Dans un ouvrage collectif, nous avons consacré un chapitre [1997c] à la question des finalités et enjeux de l’enseignement de la statistique. La conception de la statistique que nous y exposons et que nous reprenons ici, prend appui sur la définition suivante : La statistique est la science qui procède à l'étude méthodique à partir de modélisations mathématiques, des modes d'utilisation et de traitement de données, c'est à dire de l'information, dans le but de conduire et d'étayer une réflexion ou de prendre une décision en situation concrète soumise aux aléas de l'incertain.
La statistique descriptive étudie ces modes d'utilisation et de traitement de données, à un premier niveau, dans la perspective de produire essentiellement des descriptions des informations.
La statistique inférentielle les étudie à un second niveau dans la perspective d'étendre ces informations décrites à un domaine de validité non exploré directement, avec, si possible, un contrôle des risques encourus dans ce raisonnement inductif.
Dans un premier schéma (voir figure 3-1.1), nous traduisons cette tension dialectique qui lie deux dimensions de la statistique comme les deux pôles inséparables d’un aimant. Nous les nommons respectivement statistique mathématique et statistique appliquée à…. S'il est impossible d’envisager la statistique mathématique hors du cadre théorique au sein duquel se développent l’explicitation, la formalisation des notions, concepts, méthodes et des raisonnements de la statistique, nous ne pouvons pas non plus imaginer que cette théorie soit coupée de sa mise en œuvre dans d’autres cadres théoriques tels que la psychologie, l’économie, la mécanique, la médecine, etc. C’est de ce point de vue que nous regardons les sciences physiques dans leur tension entre la physique mathématique et la physique appliquée.
Un second schéma (voir figure 3-1.3) vise à présenter les buts et les opérations que nous assignons à la statistique et qui, par-là même, la caractérise en partie. Nous lui attribuons comme but central de constituer un outil d’aide à la décision, que cette décision soit prise à partir d’une exploration, d’une description de données spécifiées recueillies dans des circonstances connues ou encore à partir d’hypothèses testées conduisant à une certaine maîtrise du risque d’erreur encouru. Ce schéma s’inscrit dans un ensemble de caractéristiques qui servent à définir aujourd’hui la statistique :
Si l’on caractérise les mathématiques comme une science du certain, la statistique pourrait alors s’en distinguer comme une science de l’incertain qui cherche à établir les frontières de l’incertitude. Dans cette perspective le raisonnement statistique prend appui sur les théories des probabilités.
A cette étape, il convient de rappeler que le terme statistique 182 apparaît :
à côté de ces mots, nous observons des comportements humains qui expriment des rapports à ce domaine de connaissances et aux pratiques sociales afférentes. En France, à la seule évocation du terme statistique(s), nombre de personnes en soulignent aussitôt les aspects négatifs sans pour autant être en mesure de fournir un exemple précis d’un usage inadéquat et trompeur de la statistique. Une formation insuffisante en ce domaine rend difficile le discernement entre une étude statistique correcte et incorrecte. Des résultats sérieux et correctement traités peuvent être mal interprétés par défaut de compétences élémentaires en statistique tandis que certaines personnes ayant acquis la mauvaise habitude de croire tout ce que les media colportent, constituent des proies faciles pour des manipulateurs de résultats qualifiés, en la circonstance, de statistiques. Trois conduites liées à une compétence insuffisante peuvent être identifiées : le rejet systématique, l’acceptation naïve ou l’usage détourné à des fins personnelles avantageuses sans intention malveillante.
Dans notre vie quotidienne actuelle, les statistiques, et donc, la statistique, tiennent une place dominante dont les media se font tout particulièrement l'écho pour ne considérer que la partie émergée de l’iceberg statistique. Tout se passe comme si, aujourd’hui, la statistique était devenue un outil pour penser et agir aussi indispensable au citoyen que l’écriture, la lecture et le calcul. En 1963, W. Weaver 183 écrit ‘« La théorie des probabilités et la statistique sont deux domaines importants, intégrés à nos activités quotidiennes. Le monde de l’industrie, les compagnies d’assurance sont largement tributaires des lois probabilistes. La physique elle-même est de nature essentiellement probabiliste. Il en est de même des fondements de la biologie. Cependant, en dépit de cette importance, les responsables de l’enseignement n’ont pas encore admis le caractère universel de la théorie des probabilités et de la statistique. Il faut espérer que des éléments de la théorie des probabilités soient introduits dès que possible au niveau de l’enseignement secondaire...’ »
Ce point de vue est soutenu par M.G. Kendall « It may be as well to point out that "Statistics", the name of scientific method, is collective noun, has a capital "S", and takes the singular. The same word "statistics" is also applied to numerical material with which the method operates, and in such a case has no capital letter and the plural. Later in this book we shall meet the singular form "statistic", which is defined as a function of the observations in a sample from some population. "Statistic" in this sense takes the plural "statistics" » (1986) Kendall's advanced theory of Statistics vol 1 - 5ème édition - pp 1-2
cité par Glaymann, M., Varga, T., (1973) Les probabilités à l’école Paris : cedic p.9 (texte extrait Lady Luck publié par Doubleday and Co, Garden City, N.Y. p 376-377)