chapitre 2 : Retrouver la trame thématique de l’itinéraire intellectuel au travers des écrits présentés et de leurs apports.

Un premier glissement thématique vers instrumentation et autonomisation.

Pour situer notre démarche, nous avons choisi d’intituler notre note de synthèse : Auto-évaluation et autocorrection dans l'enseignement des mathématiques et de la statistique. Cette formulation thématique nous a semblé la mieux adaptée pour désigner d’abord deux objets récurrents de notre itinéraire intellectuel : l’autocorrection et l’auto-évaluation, puis l’action qui les a mobilisés : l’enseignement, et enfin un cadre disciplinaire qui canalise et donne un contenu à cette action : les mathématiques et la statistique. Si, effectivement, nos travaux ont été organisés par cette thématique, il nous semble qu’en fait ceux-ci ont été orientés par une autre thématique intégrant la précédente : celle de l’instrumentation et de l’autonomisation du sujet apprenant.

Notre présupposé consiste à considérer les deux processus instrumentation et autonomisation, non dans un simple rapport de juxtaposition, mais dans un rapport d’interaction, peut-être même dans une relation dialogique 74 (Morin, 1986) au sens donné par Edgar Morin ordonnée au phénomène du développement cognitif du sujet. En d’autres mots, nous ne concevons pas le développement de l’autonomie du sujet apprenant sans l’usage d’instruments pour le soutenir. Et l’accès à un degré supérieur d’autonomie accroît la capacité du sujet à recourir à d’autres instruments qui, à leur tour, lui permettront de poursuivre son développement.

Nous entendons par autonomisation, le processus par lequel un sujet, sous l’influence de facteurs endogènes et exogènes, devient plus autonome. Nous reviendrons dans la seconde partie à cette notion d’autonomie. Toutefois, comme nous avons eu l’occasion de l’expliciter dans une communication 75 intitulée : Gérer individuellement et collectivement des apprentissages : le choix de s’interroger, en tentant d’aborder ces deux questions : à quel individualisme faisons-nous référence au travers des principes et valeurs affirmés par la Charte de l’École Moderne et le Projet d’Éducation Populaire de l’I.C.E.M. ? et comment organiser des situations d’enseignement-apprentissage pertinentes et cohérentes avec ces idées ? Nous maintenons ici notre point de vue. En particulier, nous posions [1991q] 76 que : ‘« L’individu n’est pas conçu dans la perspective d’une totale autosuffisance qui le rendrait indépendant d’Autrui. Nous admettons l’existence d’une pluralité d’individus dont nous souhaitons tenir compte. Or à des degrés divers de liberté et d’autonomie, cette pluralité implique des contacts et des échanges qui déterminent des limitations.(…). L’autonomie n’est jamais totale ou nulle, elle est graduelle et varie dans les deux sens selon les circonstances dans lesquelles un individu se trouve placé’. »

Délibérément, nous plaçons le sens pédagogique de l’autonomisation dans une perspective à contre-courant de la dérive que nous y dénoncions et que pointent de leur côté Jöelle Allouche-Benayoun et Marcel Pariat à propos de la signification des choix pédagogiques du formateur dans le cadre de la formation des adultes. Ils écrivent (Allouche-Benayoun et Pariat, 1993 p.72) : ‘« L’accent mis sur l’individu, au nom de valeurs telles que la responsabilisation ou l’autonomisation, vise moins semble-t-il en cette fin de XXème siècle, la formation du citoyen ou la formation sociale que le renforcement d’une nouvelle forme d’individualisme dans un contexte idéologique où l’individu tend à devenir la seule finalité.’ »

Dans notre contexte, nous entendons par instrumentation 77 , à la fois, le processus par lequel un sujet-enseignant construit et met à la disposition des instruments pédagogiques et didactiques à un sujet-apprenant, et le résultat, c’est à dire l’ensemble des instruments mis à la disposition à des fins pédagogiques. Dans cette acception, instrumenter conserve l’idée de doter d’instruments les sujets-apprenants. Et nous le distinguons clairement de instrumentaliser qui consisterait à considérer ces derniers comme des instruments. Notons qu’en 1822, le Dictionnaire 78 de l’Académie Française définit, en un sens qui ne nous convient pas, le verbe instrumenter 79  : ‘« Terme de pratique. Passer des contrats, faire des contrats, des procès verbaux, etc. et autres actes publics’ » et ne mentionne nullement instrumentaliser 80 .

