Vers un enseignement complété par ordinateur.

Pour clore ce chapitre en nous situant dans la perspective exposée à propos des TICE en sciences de l'éducation (voir Partie 1-1.7.2 Axe 4-NTIC), nous souhaiterions resituer les propos présentement tenus dans un projet soutenu institutionnellement par l'Université Lyon2. La convergence entre l'énoncé de ce projet et notre perspective nous incite à intégrer notre projet de développement d'une recherche en didactique de la statistique en sciences de l'éducation intégrant les TICE dans cette perspective. L'idée même d'enseignement complété par ordinateur E.C.O. nous satisfait plus que celle plus ancienne de E.A.O. en ce sens que le dispositif paraît moins lourd. L'ECO consiste à concevoir des modules spécifiquement adaptés à nos étudiants en les prenant leur niveau de connaissances à l'entrée en licence et en les accompagnant jusqu'au niveau de connaissances requis à la sortie en licence ou en maîtrise. Ces modules doivent être des ressources coopératives permettant à chaque étudiant de re-travailler à son rythme les notions difficiles pour lui et à auto-évaluer sa progression dans la compréhension du cours. Ils constituent une source d'instruments dont l'usage requiert un certain niveau d'autonomie de l'étudiant dans sa façon de conduire ses études. Sa mise en œuvre relève de la thématique instrumentation et autonomisation.

Au niveau du sur-système établissement qui intègre le système salle de classe de notre modèle, cet instrument peut constituer une aide à la mise en place d'une semestrialisation plus proche de l'esprit qui la fonde. En effet, l'ECO offre une solution d'accompagnement des re-médiations nécessaires aux étudiants qui doivent repasser certaines épreuves de validation. L'intérêt de l'intégration de notre projet à ce niveau de l'institution universitaire réside dans le fait que nous pouvons alors recourir à des ressources existantes dans les structures universitaires spécialisées dans les NTE comme le service transversal SENTIERS dont nous avons déjà parlé.

Un tel projet est bien propre à susciter des problématiques relevant de recherches dans le domaine des sciences de l'éducation, utiles aux étudiants qui viennent y chercher une formation. Pour nous, ces recherches sont reliées à la formation en statistique dans la conception pédagogique et didactique et selon les paradigmes méthodologiques et épistémologiques, que nous avons tenté d'expliciter tout au long de cette note de synthèse.

Conclusion

‘« Enfin un invariant qui justifie tous nos tâtonnements et authentifie notre action : c’est l’optimiste espoir en la vie. (...) C’est quand, par la maladie, l’embourgeoisement, la vieillesse ou les erreurs graves d’éducation, on parvient à annihiler cet espoir en la vie, que l’échec peut sembler comme définitif 203 . » Freinet, C., Pour l’école du peuple

Par l’écriture de cette note de synthèse, nous nous étions donné le projet de re-construire les thématiques et problématiques sous-jacentes à nos écrits réflexifs réfractant notre action d’enseigner, et qui constituèrent les axes de nos activités de recherche. Nous avons tenté en premier lieu d’expliciter l’inscription de ce projet dans notre itinéraire intellectuel même. Enfant, né quelque part... , nous avons parcouru un chemin qui nous a conduit vers l’enseignant-chercheur dont Jean-Claude Gillet, dans une approche praxéologique, parle en ces termes (Gillet 1998b p.27) ‘« un professionnel de la formation et de la recherche universitaire amené à prendre des décisions multiples pour construire un modèle pédagogique qui intègre pensée et action, valeurs et intentions, sens et efficacité, acteur au service d’autres acteurs, les sujets en formation qui seront (sont) eux aussi à leur tour amenés à prendre des décisions, à les penser... »’

