2 - Rôle structurel du timbre

Le timbre acquiert dans cette œuvre un rôle fondamental qui ne relève plus d’une simple fonction ‘’ornementale’’, mais véritablement structurelle, fonction qui s’exerce sur trois niveaux : celui de l’organisation de la ligne mélodique, celui de la mise en évidence de la polyphonie et enfin, celui de la structure générale de l’œuvre.

L’exemple des séquences fondées sur un seul son est parfaitement significatif du pouvoir de structuration mélodique qu’acquiert le timbre. Le paramètre des hauteurs ayant disparu, c’est par la succession des différents autres paramètres qui construisent le son (le mode d’attaque - arco, pizzicato, col legno - la dynamique, le choix de la corde, l’emplacement de l’archet - normal, sul tasto, sul ponticello) que s’effectue cette transformation continue de la ligne afin d’organiser une véritable Klangfarbenmelodie ou mélodie de timbres (cf. séquence 1 du premier mouvement).

L’écriture polyphonique, qui concrétise par ailleurs pour le compositeur la notion de superposition des ‘’couches temporelles’’, se réalise elle aussi par l’utilisation de timbres différenciés pour chacune des voix, comme on peut le constater dans la séquence 6 du premier mouvement, où la voix supérieure est entièrement réalisée par le timbre sul ponticello, la voix médiane par le jeu pizzicato, et la troisième par une attaque arco toujours au talon. 174

Mais, dans cette Sonate, le timbre remplit aussi, à l’échelon de la grande forme, une fonction motivique, dans la mesure où son retour au sein d’une autre séquence, ou d’un autre mouvement, est perçu dans sa relation à la première apparition, au même titre qu’un véritable retour thématique. Il s’agit là, sans aucun doute, d’une manière de compenser la perte des repères perceptuels engendrée par l’écriture sérielle et à laquelle ZIMMERMANN s’est toujours refusé, assouplissant ses propres techniques de composition de manière à donner une cohérence directement perceptible à l’écoute de ses œuvres.

Notes
174.

Concernant la superposition des couches temporelles, il faut souligner le fonctionnement inverse des deux parties extrêmes en ce qui concerne le traitement sériel : la voix supérieure procédant à un ralentissement progressif du déroulement des sons de la série (séparés par une croche, puis deux, trois, etc.), alors que la voix inférieure resserre au contraire progressivement ses interventions.