c - Superposition de couches temporelles

Cette notion de strates temporelles superposées est déjà bien présente dans la Sonate de ZIMMERMANN, que ce soit à l’échelle de la grande forme, par les liens qui se tissent entre les différentes structures motiviques tout au long des cinq mouvements 423 , ou dans l’organisation polyphonique de certaines séquences (cf. Rappresentazione, séquence 6, Tropi, séquence 4), dans lesquelles le déroulement sériel se réalise sur plusieurs couches de temps simultanées :

Exemple n°117 : B.A. ZIMMERMANN,
Exemple n°117 : B.A. ZIMMERMANN, Sonate, 1er mvt, Rappresentazione, séquence 6. L’analyse sérielle présentée dans cet exemple est empruntée à INGENHÜTT, Martin, “ Bernd Alois Zimmermann : Sonate für Cello-Solo (1959/60), eine Analyse ”, op. cit., n°31, p.24.

Quant à Heinz HOLLIGER, il fait de cette notion de superposition de couches temporelles un principe général pour la composition de Trema (1981), ainsi qu’il l’explique dans son introduction à la partition : “ ‘Une harmonie dont la progression se fait dans un tempo très lent est recouverte par une série de sons tremblants incessants obtenus par une technique d’archet en arpeggio et en tremolo et qui se meuvent irrégulièrement dans toutes les directions. Ce qui sonne à travers ce treillis est une musique d’une polyphonie avec un nombre exceptionnel de couches [strates], qui se meut extrêmement rapidement et qui court simultanément dans plusieurs niveaux de temps.’ ” 425

Exemple n°118 : H. HOLLIGER,
Exemple n°118 : H. HOLLIGER, Trema, p.6, 7ème système.

Copyright 1984 by Ars Viva Verlag, Mainz, n°124. Reproduit avec l'aimable autorisation des éditions Schott Musik International.

Bien que, comme on vient de le voir, les compositeurs du XXème siècle s’inspirent encore abondamment des procédés de polyphonie imaginaire si savammant exploités par BACH, tout en leur donnant de nouveaux prolongements, le répertoire présente aussi une polyphonie réelle qui tient compte des possibilités développées par l'évolution de la technique instrumentale au cours des deux siècles passés, et qui fait beaucoup plus appel au jeu en doubles cordes, aux accords et à toutes sortes de techniques permettant de faire entendre plusieurs sons simultanément.

Notes
423.

Cf. INGENHÜTT, Martin, “ Bernd Alois Zimmermann : Sonate für Cello-Solo (1959/60), eine Analyse ”, op. cit., n°32, p.32 : “ Die Gesamtstruktur des Werkes aus kurzen, unverbundenen Abschnitten, die häufig als ganz fremde Partikel in eine andere Entwiklung eingeschoben sind und sich paranthesenartig gegenseitig ablösen, gibt dem ersten Satz einen Potpourri-artigen Charakter, der sich aber in der folgenden Sätzen als ein Versuch erklärt, ständig im Bewusstsein mehrere unabhängige Schichten wachzuhalten. ”

[La structure générale de l’œuvre faite de courtes séquencesnon liées, qui sont fréquemment insérées comme des particules totalement étrangères dans un autre développement et se détachent réciproquement à la manière de parenthèses, cette structure donne au premier mouvement un caractère de pot-pourri qui s’explique dans les mouvements suivants comme une tentative de maintenir en permanence éveillées à la conscience plusieurs couches indépendantes.]

424.

L’analyse sérielle présentée dans cet exemple est empruntée à INGENHÜTT, Martin, “ Bernd Alois Zimmermann : Sonate für Cello-Solo (1959/60), eine Analyse ”, op. cit., n°31, p.24.

425.

Texte original : “ Eine in sehr langsamem Tempo fortschreitende Harmonik wird durch eine genau festgelegte arpeggio- und tremolo-Technik des Bogen von mehreren unaufhörlic zitternden und sich in allen Richtungen unregelmässig bewegenden Klanggittern überdeckt. Was durch diese Gitter hindurchtönt, ist eine äusserst vielschichtige, extrem rasch sich bewegende Musik, die gleichsam in mehreren Zeitebenen gleichzeitig abläuft. ”