a posteriori, il nous apparaît que, durant ces vingt-cinq années écoulées, notre conduite d’enseignant, d’abord dominée par le point de vue du praticien-militant, fut progressivement inscrite dans un schéma proche de celui décrit par Donald A. Schön, (Schön 1994 p.94) ‘« Quand quelqu’un réfléchit sur l’action, il devient un chercheur dans un contexte de pratique. Il ne dépend pas des catégories découlant d’une théorie et d’une technique préétablies mais il édifie une nouvelle théorie du cas particulier. Sa recherche ne se limite pas à une délibération sur les moyens qui dépendent d’un accord préalable sur les fins. Il ne maintient aucune séparation entre la fin et les moyens, mais définit plutôt ceux-ci, de façon interactive, à mesure qu’il structure une situation problématique. Il ne sépare pas la réflexion de l’action, il ne ratiocine pas pour prendre une décision qu’il lui faudra plus tard convertir en action. Puisque son expérimentation est une forme d’action, sa mise en pratique est inhérente à sa recherche. Ainsi la réflexion en cours d’action et sur l’action peut continuer de se faire même dans des situations d’incertitude ou de singularité, parce que cette réflexion n’obéit pas aux contraintes des dichotomies de la science appliquée’. »

En quelque sorte, l’exploration de notre itinéraire nous permit de re-situer notre posture d’enseignant-chercheur-praticien réflexif.

Questionner notre action d’enseigner a requis l’enchâssement de nos thématiques et problématiques dans le champ de la didactique des mathématiques et de la statistique et dans celui de la pédagogie, dans la mesure où comme l’écrivent Michel Develay et Jean-Pierre Astolfi (Astolfi, JP, Develay, M. 1989)‘« La réflexion didactique permet (...) de traduire en actes pédagogiques une intention éducative. (...) L’enseignant [est] alors un éternel artisan de génie qui doit contextualiser les outils que lui propose la recherche en didactique en fonction des conditions de ses pratiques.’ »

Ce questionnement nous entraîna vers une profusion de notions pour expliciter notre praxis. Nonobstant, dès le début, les notions d’autocorrection, d’auto-évaluation et d’apprentissage fondé sur le tâtonnement expérimental émergèrent et constituèrent les principaux objets de nos recherches. Les résultats qui sortirent de nos investigations, apportèrent quelques éclairages dans le cadre de la didactique et de la pédagogie des mathématiques et de la statistique. Nous avons explicité un modèle d’organisation d’une séquence d’enseignement-apprentissage intégrant en particulier ces processus, ainsi que notre instrument d’analyse des situations d’enseignement-apprentissage que nous nommons le triangle pédagogico-didactique complexifié. Nous avons essayé de mieux cerner les notions d’esprit statistique et d’éducation statistique en rapport aux instruments intellectuels visés par l’enseignement et dont l’interprétation statistique en constitue un point fort.

a près-coup nous avons pu systématiser ces notions en les emboîtant à la façon des poupées gigognes et de manière intégrative, autour d’un pôle constitué par l’autonomie du sujet apprenant. Pour en rendre compte, nous recourons au schéma suivant qui replace le processus d’autonomisation et l'autonomie du sujet comme une finalité de l'élévation des niveaux de conceptualisation et de formation dans le domaine des mathématiques et de la statistique que nous avons présenté.

Certes nous mesurons combien de questions dont l’ancrage est tout banalement dans la situation habituelle de l’enseignement des mathématiques et de la statistique, demeurent en suspens.

Nous avons tenté de situer nos travaux d’étude à la fois dans une approche praxéologique de l’action d’enseigner, et dans celle d’une épistémologie des savoirs scolaires constitués par les mathématiques et la statistique, pour mieux comprendre les enjeux d’une formation à et par l’autonomie des sujets apprenants dans les contextes scolaire et universitaire en mathématiques et statistique et les obstacles à surmonter tant du point de vue de l’enseignant que de celui de l’apprenant.

Nous avons aussi essayé de montrer comment dans notre conception de l’enseignement et de la formation en mathématiques et en statistique pour des étudiants de sciences de l’éducation ont ré-émergé les (N).T.I.C.

Certes, nous avons conscience de l’extrême modestie de notre apport à la compréhension et à l’instrumentation de l’action d’enseigner, centrée sur l’autonomisation du sujet apprenant en milieu scolaire ou universitaire. Néanmoins, nous souhaitons que nos réflexions puissent susciter des travaux de recherche, dans le cadre des sciences de l’éducation, dont l’ambition soit de contribuer au progrès de la connaissance relative à l’enseignement des mathématiques et de la statistique.

Recife, Pernambuco

18 août 2000

Notes
203.

(Freinet 1969a p. 175-176):