Une exploration même succincte du champ sémantique du terme auto-évaluation requiert le repérage d’un réseau de notions auxquelles il peut être relié. Le schéma ci-dessous vise à expliciter ce réseau.
L’usage de la notion 142 d’auto-évaluation fait appel à ces diverses notions comme nous pourrons le constater tout au long de cet article.
En deçà il nous semble important de considérer la racine évaluer / évaluation. Elle nous rappelle que cette notion est à relier aussi au questionnement fondamental de l’évaluation en milieu scolaire ou universitaire.
Questions |
Évaluer... |
réponses particulières possibles pour l’auto-évaluation |
but, finalité de l’évaluation | Pour quoi ? | - s’informer par soi-même sur sa propre action ou sur soi-même, - réguler par soi-même son action, - se guider par soi-même dans son action, - améliorer par soi-même l’efficacité de son action |
raisons de l’évaluation | Pourquoi ? | nécessité posée par les buts |
destinataire(s) de l’évaluation | Pour qui ? | pour soi-même en tant qu’auteur de l’action, de la production. |
auteur de l’évaluation | Qui évalue ? | soi-même, agent /auteur de la production |
sujet de l’évaluation | Qui est évalué ? | soi-même, agent /auteur de la production |
objet de l’évaluation | Quoi ? | les objets sont divers |
partenaire(s) de l’évaluation | Avec qui ? | l’enseignant un apprenant un groupe d’apprenants |
moment de l’évaluation | Quand ? | - avant l’action : régulation proactive (anticipation) - pendant l’action : régulation active - après l’action : régulation rétroactive |
fréquence de l’évaluation | A quel rythme ? | le plus souvent possible |
contexte de l’évaluation | Où ? | au lycée ou à l’université, à la maison |
circonstances de l’évaluation | A quelle(s) occasion(s) ? | chaque fois que l’individu souhaite contrôler la pertinence, l’adéquation, la validité d’une action et de son résultat. |
conditions de l’évaluation | A partir de quoi ? | à partir de ses acquis de ses représentationsde ce qu’il est de ce qu’il voudrait êtrede ce qu’il veut devenir |
moyens de l’évaluation | Comment ? | documents auto-évaluatifsdocuments autocorrectifs |
Parmi les diverses formulations de la définition de l’évaluation que nous pourrions choisir, outre celle usuelle donnant l’évaluation comme opération ayant pour objet d’apprécier, de juger, de déterminer la valeur d’une action, d’une production ou d’une performance, celle proposée par Jean-Marie De Ketele nous satisfait particulièrement : “‘L’évaluation est un processus qui consiste à recueillir un ensemble d’informations pertinentes, valides et fiables puis à examiner le degré d’adéquation entre cet ensemble d’informations et un ensemble de critères choisis adéquatement en vue de fonder la prise de décision’ ” 143 . Elle traduit en partie les pratiques évaluatives que nous mettons en œuvre.
Pour plus de clarté, nous sommes aussi conduit à distinguer les trois notions suivantes :
Nous souhaitons dès lors stipuler que ces trois notions sont conçues en complémentarité et qu’il n’est nullement dans notre intention de poser le primat de l’une vis à vis des autres. En guise d’exemples, nous pourrions dire que :
Tentons maintenant d’exposer une première définition de l’auto-évaluation : elle est un processus par lequel un individu évalue par lui-même, en général pour lui-même, une production, une action, une conduite dont il est l’auteur, ou encore ses capacités, ses goûts, ses performances et ses compétences ou même lui-même en général.
Énoncée ainsi, cette définition se place à un degré élevé de généralité. Il semble même qu’un être humain ordinaire aurait des difficultés à échapper à cette opération.
En situation de formation scolaire ou universitaire, en particulier lorsque cette formation implique des adolescents ou des adultes et concerne les mathématiques ou la statistique, nous pouvons apporter quelques précisions.
L’auto-évaluation est un processus cognitif complexe par lequel un individu (apprenant 144 , enseignant 145 ) porte volontairement et consciemment par lui-même et pour lui-même à des fins de meilleure connaissance de lui-même, de régulation de son action ou de ses conduites, d’amélioration de l’efficacité de son action, de développement cognitif, un jugement :
Ce processus se manifeste par une conduite d’auto-évaluation que l’individu déclenche et gère lui-même. Par ailleurs nous ne pouvons pas non plus négliger que le terme auto-évaluation évoque aussi le résultat du processus.
Au regard de notre pratique, nous avons été amené à préciser quatre situations :
Nous allons maintenant préciser trois autres termes du réseau qui tiennent une place importante dans l’explicitation de la notion d’auto-évaluation.
