Cette position s’appuie sur l’idée que la statistique est un domaine de connaissance indispensable de nos jours. Progressivement, les programmes de l’enseignement secondaire français intègrent à leurs objectifs, des savoirs relatifs à ce domaine. Cependant il n’a pas été institué un cours de statistique comme cela a été pour les mathématiques, les langues étrangères ou d’autres disciplines scolaires. Les connaissances visées sont abordées certes par le cours de mathématiques mais également dans ceux de biologie, de géographie et d’économie. Un dossier publié par l’A.S.U. 184 fait un bilan fort instructif relatif à l’enseignement de la statistique à partir d’un inventaire de tous les lieux de formation. Il est clair que dans notre culture française, son enseignement ne s’impose pas de lui-même. Il résulte de l’effort déployé par des statisticiens professionnels ou amateurs, avant tout, convaincus de l’importance que revêt la statistique dans l’intelligibilité du monde au sein duquel nous vivons. Paradoxalement, bien que la statistique soit assez spontanément rattachée aux mathématiques, ce ne sont pas les mathématiciens ou les enseignants de mathématiques qui furent les plus actifs et militants. Dans cette communauté, la représentation dominante de la statistique s’apparente à un bricolage éloigné des mathématiques. Ceci explique en partie le fait que ce qui est prévu au sein des programmes d’enseignement des mathématiques des collèges et des lycées demeure négligé. Nous avons même constaté que lorsque la statistique est abordée, son approche est fort peu favorable à la construction d’une bonne représentation. Force est d’ailleurs de constater que la formation des enseignants de mathématiques a longtemps fait l’impasse sur ce domaine. La formation universitaire s’en tient à une théorie des probabilités conçue comme un cas particulier de la théorie de la mesure 185 . La gestion du transfert de connaissances acquises relativement à ces théories, vers les théories statistiques est laissée presque entièrement à la charge de l’étudiant puis de l’enseignant qu’il est devenu.
Or ce transfert est loin d’être immédiat. Selon nous, cela tient en particulier à cette tension dialectique évoquée dans notre conception et qui, pour désigner la statistique, nous conduit à recourir au signifiant complexe ci-contre :
De ce fait, le rattachement d’un fait observé à un concept statistique théorique, processus de modélisation, ou la réalisation d’un concept de la théorie par un phénomène de la pratique, processus d’interprétation, constituent des processus complexes qui requièrent des connaissances et des compétences caractérisant ce que nous appelons une éducation statistique. Celle-ci est le fruit d’une formation à la fois théorique et pratique instituée à l’école, mais aussi d’une pratique consciente menée hors de l’école et fondée sur les traitements de l’information massive quotidiennement déversée par les officines spécialisées au travers des médias à la demande des divers clients. Chercher à donner un sens aux résultats publiés d’une enquête d’opinion est tout à la fois un effet de l’éducation statistique et une cause pour son développement. Habitude et habileté sont indissociables d’une éducation statistique.
Une première visée est de générer chez l’individu des habitudes de vigilance telles que manifester une réaction critique, dresser une oreille attentive face à des propos se fondant sur des faits statistiques, s’interroger sur la façon dont les informations traitées ont été collectées, sur les traitements choisis, sur la façon dont ces traitements ont été conduits et les résultats obtenus, sur la conduite de l’interprétation et enfin sur la manière dont une décision a été prise en liaison avec l’interprétation.
Une seconde visée est de développer des habiletés qui lui permettent d’étayer, de justifier des propos issus du regard critique et de sa vigilance à l’égard de faits corroborés ou corrélés par des faits statistiques.
Ainsi la nécessaire vigilance à l’endroit des conclusions portant sur des imputations causales et l’habileté à réfuter ou conforter ces propositions, nous semblent fortement finaliser l’enseignement de la statistique en tant que discipline de base. Sous cet angle, sa place s’avère justifiée au sein du curriculum de sciences de l’éducation. Dans cette logique, les objectifs de référence [1995g] que nous fixons actuellement, reprennent ceux visés par l’enseignement secondaire en ce qui concerne la statistique descriptive. Cela tient à la spécificité des étudiants de sciences de l’éducation dont la plupart ne maîtrise pas les notions et techniques de base même réduites à leur forme algorithmique. Par exemple, il en est ainsi des notions de moyenne, de variance, d’écart-type, de médiane ou d’histogramme. Puis nous les complétons par quelques-unes du domaine de la statistique inférentielle. à un stade plus utopique où les objectifs visés par l’enseignement secondaire seraient atteints par la grande majorité des étudiants, nous pourrions, sans négliger les nécessaires retours en arrière, envisager des objectifs de référence intégrant des connaissances et des outils plus récents. Nous pensons, par exemple, aux apports du domaine des analyses factorielles des données. C’est alors qu’un tel enseignement se doit d’intégrer un usage systématique et maîtrisé de logiciels informatiques. L’usage d’un tableur comme Excel constitue un premier niveau déjà fort riche dans les versions actuelles qui intègrent une large palette de fonctions statistiques et graphiques. Mais il convient de recourir à des logiciels de statistique même.
Toutefois depuis 1995, par le biais d’encadrement des recherches conduites par les étudiants de maîtrise, nous avons introduit l’usage du logiciel CHADOC 186 , puis de celui SPAD_N 187 pour ce qui concerne les données numériques ou des données qualitatives fermées. Et même, dans le cours de méthodes qualitatives en maîtrise, nous abordons une introduction aux traitements de données textuelles assistés du logiciel SPAD_T 188 . Les résultats qui apparaissent dans quelques mémoires de maîtrise, sont particulièrement encourageants.
Paradoxalement, le recours à des traitements assistés par ordinateur, s’il décharge l’étudiant de tâches fastidieuses de calcul, impose un accroissement de sa vigilance pour produire des interprétations. L’espace dégagé par une moindre expertise dans le domaine calculatoire est à occuper au profit d’une plus grande expertise dans le choix des modèles de traitements et dans l’interprétation de leurs produits. D’une certaine manière, c’est le sens qui a présidé à la rédaction de plusieurs de nos écrits tels que Histogramme [1997d], Danger ! Approximations… [1997e], Lire un article de journal de la presse ordinaire [1997g] ou encore Liaisons entre deux variables statistiques [1997k], Indépendance de deux variables et covariance [1997l].
Pour nous, la statistique en sciences humaines et sociales demeure une discipline de base dont l’enseignement a pour objectif la formation d’un utilisateur éclairé et autonome relativement aux outils fondamentaux apportés par cette discipline, sans toutefois avoir pour visée la formation d’un statisticien. À ce titre, nous considérons que son enseignement ne peut qu’être obligatoire.
Association pour la Statistique et ses Utilisations qui en fusionnant avec d’autres associations est devenue la Société Française de Statistique (SFdS).
Une probabilité est une mesure de masse totale égale à 1.
Logiciel sous DOS produit par IUT Nice (Lemaire et al.)
Logiciel sous Windows 32bits produit par le CISIA, Système Portable pour l ’Analyse des Données Numériques
Logiciel sous DOS produit par le CISIA, Système Portable pour l ’Analyse des Données Textuelles