L’instrument correspond d’abord au sens commun ‘« d’objet fabriqué servant à exécuter quelque chose., à faire une opération’ » mais aussi à celui ‘« d’objet utilisé pour une fin déterminée »’. La définition du dictionnaire Le Robert 81 mentionne une remarque précisant que instrument est plus général et moins concret que outil ; mais désigne des objets plus simples que appareil ou machine. Ce qui, maintenant, nous paraît intéressant, est à mettre au compte de l’étymologie même du terme instrument. En effet il vient du latin instrumentum qui désigne en sens propre et figuré ‘« le mobilier, l’ameublement, le matériel, l’outillage, les ressources, le bagage’ » 82 . Cicéron, emploie instrumentum oratoris pour ‘« le bagage, les ressources de l’orateur ’» et instrumenta naturæ pour ‘«les outillages, les dons naturels d’ordre intellectuel’». Dès cette époque, nous pressentons un sens à rapprocher de celui d’instruments de pensée, d’instruments intellectuels.

En relation avec le domaine de l’enseignement des méthodes dites qualitatives et quantitatives qui nous intéresse particulièrement, nous trouvons un parti pris relatif à l’instrumentation avec l’ouvrage de Jean-Pierre Pourtois et Huguette Desmet (Pourtois, Desmet, 1997) intitulé Épistémologie et instrumentation en sciences humaines. L’instrumentation y est considérée comme une composante de base de la méthodologie, à l’importance sous-estimée. Ils poursuivent par ces propos (Pourtois, Desmet, 1997 p. 10) : ‘« En fait, les instruments, qui sont un ensemble de procédures de mesure, jouent un rôle décisif dans l’accroissement des connaissances. Ils sont nés avec l’apparition de la méthode expérimentale et entendent garder leur rigueur avec l’émergence de l’approche qualitative. L’objectif (…) est d’examiner dans quelle mesure il existe une correspondance entre les conceptions épistémologiques actuelles et les techniques d’instrumentation utilisées dans les travaux récemment publiés. En d’autres termes, la réflexion épistémologique atteint-elle le côté concret de la recherche ?’ ». Nous y percevons une des finalités de notre enseignement de statistique dans la mesure où [1997c p. 9] ‘« nous lui (statistique) attribuons comme but central de constituer un outil d’aide à la décision, que cette décision soit prise à partir d’une exploration, d’une description de données spécifiées recueillies dans des circonstances connues ou encore à partir d’hypothèses testées conduisant à une certaine maîtrise du risque encouru. »’

Nous nous retrouvons aussi dans la perspective adoptée par Gérard Scallon (Scallon 1988a, 1988b) relativement au champ de l’évaluation formative. Ce chercheur fait le choix d’une méthodologie instrumentée, et, à côté de l’importance à accorder aux démarches informelles, affirme l’importance de démarches instrumentées. Il le justifie ainsi (Scallon 1988b, p 5) : ‘« à ce titre, plusieurs symptômes de difficulté risquent d’échapper à une procédure d’observation non structurée, non planifiée. Dans le cas d’apprentissages reconnus comme complexes, c’est à dire s’appuyant sur des apprentissages antérieurs, le souci d’amorcer une régulation appropriée exigera plus de rigueur d’analyse pour rechercher ce qui peut faire obstacle’ ‘ à une maîtrise satisfaisante, voire à une réussite. C’est alors que les démarches instrumentées d’évaluation formative pourront s’avérer utiles’ ».