L’auto-notation concerne la procédure consistant à faire attribuer par l’apprenant lui-même une “note” au sens habituel en usage dans le système scolaire français, à partir d’un barème établi par l’enseignant, ou par l’apprenant lui-même. Si l’introduction de cette démarche pédagogique dans la classe traduit une reconsidération de la place de l’apprenant dans la situation d’enseignement, elle ne rectifie pas pour autant les défauts de la notation que les travaux docimologiques 146 ont largement contribué à expliciter. Cela retentit alors même dans la validité du résultat de cette auto-notation. En effet sachant combien la fluctuation des notes est importante entre évaluateurs-experts, comment peut-on interpréter celle entre les résultats proposés par l’apprenant et ceux proposés par l’enseignant ? Par ailleurs n’y a-t-il pas risque de confusion entre la capacité à l’auto-notation et la capacité à se conformer aux habitudes de notation de l’enseignant ?. Nous ne poursuivons pas cette discussion dans la mesure où nous ne considérons pas comme pertinent l’usage de la notation usuelle 147 (par exemple sur 10 ou sur 20) quand ces nombres ne font que coder numériquement une variable qualitative qui est pourtant traitée sans aucun scrupule comme une variable quantitative en calculant une moyenne. Nous avons écrit sur cette question dans l’article [1988f] une partie intitulée « à boulets rouges » où nous dénonçons cet usage en nous appuyant sur les travaux Marie-Claire Dauvisis (Dauvisis 1982). Aujourd’hui, notre virulence s’est apaisée en admettant l’usage de la note sur 20, non comme une mesure au sens mathématique mais comme une pratique culturelle.
L’autocontrôle 148 recouvre à la fois l’idée d’un processus cognitif intégré au processus auto-évaluatif et celle d’une conduite consciemment adoptée par l’individu désireux de s’affranchir de la tutelle d’un maître, qui consiste par des moyens adéquats et explicites à s’assurer par lui-même de la pertinence, de l’adéquation d’une méthode choisie et de la validité des raisonnements afférents pour résoudre un problème, de la vraisemblance ou de l’exactitude d’une réponse issue de l’application de cette méthode, de la pertinence et de la validité d’une interprétation de cette réponse. Des fiches-guides peuvent constituer des supports concrets de ces moyens [1991a]. Dans la perspective d’une formation de l’esprit scientifique, on pourrait considérer l’acquisition et le développement de l’habitude et de la capacité à s’auto-contrôler comme un des objectifs de l’enseignement des mathématiques et de la statistique. Un matériel pédagogique adapté tel que les autotests ou les livrets autocorrectifs [1990b] [1994c] [1994d] [1995a] [1995b], concrétise quelques-uns uns des moyens auxquels l’individu peut avoir recours pour développer cette capacité ou installer cette habitude.
L’autocorrection 149 recouvre également la double idée d’un processus cognitif intégré au processus auto-évaluatif et d’une conduite consciemment adoptée par l’individu désireux de s’affranchir de la tutelle d’un maître, qui consiste par des moyens adéquats et explicites à rectifier par lui-même un résultat, le raisonnement par lequel il a été produit ou la méthode choisie pour conduire le raisonnement et produire le résultat, mais aussi à rectifier, améliorer ou renforcer des connaissances (savoir, savoir-faire, savoir être) à partir des informations recueillies par autocontrôle. Dans la perspective de l’auto-formation, on pourrait considérer l’acquisition et le développement de l’habitude et de la capacité à s’auto-corriger comme un des facteurs du développement de la capacité d’apprendre. Un matériel pédagogique adapté tel que les livrets autocorrectifs [1978a] [1990b] [1994c] [1994d] [1995a] [1995b], en particulier ceux élaborés sous certaines contraintes étudiées dans nos divers travaux [1980a] [1983a] [1983b] concrétisent un moyen auquel l’individu peut avoir recours pour une pratique autocorrective.
Nous pensons que nous ne pouvons dépasser ce degré de précision du terme, prenant notion dans le sens où celle-ci demeure toujours enveloppée d’une zone floue que le concept n’aurait pas.
De Ketele, J.M, (1980) Observer pour éduquerBerne : Peter Lang
c’est à dire tout individu en situation d’apprentissage provoqué, qu’il soit désigné par les termes :
élève, étudiant, stagiaire, formé, lycéen, collégien , apprenti, etc.
c’est à dire tout individu en situation d’enseignement, qu’il soit désigné par les termes :
formateur, professeur, instituteur, maître, etc.
déjà ceux de Henri Piéron dans les années 20 de ce siècle... !
dans certain cas où la note correspond à un comptage effectif de réussites ou d’erreurs, nous avons toutefois une variable quantitative.
en rédigeant cette note de synthèse, nous prenons conscience que la définition que nous avions donnée voilà plus de 10 ans correspond en fait plutôt à celle d’auto-évaluation. La définition actuelle traduit notre nouvelle représentation de cette notion.
tout comme pour la notion d’autocontrôle, celle d’autocorrection subit une légère transformation par rapport à celle figurant dans l’article [1984a].