Chapitre II : Les Sonates pour violoncelle seul

Introduction - Evolution du concept de Sonate au XXème siècle

Malgré la confusion terminologique que nous venons de souligner entre Suite et Sonate, nous avons souhaité distinguer les œuvres qui portent l'appellation de Sonate, dans la mesure où celles-ci ne font effectivement plus directement référence au modèle des Six suites pour violoncelle seul de BACH, mais où d'autres références, plus variées et généralement dégagées du répertoire pour violoncelle seul interviennent, dont les plus emblématiques à travers toute l’histoire du genre sont les Sonates et Partitas pour violon seul de BACH, la Sonate pour violon seul (1944) de BARTOK, ou plus largement encore, hors du répertoire pour instrument à archet solo, la Sonate en Si m. (1853) pour piano de LISZT, la Sonate en LA M. pour violon et piano (1886) de César FRANCK ou les Sonates pour violoncelle et pour flûte, alto et harpe (1915-16) de DEBUSSY. Par ailleurs, contrairement au choix du genre de la Suite qui participait d’une forme de ‘’retour à’’ un temps révolu, en l’occurrence la période baroque, celui de la Sonate s’inscrit dans une véritable continuité historique puisque le genre n’a absolument jamais disparu depuis sa naissance et son existence au XXème siècle perdure d’une manière solide, quel que soit le répertoire envisagé : Sonates pour piano (1946, 1948 et 1957-58) de BOULEZ, Sonate pour violoncelle et piano (1948) d’Elliott CARTER, Sonates pour quatuor à cordes (1968) de Brian FERNEYHOUGH...

Il convient toutefois de s’interroger dès maintenant sur l’évolution du concept de Sonate au cours de ce XXème siècle et sur ce qu’il peut réellement recouvrir dans l’esprit des compositeurs. A ce sujet, RIEMANN écrit dans son Musiklexikon :

‘“ Depuis [le début du XXème siècle], le terme de sonate est utilisé d’une part par référence à sa signification historique (Stravinsky, Hindemith), mais connaît d’autre part des cheminements très variés grâce à l’utilisation de rythmes nouveaux, de sonorités et de techniques de jeu nouvelles (Bartok), grâce à une polyphonie de caractère modal (Migot), à l’atonalité (Berg), au dodécaphonisme et à la musique sérielle (Boulez). Il faut toutefois reconnaître que malgré son fréquent emploi, le concept fait problème dans la mesure où il est lié à une notion de thématisme et de forme fondée sur l’harmonie fonctionnelle. Dans certains cas, seule se trouve encore justifiée la signification de “ composition à jouer ”. Mais le recoupement qui peut se faire avec d’autres dénominations [...] ne permet pas davantage de donner actuellement à ce concept un contenu précis. ”’

A travers cette tentative de définition, on remarque surtout que l’évolution du langage est au cœur du problème de l’évolution de la Sonate au XXème siècle, reléguant les caractéristiques formelles à un plan secondaire. C’est la raison pour laquelle nous chercherons dans ce chapitre à mettre en relation l’analyse formelle des œuvres avec leur langage.