Franchissons un pas supplémentaire. Le terme instrumentum dérive du verbe latin instruere qui a donné le verbe français instruire. Ces deux signifiants prennent en charge, dans l’une et l’autre langue, le sens actuel de enseigner. De manière spéculative, nous trouvons donc, par ce chemin, un lien entre l’instrument et l’enseignement.

Rapporter à l’enseignement des mathématiques et de la statistique, l’instrumentation en tant qu’ensemble, est constituée, par exemple et sans exhaustivité, par les instruments de mathématiques habituels tels que le compas, l’équerre, les tables de logarithmes, les machines à calculer, etc. ou encore le couple feuille de papier millimétré et crayon pour obtenir la représentation graphique d’une courbe ou d’un histogramme. Il nous faut alors ajouter les instruments pédagogiques et didactiques que sont les manuels, les livrets autocorrectifs, les grilles d’auto-évaluation, les plans et les bilans de travail, le journal de classe, en d’autres termes les instruments de travail de l’enseignant et de l’apprenant. Là surgit une problématique à laquelle implicitement nous nous sommes confronté :

  • Quelles compétences, quelles connaissances le sujet-apprenant doit-il développer et acquérir pour faire un usage efficient des instruments qui lui sont fournis dans les situations d’enseignement scolaire ou universitaire ?
  • Quelles compétences, quelles connaissances le sujet-enseignant doit-il développer et acquérir pour élaborer des instruments pertinents et en faire un usage pédagogique et didactique efficient ?

En effet, nous insistons sur le fait que l’instrumentation n’est pas une fin en soi mais un moyen. Par conséquent, il s’agit d’user de ces instruments pour parvenir au but formatif visé et non pour s’en tenir à la maîtrise d’un mode d’emploi. Il nous semble qu’à partir de nos travaux, nous pourrons dans la suite de notre propos ébaucher quelques hypothèses relatives à cette problématique.

Si nous devions évoquer plus avant les cadres théoriques au sein desquels nous situerions cette perspective instrumentale, à côté de la philosophie de l’éducation telle que nous la percevons dans Pour une école du peuple (Freinet 1969a) et de la psychologie empirique de l’apprentissage et de l’éducation, telle qu’exposée dans Essai de psychologie sensible (Freinet 1971a, 1971b) qui fondent la pédagogie Freinet et qui nous ont ainsi fourni les premiers cadres théoriques pour éclairer notre praxis, il y aurait à puiser à bien d’autres sources.

Nous pensons à ceux qui, bien avant nous, ont contribué par leur réflexion et leur pratique à poser les bases d’une perspective dite nouvelle ou moderne pour l’éducation des enfants et des adolescents, dans le cadre formel de l’institution scolaire. Depuis 1968 83 , à des degrés d’explicitation et d’engagement plus ou moins élevés, nous nous sommes reconnu dans cette perspective de l’éducation nouvelle ou moderne. Nous avons tenté d’expliciter (voir 1.1Né quelque part…) les raisons de cette attirance, qui tiennent à notre histoire de vie et notre façon de voir le monde, à notre philosophie et notre psychologie de l’éducation, certes avant tout de sens commun, mais qui animent, guident et régulent notre action tant dans le quotidien que dans la vie professionnelle, en particulier, celles qui sont impliquées dans le présent travail : les actions d’enseigner et d’apprendre.

D’une certaine manière, l’instrumentalisme de John Dewey caractérisée selon André Lalande 84 par le trait ‘« d’admettre que toute théorie est un outil (tool), un instrument pour l’action et la transformation de l’expérience’. » constitue un cadre théorique de référence pour analyser notre action enseignante et nos travaux qui la prennent pour objet. Dans une tradition philosophique rousseauiste, John Dewey comme Célestin Freinet, dérive ses propositions pédagogiques de leur conception du rapport entre éducation et développement naturel. John Dewey (Dewey, J., Dewey, E.,1930 p. 28-48) expose un essai d’éducation considérée comme un processus naturel du développement. Célestin Freinet parle d’une méthode naturelle d’éducation (Freinet 1973b p. 30-33). Leurs conclusions parviennent à une remise en cause de la pédagogie scolaire habituelle. Cette idée du naturel, pour séduisante qu’elle soit pour un pédagogue, n’en soulève pas moins des questions dans le cadre de l’enseignement des mathématiques et de la statistique. C’est ce que nous avons tenté d’expliciter dans [1998c] Méthode naturelle et tâtonnement expérimental, dont nous parlerons plus loin (voir 2.2.1 Axe 1 : Enseignement et la question du tâtonnement expérimental de l’apprenant)

