2 - Caractéristiques formelles des Suites de BACH

Les Six Suites pour violoncelle seulde Jean-Sébastien BACH présentent toutes une structure identique : six mouvements, dont le premier est toujours un prélude, pièce la plus développée, qui non seulement impose la tonalité de l'ensemble de la Suite, mais surtout crée une atmosphère, différente pour chacune d'elles 98 : sereine et lumineuse pour la Première en SOL M., sombre et tourmentée pour la Seconde en Ré m., grande et héroïque pour la Troisième en DO M., majestueuse et solennelle pour la Quatrième en MIb M., dramatique et menaçante pour la Cinquième en Do m., exubérante et joyeuse pour la Sixième en RE M..

Les Préludes sont de forme libre et de caractère improvisé, adoptant parfois le style brillant de la toccata (cf. les Suites I, IV et VI). Seul le Prélude de la Cinquième Suite en Do m. s'articule selon un schéma plus rigoureux, celui de l'Ouverture à la française avec une introduction lente, de rythme pointé, suivie d'un épisode plus rapide d'écriture fuguée. 99

Le prélude est suivi des quatre danses traditionnelles 100 : Allemande, Courante, Sarabande et Gigue, avec une insertion de "galanteries" entre ces deux dernières. Dans les Suites n°1 et 2, il s'agit d'un Menuet, dans les Suites n°3 et 4, d'une Bourrée, et dans les Suites n°5 et 6, d'une Gavotte, ces danses étant toujours présentées par couple, avec da capo. La structure interne de toutes ces danses est, elle, monothématique et toujours de coupe binaire, avec reprise de chacune des deux parties. 101

Après ces quelques rappels nécessaires, nous allons voir maintenant dans quelle mesure le nombre important de Suites pour violoncelle seul composé au XXème siècle est lié à la force de ce modèle que représentent les œuvres de BACH, figure emblématique globalisante du répertoire pour violoncelle seul, mais aussi quelles transformations notables ont été réalisées sur le plan de la forme et de la conception de ce genre.

Notes
98.

Cf. BLUM, David, Casals et l'art de l'interprétation, Paris, Buchet/Chastel, 1980, p.179 : “ La première chose à comprendre quand on joue les suites pour violoncelle, expliquait Casals, c'est que le prélude donne le caractère de l'œuvre entière, tout comme le font toutes les partitas instrumentales. ”

99.

C’est ce modèle que BACH adopte systématiquement pour la pièce d’introduction de ses quatre Suites pour orchestre.

100.

Il s'agit là de la forme instaurée par FROBERGER dans ses Suites pour clavecin.

Cf. BUKOFZER, Manfred, La musique baroque, Paris, Lattès, 1982, p.119-120 : “ Les suites de Froberger se fondent sur trois mouvements - allemande, courante et sarabande. Plusieurs de ces suites préfigurent la forme en quatre mouvements de la suite de la fin baroque, mais l'ordre n'en est pas le même. Dans les autographes de Froberger, la gigue figure en effet, quand elle y est, insérée au milieu de la suite ; et ce n'est que dans l'édition posthume de 1693 qu'elle devient la danse conclusive. ”

101.

Pour une analyse détaillée de ces œuvres, lire KINNEY, op. cit., vol.2, ch.6, p.315 à 414.