A - Préludes

Le Prélude constitue rarement une pièce isolée [Prelude I (1975) d’Edward Mac GUIRE ou Prelude for unaccompanied cello (1982) d’Arnold BERLEANT] et est le plus souvent associé à une autre pièce [Prelude and Caprice (1974) de Mervyn BURTCH], c’est-à-dire naturellement considéré dans sa traditionnelle fonction d’introduction. C’est bien sûr dans son association avec la fugue (cf. ABBIATE, Trois Préludes et Fugues publiés en 1901), qu’il renvoie à nouveau à Jean-Sébastien BACH. Et c’est encore BACH qui fournit le plus souvent le modèle du ‘’cycle’’ de Péludes par le biais de ses deux recueils du Clavier bien tempéré (1722-1744) constitués chacun d’une succession de vingt-quatre Préludes et Fugues dans toutes les tonalités. Ces recueils, qui ont bien sûr généré une longue filiation de CHOPIN à DEBUSSY, le plus souvent dans le domaine de la musique de clavier, vont aussi inspirer certaines compositions pour violoncelle seul. Ce groupement de Préludes en recueils traduit d’ailleurs généralement une volonté de montrer différentes facettes de l’instrument et de ses possibilités techniques ou expressives, et dans ce souci d’exploiter différents aspects de la technique instrumentale, ils peuvent se rapprocher parfois du genre de l’étude (cf. les 10 Préludes de BOUKINIK publiés avant 1914, ou les 13 Préludes-Etudes op.37 (1932) de Louis ABBIATE). Les plus intéressants, d’un point de vue tant pédagogique qu’artistique, sont sans aucun doute les 10 Préludes (1974) de Sofia GUBAÏDULINA (née en 1931), dans la mesure où, comme ceux de DEBUSSY, ils s’attachent à une recherche sur la sonorité, puisque chacun se fonde sur un mode de jeu particulier ou, le plus souvent, sur le travail de deux modes de jeu opposés (n°1 staccato-legato, n°2 legato-staccato, n°3 con sordino-senza sordino, n°4 ricochet, n°5 sul ponticello-ordinario-sul tasto, n°6 flagioletti, n°7 al taco-da punta d'arco, n°8 arco-pizzicato, n°9 pizzicato-arco, n°10 senza arco-senza pizzicato 192 ). On y relève d’ailleurs quelques effets particuliers tout à fait originaux comme dans le n°10 (effet proche d’un roulement de petit tambour). 193

Le recueil des 24 Préludes op.100 (1969) du compositeur d’origine polonaise Moisei VAINBERG (1916-1996) se réfère, lui, non seulement à CHOPIN, mais aussi aux 24 Préludes et Fugues op.87 pour piano (1951) de CHOSTAKOVITCH 194 , son aîné de dix ans, avec lequel le compositeur était très lié d’amitié. De ses modèles, VAINBERG conserve la notion de plan tonal, ici conçu par montée chromatique depuis le Do, corde grave du violoncelle, pour y revenir à la fin par une descente similaire, mais, même si le langage reste encore le plus souvent proche de la tonalité, comme cela est fortement affirmé dans le premier Prélude qui procède par intervalles de quintes et octaves, le compositeur évolue aussi par ailleurs dans d’autres langages, adoptant par exemple dans le Prélude n°23 une écriture dodécaphonique. A travers la grande variété de son écriture instrumentale et de ses styles, le recueil vise à une synthèse de toute l’histoire de la musique depuis l’époque baroque jusqu’au XXème siècle, en passant par la période romantique. Plusieurs danses de la Suite baroque sont tour à tour évoquées : la gavotte (n°8), la sarabande (n°18) et le menuet (n°24), mais aussi la fugue (n°15), et le compositeur n’a inscrit aucune indication d’expression sur l’ensemble du recueil, comme pour se conformer aux pratiques de cette époque. Mais c’est aussi par le biais de la citation qu’il rend hommage à quelques compositeurs du passé ou contemporains : le Prélude n°5 est un véritable montage ou ‘’collage’’ à partir d’emprunts à deux concertos pour violoncelle, le Concerto pour violoncelle en MI M. (1964) de son compatriote Boris TCHAÏKOVSKI (né en 1925) et une œuvre célébrissime du répertoire, le Concerto en La m. op.129 (1850) de Robert SCHUMANN. Quant au Prélude n°21, il rend hommage à son grand ami CHOSTAKOVITCH par la citation de sa Sonate op.40 pour violoncelle et piano (1934) et de son Concerto pour violoncelle n°1 op.107 (1959).

Notes
192.

Dans cette étude, la plupart des sons sont obtenus par percussion des doigts de la main gauche sur les cordes.

193.

“ Das Tremolo wird mit dem Daumen der rechten Hand auf der C-Saite gespielt. Dabei bleibt der Daumen der linken Hand mit dem Nagel auf der Saite. Der so erzeugte Ton soll an das Tremolo der kleinen Trommel erinnern. Während der Glissando-Töne wird die Saite auf die übliche Weise heruntergedrückt. ”

[Le tremolo est réalisé avec le pouce de la main droite sur la corde de Do. Simultanément, le pouce de la main gauche est placé avec l’ongle sur la corde. De ceci résulte un son qui doit rappeler le roulement d’un petit tambour. Pendant les sons en glissando, la corde est appuyée vers le bas.]

194.

CHOSTAKOVITCH avait déjà composé en 1933 un premier recueil de 24 Préludes op.34 pour piano qui s’inspirait de ceux de CHOPIN et de SCRIABINE.