En tout état de cause, à cette heure, notre position à l’égard de la question du naturel nous laisse dans un état d’insatisfaction intellectuelle.

Évidemment, il convient de mesurer les conséquences que peut entraîner une telle posture philosophique pragmatique dans laquelle la connaissance n’est qu’une forme de l’action, et le savoir ne s’acquiert que par l’action. L’efficacité d’une idée se substitue à sa vérité. John Dewey écrit : ‘« La connaissance réfléchie est un moyen de se rendre maître d’une situation anormale…mais elle est aussi un moyen d’enrichir la valeur significative immédiate des expériences postérieures’ 85 . » Outre les conséquences d’ordre pédagogique, nous y voyons les conséquences d’ordre méthodologique par lesquelles, ici, nous trouvons une justification à notre approche praxéologique désignée dans le sous-titre. Pour revenir au champ pédagogique, la perspective de John Dewey induit six conséquences dont nous tirons notre formulation des propos de son traducteur français R. Duthil (in Dewey, J., Dewey, E.,1930, p. 276) : ‘« ’

  • ‘JD1-L’éducation doit partir de la nature propre et des besoins véritables de l’enfant ;’
  • ‘JD2-L’école doit créer un milieu aussi favorable qu’il est possible au développement naturel de l’enfant.’
  • ‘JD3-S’instruire, c’est expérimenter ; il n’y a de pensée véritable que lorsque l’esprit a cherché à résoudre un problème et veut sortir d’une situation embarrassante.’
  • ‘JD4-Lorsque la matière des études est étrangère à la nature propre de l’enfant, le maître est obligé, pour provoquer l’effort, d’avoir recours à des stimulants artificiels. ’
  • ‘JD5-Si, au contraire, le programme des études est fondé sur les besoins et les intérêts de l’enfant, l’effort et l’intérêt jaillissent de la même source et se confondent, l’école est active, l’enseignement se suffit à lui-même.’
  • ‘JD6-L’école, c’est la vie et non la préparation à la vie. C’est pourquoi elle devrait être une société dont l’activité refléterait celle de la société des adultes. »’

Nous souscrivons aux propositions JD2 et JD6 en ce qu’elles traduisent nos intentions sous-jacentes aux expériences et aux études que nous avons faites sur l’organisation coopérative de la classe dans le cadre de l’enseignement des mathématiques en lycée puis sur le travail en équipe pédagogique en lycée sur la base d’un projet pédagogique qui intégrait cette perspective de gestion coopérative des situations d’enseignement-apprentissage. Nos écrits suivants tentent de communiquer les conditions et les acquis de ces expériences situées dans leur contexte habituel : la classe et le lycée.

