En raison du contexte, nous avons tenté d'affronter deux questions :
À quels buts rattachons-nous un enseignement de didactique des mathématiques et de la statistique en sciences de l'éducation ?
Quel sens donnons-nous à l'action d'enseigner cette discipline à des étudiants dont la plupart n'entretiennent avec les mathématiques et la statistique qu'un rapport lointain et parfois négatif ?
Pour nous, il nous semblait que cet enseignement ne pouvait atteindre ses objectifs que si ses objets rencontraient un espace dans la pratique de l'étudiant, susceptible de lui donner du sens et d'éviter une dérive dogmatique. S'adressant à des professeurs de mathématiques ou à des instituteurs, l'apparition d'un tel espace nous paraissait tout à fait plausible compte tenu de l'activité d'enseignement des mathématiques qu'ils assument. Il s'agissait du chemin : pratique vers théorie. Concernant de futurs professeurs des écoles, la situation devenait moins claire en raison même de la mise en suspens qui diffère la confrontation à la pratique dans la classe. Cette fois, le chemin était théorie vers pratique. Pour la troisième catégorie d'étudiants, nous avons des difficultés à entrevoir cette éventualité. Les seuls points communs à l'ensemble des étudiants sont leur passé d'élèves en collège et en lycée ayant suivi les cours de mathématiques, et leur présent d'étudiants confrontés à un enseignement-apprentissage de la statistique. Cela revient à faire jouer à la didactique des mathématiques et de la statistique, un rôle de discipline de formation générale.
La complexité de cet enseignement est accrue par le fait que ses objets sont eux-mêmes partie prenante de la situation d'enseignement-apprentissage. Par ailleurs, l'explicitation des buts nous a conduit à la formulation suivante :
Ce qui est visé à court terme par le cours amener chaque étudiant à : |
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- interroger des évidences fondées sur les représentations spontanées et les croyances relatives aux processus éducatifs et les pratiques quotidiennes qu'elles génèrent, - prendre de la distance par rapport à l'acte d'enseigner les mathématiques et la statistique, - prendre de la distance par rapport à l'acte d'apprendre les mathématiques et la statistique, - s'approprier quelques concepts et méthodes permettant d'interroger sa pratique passée, présente ou future, de la décrire, d'essayer d'identifier quelques phénomènes générés par une situation d'enseignement, |
- s'informer sur l'existence de pistes de recherche et de travaux correspondants dans le domaine de la didactique des mathématiques et de la statistique, - s'informer sur les fondements, les méthodes et les objets de la didactique des mathématiques et de la statistique, - utiliser un espace où il est possible, sans être un spécialiste, de parler de ses préoccupations liées aux mathématiques et à la statistique, à leur enseignement et à leur apprentissage, et de les échanger, de les confronter |
Ce qui ne l'est pas | |
- former un chercheur en didactique des mathématiques et de la statistique, - délivrer des recettes miraculeuses qui permettront d'enseigner les mathématiques et la statistique avec une efficience optimale, |
- délivrer des recettes miraculeuses pour apprendre sans difficulté les mathématiques et la statistique, |
En ce qui concerne les fondements, les méthodes et les objets de la didactique des mathématiques et de la statistique, l'orientation de Guy Brousseau 99 nous influença beaucoup. Nous pensons que la finalité d’une recherche en didactique disciplinaire est la production d’une théorie des situations d'enseignement-apprentissage de la discipline enseignée par la prise en considération d'objets tels que :
Le triangle didactique de Yves Chevallard constitue un modèle connu des didacticiens pour rendre compte de ce système et expliquer les situations didactiques. Il précise, d’ailleurs, à ce propos que ‘« C’est le système d’enseignement qui régule les relations des systèmes didactiques avec la société extérieure, et cette étude aussi est du champ de la didactique’ ‘ 101 ’ ‘. »’Le triangle pédagogique (Houssaye 1988) de Jean Houssaye est présenté comme un autre modèle de compréhension de la situation pédagogique (Houssaye 1993 p. 15) ‘«définie comme un triangle composé de trois éléments, le savoir, le professeur et les élèves, dont deux se constituent comme sujets tandis que le troisième doit accepter la place du mort ou, à défaut, se mettre à faire le fou.»’
Il n'est alors plus possible d'éviter la mise en regard de la pédagogie et de la didactique.
Brousseau, G., (1986) Fondements et méthodes de la didactique Recherche en Didactique des mathématiques 7(2) 33-115
dans le sens donné par Jean-Louis Martinand pour traiter de la question de la référence des activités de type scolaire ; ici, nous pensons à la référence que constituent les activités réelles ou imaginées du statisticien au travers de l'usage social de la statistique par les sondages, les contrôles de qualité, etc., connu du grand public et qui influence l'enseignant dans son activité de transposition didactique.
Chevallard, Y., Mercier, A., (1984) La notion de situation didactique, in actes de la IIIème Ecole d’été de didactique des mathématiques 2-13 juillet 1984 Olivet, Grenoble : IMAG pp. 14-19