B - Permanence et élargissement des techniques héritées de BACH dans le répertoire du XXème siècle

Dans le répertoire pour violoncelle seul au XXème siècle cette recherche polyphonique constitue bien entendu toujours une préoccupation importante, et les contraintes instrumentales sont restées sensiblement les mêmes qu’à l’époque de BACH, même si l’évolution de la technique permet incontestablement un usage plus intensif des doubles cordes et des accords. C’est ainsi qu’Henri DUTILLEUX, commentant la composition de ses Trois Strophes à Paul Sacher (1976-82), écrit : “ ‘Peu de temps après’ ‘ 413 ’ ‘, j'ai été amené à écrire une œuvre pour violoncelle seul sur le nom de SACHER’ ‘ qui traite l'instrument tout différemment, d'une manière beaucoup plus abstraite. Par le jeu des doubles et triples cordes, l'écriture devient plus polyphonique en donnant parfois l'illusion de quatre voix distinctes. Bach’ ‘, dans ses suites pour violoncelle seul, va très loin dans ce genre de démarche, allant vers la pure abstraction.’ ” 414 Ainsi qu’on peut le constater à travers ces propos, pour DUTILLEUX, comme d’ailleurs pour beaucoup d’autres compositeurs de la deuxième moitié du XXème siècle, le modèle de BACH fait toujours autorité en la matière.

Nous chercherons donc à montrer par quelques exemples pris sur l’ensemble du siècle, et empruntés à des compositeurs de tendances différentes, que ces techniques restent toujours bien vivaces, quelque soit le langage adopté. Nous verrons ensuite quelles formes d’élargissement les compositeurs du XXème siècle ont su donner à ces procédés. Mais l’évolution de la technique instrumentale, qui s’est opérée entre la composition des œuvres de BACH et le début du XXème siècle, avait déjà permis aussi de réaliser une polyphonie tout à fait réelle, qui ne relève plus de cette forme d’abstraction à laquelle BACH avait nécessairement recours. Nous verrons qu’elle s’affirme dès les premières œuvres pour violoncelle seul du début de ce siècle. Enfin, l’apparition de nouvelles technologies dans la seconde moitié du siècle va pouvoir encore étendre la dimension polyphonique de ce medium.

Notes
413.

Après Tout un monde lointain (1970).

414.

DUTILLEUX, Henri, Mystère et mémoire des sons (entretiens avec Claude GLAYMAN), op. cit., p.127.