Tableau 2.1 - 1 des écrits et publications référés à : Un premier glissement thématique
l’organisation coopérative de la classe dans le cadre de l’enseignement des mathématiques en lycée
[1977a] [1977c] Leurs débuts en pédagogie Freinet (1/2), La Brèche, 25, pp 4-8,
(2/2), La Brèche, 26, pp 23-25
[1981a] [1981b] [1981c] Échec à l’automathe (1/1), L’École Émancipée, (1/3) : n°6, pp 14-20,
(2/3) : n°7, pp 24-26,
(3/3) : n°8, pp 13-14
[1983d] Assaig de pràctica de la pedagogia Freinet a segon curs de < lycée> , Perspectiva Escolar, 79, Barcelone : Rosa Sensat, pp 35-46
travail en équipe pédagogique pluridisciplinaire en lycée
[1983e]
[1984d]
[1985b]
Lutte contre l'échec scolaire : expérience du travail en équipe pédagogique autour d'une classe de Seconde au lycée de H. Parriat de Montceau-les-Mines (71), rapport annuel d'expérimentation-innovation, MEN-Bureau des innovations pédagogiques et des technologies nouvelles, (année 82-83, 57 p) (année 83-84, 64 p) (année 84-85, 36 p)
[1986a] Margueron, P., Busser, F., Ciosmak, J., Boutin, P.(Eds) (1986a) Travailler en équipe pédagogique au lycée : synthèse d'une expérience 1982-1985, Paris : M.E.N, Poitiers : CRDP.
[1987c] Améliorer le fonctionnement du conseil de classe, , in P. Boutin, L. Brinet, F. Busser, J. Ciosmak P. Margueron, J-C Régnier, (Eds) Travailler en équipe pédagogique au lycée : des outils pour agir, Paris : M.E.N, Poitiers : CRDP, pp 147-156

La proposition JD3 correspond au parti pris que nous avons adopté avec l’apprentissage fondé sur le tâtonnement expérimental de l’apprenant. (Voir 2.2.1).

Il nous semble que l’énoncé JD5 est resté un idéal organisateur de notre action d’enseignant sans pouvoir réellement sortir du cadre de JD4. Par exemple, dans le cadre de l’enseignement des mathématiques en classe de seconde, dès le départ en 1975, nous avons mis en place deux séances hebdomadaires de travail de type libre recherche mathématique, l’une durant l’heure et demie de travaux dirigés intégrée à l’emploi du temps officiel en demi-classe, l’autre, pour les élèves volontaires entre 13h et 14h. Nous demandions aux élèves de construire par eux-mêmes un plan de travail mensuel organisateur de leurs activités pour ces séances et pour les trois autres heures dites de cours, incluant en particulier les deux modalités : ‘« je me propose de faire… ’» et ‘« j’ai effectivement fait…’ ». Nous leur demandions aussi de rapporter des situations vécues hors de l’école, des situations problèmes sur lesquelles nous espérions fonder notre enseignement. C’était notre interprétation pragmatique d’une méthode pédagogique naturelle. Le résultat fut très décevant, en tout état de cause, nullement à la hauteur des espoirs que la lecture des textes de Célestin Freinet et d’autres particiens-militants de l’I.C.E.M. avait suscités. Notre décision, sans doute prise sur la base d’une croyance pragmatique au sens kantien, fut alors de nous engager dans l’élaboration d’instruments tels que les plans et bilans de travail mensuels dont nous rendons compte de manière détaillée dans :

Tableau 2.1 - 2 des écrits et publications référés à : Un premier glissement thématique
[1991a] a utonomie et travail personnel dans l’enseignement des disciplines scientifiques en Lycée : Témoignage d’un travail conduit sur une année scolaire, Paris : MEN-DLC, Dijon : C.R.D.P., 167 p.

La proposition JD1 demeure celle qui nous éloigne le plus de cette perspective. Pour deux raisons majeures :

  • Les apprenants auxquels nous nous sommes intéressés, n’ont jamais été des enfants, mais toujours des adolescents au lycée ou des adultes à l’université.
  • Nous demeurons très circonspect quant à la capacité présupposée de l’éducateur à saisir la nature propre de l’enfant et de ses véritables besoins éducatifs. Certes, nous sommes profondément attaché au principe d’éducabilité de l’être humain. Nous croyons même que sa plasticité cognitive, affective ou psychomotrice se maintient à des degrés variables tout au long de sa vie comme nous le présentons dans l’article :
Tableau 2.1 - 3 des écrits et publications référés à : Un premier glissement thématique
[1998d] 86 Apprendre à tous les âges de la vie, Études Dirigées et Aide à l’auto formation, Actes de l’Université d’automne de Rennes 28-30 octobre 96, (sous la direction de Leray, Ch., Lecabec, E.), Rennes : CRDP-Bretagne, pp 33-35

Comment mettre cette perspective en acte pédagogique ?

