4 - Le concept de “ musique pure ”

De manière générale, le genre de la Sonate a été considéré depuis ses origines comme une pièce tout à fait abstraite, sans aucun souci imitatif, et même dégagée des relations au geste que la Suite entretient dans son rapport avec la danse. Même si progressivement la notion de “ programme ” avait pu s’insinuer dans le cadre de certaines œuvres, en particulier durant la période romantique, cette orientation particulière du genre ne constitue que l’exception.

Philippe ALBERA, dans son article, Non réconcilié 178 , souligne la tendance de ZIMMERMANN, dès le milieu des années cinquante, à “ ‘transgresser le concept de musique pure, tout en maintenant ses exigences les plus élevées sur le plan technique’ ” 179 et poursuit ainsi : “ Il ne s'agit pas pour lui de faire la moindre concession sur le plan compositionnel, d'en rabaisser le concept à une fonction d'illustration, mais au contraire d'en renforcer le rôle médiateur. Le signe musical est le lieu d'une véritable transmutation : le matériau, qu'il soit purement musical ou extra-musical, noble ou trivial, inventé ou trouvé, est organisé musicalement et soumis à un processus de spiritualisation. ”

Tel est bien le cas de la Sonate pour violoncelle, dont la portée spirituelle est d'emblée annoncée par la citation de l'Ecclésiaste mise en exergue de la partition : “ ‘... et suis spatiis transeunt universa sub caelo.’ ” 180 où la problématique du temps, au centre des préoccupations de ZIMMERMANN, transparaît clairement. Tandis que, comme le souligne Wulf KONOLD, les titres donnés à chacun des mouvements, au moins les quatre premiers 181 , sont, eux, des “ termes propres au domaine de la perception visuelle ”, indiquant bien par là que “ ‘la spatialité est également un objectif déclaré de la composition. ’” 182 Temps et espace semblent donc bien constituer les thèmes fondateurs de cette œuvre.

Notes
178.

In Musica 88 - Dernières nouvelles d'Alsace, op. cit., p. 7-8.

179.

Il donne à ce sujet comme exemple la transformation du Concerto pour violoncelle (1952) en Canto di speranza (1957) où le violoncelle acquiert une fonction comparable à celle de la voix humaine.

180.

Traduction : “ ... il y a pour tout un moment et un temps pour toute chose sous les cieux. ”

Il faut signaler par ailleurs que ce verset fait suite à celui emprunté par ZIMMERMANN pour le titre de sa cantate pour soliste, Omnia tempus habent, composée juste auparavant.

181.

Rappresentazione (représentation), Fase (césure ou fragment), Tropi (expression figurative), Spazi (espace).

182.

KONOLD, Wulf, B.A. Zimmermann, Cologne, Dumont Buchverlag, 1986, traduction française, éd. M. de Maule, 1997, p.225.