Comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire, l'intérêt que nous portons aux TIC n'est en rien soumis à un effet de mode. Il s'inscrit dans une histoire qui débuta en 1969. Les évolutions spectaculaires dont ont bénéficié l'informatique et ses applications durant ces 30 années, font qu'il serait très difficile de faire un lien entre ce que nous découvrions à l'époque et ce que nous vivons aujourd'hui. Cependant l'invariant de notre conception de l'informatique réside dans le fait qu'elle est un outil produit par l'homme, qui doit rester au service de tous et devenir, davantage chaque jour, accessible au plus grand nombre possible d'êtres humains, comme l'est devenu le téléphone, la télévision ou l'automobile. Précisons tout de suite notre parti pris. Nous cherchons à prendre part aux débats sur cette évolution technologique galopante, qui mêlent tout à la fois les finalités de l'économie de marché 195 et celles de l'amplification des capacités humaines, aux représentations sociales d'un progrès technique inéluctable auxquels nul ne peut échapper à l'orientation imposée. Chacun à sa mesure doit pouvoir acquérir les instruments psychologiques qui lui permettront d'exercer un contrôle sur cette orientation et ainsi de participer à sa pluralisation en résistant à la monopolisation de ces médias. Pour ce qui est du domaine particulier dans lequel nous travaillons, il est clair que nous nous opposons au tout informatique de la même façon qu'au rien informatique. À titre d'exemple, si nous reconnaissons l'extraordinaire richesse d'une encyclopédie numérisée, nous n'en considérons pas moins que sa forme sur support papier doit demeurer accessible. Nous dirions la même chose pour les supports de cours universitaires ou les manuels utilisés dans l'enseignement secondaire ou primaire. À ce jour encore, la lecture d'un livre sur support papier peut être réalisée là où celle d'un livre électronique ne l'est plus : en effet, comment faire, à moindre frais, quand l'énergie électrique requise par le fonctionnement électronique, fait défaut ? Selon nous, cette question de la technicisation de l'accès à la connaissance au travers des T.I.C.E 196 . doit être abordée dans la triangulation Connaissances-Sagesse-Compétences
Ainsi que nous en avertit François Fluckiger dans la préface de (Chaléat, Charnay, 2000) ‘« le Web fait partie des "mass media" et il y a peu de chances qu’il échappe, à terme, à l’évolution de tout moyen de masse. L’histoire des médias ne recense aucun exemple où des concentrations de fournisseurs de l’information ne soient apparues. (…). Hormis les sites très thématiques, seuls quelques fournisseurs puissants issus de concentrations domineront. ’»
En d'autres termes, le développement des compétences basées sur les connaissances associées aux TICE ne doit pas échapper à un questionnement éthique. Si nous n'y prenons garde, l'usage des TICE générera des facteurs d'exclusion sociale et culturelle pour ceux qui ne pourront en bénéficier, alors même que sa finalité déclarée s'inscrit dans une perspective d'intégration socioculturelle. Par exemple, parmi les étudiants auxquels nous nous adressons, un clivage apparaît déjà entre ceux qui disposent librement d'un ordinateur, et les autres. Encore que, dans les pays à haut niveau économique comme la France, cet indicateur soit sans doute le plus fragile, car l'acquisition d'un ordinateur aujourd'hui n'est pas plus prohibitive que ne l’était un récepteur de télévision ou une automobile, d'il y a vingt à trente ans. C'est plutôt celui qui touche à la formation à l'usage des technologies de l'information et de la communication, qui constituera, selon nous, le facteur de discrimination le plus déterminant. Ici il y aurait un gain à mettre en lien cette formation avec la perspective d'une éducation technologique et d'une culture technique développée par Jean-Louis Martinand (Martinand 1994). Ensuite la question que la collectivité aura à affronter, sera celle des droits d’accès à l’information de qualité.
L'achat d'un matériel informatique donne toujours l'impression que la durée de rédaction du chèque est suffisante pour rendre obsolète ce matériel même. Notre conception de l'éducation du sujet vise à lui donner des instruments intellectuels lui permettant d'éviter les conduites stéréotypées que la publicité cherche à lui faire acquérir. Il n'est pas possible d'ignorer les orientations de la Nouvelle économie. Il se pose alors la question des nouvelles compétences que le consommateur doit acquérir pour comprendre autrement que par des concepts spontanés, les enjeux dont il est non pas le sujet mais l'objet, de la part d'une classe de sujets. La dimension éducative de cette problématique concerne les sciences de l'éducation.
Technologies de l'Information et de la Communication appliquées à l'éducation. La perspective globale qui nous intéresse, ainsi que nous l'avons signalée à maintes reprise dans notre propos, est celle des TIC appliquées à l'éducation, à la formation et à la recherche en sciences de l'éducation.