En tout cas, nous avons beaucoup de difficultés à concevoir comment un dispositif pédagogique et didactique élaboré par l’adulte peut réellement prendre en compte cette nature propre de l’enfant et ses besoins éducatifs, en dehors des représentations contextualisées que cet éducateur mobilisera. La conjugaison des facteurs endogènes et exogènes contribue à brouiller les pistes sur lesquelles est engagé l’enseignant-pédagogue.

D’autres références nous aideraient dans cette approche praxéologique de notre propre action pédagogique et didactique pris comme objet d’étude.

Évoquons Adolphe Ferrière qui a contribué à nous faire comprendre la position de l’‘» Éducation nouvelle’ », et qui, dans un livre présentant les pédagogues Hermann Lietz, Giuseppe Lombardo-Radice, Frantisek Bakulé, écrit ces lignes (Ferrière, 1928 p. 5-6) : ‘« à chaque époque de son histoire, l’humanité qualifie de « nouveau » ce qui distingue la civilisation d’aujourd’hui de celle d’hier, ce qui lui paraît marquer un pas en avant vers la vérité. Mais hier n’avait-il pas raison — partiellement tout au moins — contre aujourd’hui ? La prétendue « vérité » nouvelle n’est-elle pas, bien souvent, illusion et réédition, sous un nom nouveau, d’antiques erreurs ? L’Éducation nouvelle échappe à ces critiques. (…) Sa seule nouveauté (…) est de poursuivre la vérité non pas en théorie seulement, mais en pratique et d’opposer le bon sens, uni à la science, au conformisme social tout puissant et quasi universel. ’» C’est bien cette façon de voir qui, au début de notre carrière, nous faisait dénoncer, certes dans un registre plus militant que scientifique, les méfaits de la pédagogie traditionnelle, en particulier, celle des mathématiques. C’est par elle encore que nous sommes investi dans des études universitaires allier théorie et pratique et unir la science et le bon sens. Nous ne prenons pas ce bon sens dans une acception cartésienne ‘« de la puissance de bien juger et distinguer le vrai du faux’ » dont chaque être humain est également pourvu, mais plutôt dans l’acception bergsonienne de ‘« ce qu’il y a de plus rare parmi les hommes’ » tel que le suggère Adolphe Ferrière. Cité par A. Ferrière (Ferrière, 1928 p. 6-7), Henri Bergson écrivait à propos du bon sens : ‘« …je ne sais quel sens du réel, du concret, du singulier, de l’original, du vivant, un art d’équilibre et de justesse, un tact des complexités en palpitation continuelle comme les antennes de certains insectes. Il enveloppe une subtile défiance de la faculté logique vis-à-vis d’elle-même. Il fait une guerre incessante à l’automatisme intellectuel, aux idées toutes faites, à la déduction linéaire. Il se préoccupe surtout de situer et de peser sans rien méconnaître. Il arrête le développement de chaque principe et de chaque méthode au point précis où une application trop brutale et indiscrète froisserait la délicatesse du réel. À chaque moment, il ramasse l’ensemble de l’expérience et l’organise en vue du présent. Il est, en un mot, pensée qui se garde libre, activité qui reste en éveil, souplesse d’attitude, attention à la vie, ajustement renouvelé à des situations toujours nouvelles.’ »

Près ¾ de siècle plus tard, cette conception de la nouveauté contre le conformisme mais que nous opposons aussi à la futilité de l’effet de mode dont se nourrit notre société de l’an 2000, pourrait nous permettre de questionner les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. Nous tenterons d’y revenir à leur propos, plus loin.

Enfin ce qui nous frappe le plus dans les propos de Adolphe Ferrière, c’est leur actualité même. Jugeons-en à partir de ce qui fonde, selon lui, le mouvement de l’éducation nouvelle.

  • Le mécontentement à l’égard de l’ancienne école qui néglige les apports de la psychologie de l’enfant et de l’adolescent, et obtient avec de grands efforts un rendement insuffisant.
  • Le dési