nous venions de faire notre entrée dans le mouvement Freinet auquel nous sommes resté fidèle depuis ce jour. À cette époque, ce mouvement pris dans la vague de mai 68 drainait en son sein un grand nombre d’éducateurs qui pour la plupart étaient des instituteurs. L’adhésion n’impliquait alors qu’une simple inscription sans cotisation. Il y avait la manifestation d’une réaction primaire à l’embrigadement dont le paiement d’une cotisation en constituait un symbole. Ce mouvement était une véritable ruche bourdonnante d’idées, parfois ingénieuses et réfléchies, parfois farfelues, parfois paradoxales, mais souvent pleines de bon sens, et surtout pleines de générosité et d’espoir d’humanité.

À partir de ce mois de mai 1972, nous avons concentré une part importante de notre intérêt et de nos activités dans le mouvement Freinet. Nous y avons aussi consacré beaucoup de temps. Au niveau départemental, nous avons participé avec assiduité à toutes les réunions. Nous avons pu nous rendre dans des classes en école primaire et en collège, où des collègues s’efforçaient de mettre en pratique les principes et les techniques conséquentes de la pédagogie Freinet. Il nous a même été permis par ces collègues de conduire quelques petites activités pédagogiques et d’en discuter avec eux au sein du groupe. Cette association assumait une fonction que l’institution de l’éducation nationale n’assurait pas dans le cadre même de l’IPES. Cette contribution des mouvements pédagogiques et des associations de spécialistes sera reprise et partiellement reconnue après 1981. Nous avons contribué à la réflexion sur cette question en particulier dans l'article [1984e] 30

Aux niveaux national et international, nous avons suivi assidûment divers stages, rencontres et congrès. Nous avons puisé aux sources des diverses revues et publications de ce mouvement. Nous découvrîmes les outils et les documents produits par les militants et les sympathisants du mouvement et publiés par la Coopérative de l’Enseignement Laïc (CEL). Dès les premières réunions, bien qu’étant encore étudiant sans expérience pratique d’enseignement en responsabilité, nous fûmes associé à des tâches de production d’outils pédagogiques et aux réflexions qu’ils induisaient.

En octobre 1974, nous sommes entré en CPR. Au sein de l’I.C.E.M., il nous a été confié la responsabilité de l’organisation et l’animation du module du second degré ‘« relation et information auprès des CPR »’. Ce travail nous a permis d’entrer en contact avec les divers CPR de l’époque et même d’échanger des points de vue et des idées pédagogiques avec d’autres stagiaires. Nous avouons n’avoir que peu retiré de cette année de stage conduit dans un lycée dijonnais, pourtant réputé pour son caractère expérimental, successivement dans une classe de chacune de trois conseillères pédagogiques auprès desquelles se faisait notre formation. L’essentiel de celle-ci a consisté en la préparation du ‘« bel exposé magistral par lequel l’élève comprendra tout’ » et du ‘« beau corrigé de problème’ » en vue des épreuves pratiques du CAPES. Notons que la remise en cause du cours magistral avait fait son chemin depuis 1972. Aucun apport théorique en pédagogie, en psychologie de l’apprentissage, de l’adolescent ou autre domaine d’appui de l’enseignant ne fut donné. Nos trois conseillères pédagogiques se sont appliquées à bien nous faire comprendre les exigences de l’évaluation finale. Elles nous ont montré ce que nous avions déjà vu et subi tout au long de notre scolarité. Nous avouons humblement nous être plié à la règle du jeu. Les moments qui furent les plus agréables et que nous espérions voir se répéter, furent ceux où nous pouvions prendre seul la direction de la classe pour remplacer notre conseillère absente. L’une d’elles fut plus attentive à nos questions pédagogiques. Nous avons réussi à échanger nos points de vue sur la pratique pédagogique. elle a porté un réel intérêt aux idées que nous défendions, bien que de manière un peu militante, en lien avec les principes de la pédagogie Freinet. Elle acquit même des livrets autocorrectifs à l'élaboration desquels nous participions déjà.

A la rentrée 1975, nous avons pris notre premier poste de professeur certifié titulaire au lycée Henri Parriat de Montceau les mines (71). Notre projet était alors la mise en œuvre de la pédagogie Freinet en mathématiques en lycée. Bien que motivé par une approche militante, nous avons conduit notre travail pédagogique en n’ayant de cesse de le confronter aux regards des autres et de mettre à l’épreuve nos hypothèses sous-jacentes, de manière raisonnée, méthodique et contrôlée en milieu habituel comme la classe ou l’établissement. Ce que nous y avons vécu intensément, sera repris dans nos propos qui suivent.

Notes
30.

Remarque : Tout au long de cette note de synthèse, nous utiliserons le codage suivant [19XYz] pour faire les références à nos propres écrits présentés dans la bibliographie chronologique des pages 3 à 10