c - Autres tendances

Si les deux courants évoqués précédemment justifient assez aisément l’emprunt à ces procédés par la parenté même de leurs techniques d’écriture avec celles de BACH, on s’aperçoit que ces procédés trouvent encore leur place dans bien des œuvres qui ne se situent plus dans une telle filiation. Ainsi, le Solfeggietto n°13 (1985) de Claude BALLIF présente-t-il encore ce type de polyphonie imaginaire, élargie à de véritables ‘’parenthèses de temps’’. 420 La polyphonie ne s’établit plus sur la simple opposition des registres, mais les contrastes se réalisent sur plusieurs paramètres simultanément, comme on peut le voir dans le passage suivant :

Exemple n°113 : C. BALLIF,
Exemple n°113 : C. BALLIF, Solfeggietto n°13,p.6, 3ème système.

Copyright 1987 by DURAND S.A., Paris, D.& F. 13.349. Reproduit avec l'aimable autorisation des éditeurs.

L’une des voix s’organise en valeurs longues (blanches ou rondes) jouées en position ordinaire et mises en valeur par une attaque sf et un renforcement dynamique dans la durée, tandis que l’autre voix s’élabore autour de motifs furtifs joués sul tasto, dans un nuance pp, en valeurs très brèves (doubles ou triples croches) et irrationnelles, qui utilisent les micro-intervalles.

D’une manière un peu similaire, le compositeur polonais Witold LUTOSLAWSKI, dans Sacher Variation (1975), avait lui aussi élargi cette technique d’alternance des motifs sur deux registres en opposant le motif ‘’SACHER’’ d’écriture diatonique à son motif complémentaire d’écriture micro-tonale. On a déjà dit comment toute l’œuvre se construit à partir d’un principe fondamental de l’écriture contrapuntique, le mouvement contraire qu’effectuent ces deux voix tout au long de la pièce, le motif thématique "SACHER" progressant depuis le registre grave vers l'aigu, tandis que le motif complémentaire part, lui, de l'aigu de l'instrument pour évoluer vers le registre grave.

Notes
420.

Cf. POIRIER, Alain, “ Les pièces pour instrument seul [de Claude Ballif] ”, Les Cahiers du CIREM n°20-21, juin-septembre 1991, p.138 : “ L’organisation du mouvement, qui est l’un des maîtres-mots de Ballif, se fait par les ruptures du discours, véritables parenthèses, relevant tantôt de la confidence, tantôt du cri brutal selon le caractère qui leur est attribué : la plus grande difficulté d’exécution, hormis l’aspect purement technique, réside dans la parfaite compréhension et dans la mise en valeur de ces parenthèses qui, bien plus que de morceler le discours, lui confèrent un relief qui modèle l’évolution du temps musical, réussissant parfois à créer l’illusion de l’instrument dialoguant avec lui-même. ”