3 - Orientation vers la notion d’ouverture

Un doute subsiste par rapport à la conception initiale de cette œuvre. ZIMMERMANN a-t-il eu initialement le désir d’écrire une œuvre délibérément tournée vers ce nouveau concept d’ouverture développé par les compositeurs après la seconde guerre mondiale, comme ce sera très clairement le cas pour Tempus loquendi (1963), pour flûte solo, où les 13 structures isolées sont interchangeables et peuvent être répétées ? Martin INGENHÜTT, dans son analyse de la Sonate, fait allusion à un Fac-simile du manuscrit de la partition qui est en sa possession et qui comporte dans les remarques préliminaires (en plus de celles figurant sur la partition publiée en 1961 chez Modern) les indications suivantes :

‘" b) - ou bien la succession des séquences isolées en suivant la numérotation des chiffres arabes
- ou bien les séquences dans la succession des chiffres arabes impaires puis paires, ou inversement.
c) Pause entre les séquences : ad libitum ; cependant de telle sorte que l’enchaînement des phrases de ce moment-là reste rapproché. ” 175

A partir de ces éléments, INGENHÜTT émet l’hypothèse que la Sonate pour violoncelle seul a peut-être constitué une première tentative de ZIMMERMANN dans le domaine de l’œuvre “ ouverte ”. Mais cette possibilité d’alternatives dans l’enchaînement des séquences soulève de toute évidence plusieurs problèmes, en particulier à propos du déroulement sériel, et il semblerait que ZIMMERMANN se soit finalement résolu à abandonner pour cette œuvre le principe d’ouverture.

Dans une présentation de son œuvre, rédigée en 1969, le compositeur nous précise en tous cas quelle était exactement sa position dans le cadre de cette Sonate, marquant bien sa différence avec les œuvres des compositeurs américains tels que BROWN, FELDMAN ou encore CAGE : “ Les termes Fase, Tropi et Spazi indiquent le caractère très ouvert, au point de vue de la forme, des trois mouvements intermédiaires, qui offrent à l’exécutant la possibilité d’un jeu ‘’quasi-improvisando’’, quoique les notes soient bien sûr inscrites dans une forme figée. Il ne faut pas confondre ce type d’ ‘’improvisation’’ avec le nouveau concept du mot, concept associé aux œuvres où l’interprète a réellement la liberté de jouer les notes qui lui viennent à l’esprit, quelles qu’elles soient. Répétons-le encore : lorsqu’on parle d’improvisations notées minutieusement, il s’agit de celles du compositeur lui-même ; l’interprète, qui représente en quelque sorte le compositeur, prend alors le rôle de ce dernier lors de l’exécution de l’œuvre. ” 176 Et il poursuit : “  Bien que le terme d’improvisation revienne sans cesse, l’auteur n’a en aucun cas exclu la part ‘’calculatrice’’ de la composition, celle qui donne à l’œuvre sa structure propre. Les deux aspects, structure et improvisation, devraient s’équilibrer dans l’œuvre sous sa forme définitive et fixée. ” 177

Notes
175.

INGENHÜTT, Martin, “ B.A. Zimmermann : Sonate für Cello-solo, eine Analyse ”, Feedback Papers n° 31, juillet 1983, p.11.

176.

ZIMMERMANN, Bernd Alois, Intervall und Zeit, Aufsätze und Schriften zum Werk, op. cit., p. 20.

177.

Ibid., p.21.