2 - Par le développement du jeu en pizzicato

On a vu que les pizzicatos de main gauche exploités par KODALY dans sa Sonate avaient été le point de départ de nouvelles techniques permettant d’élargir les possibilités polyphoniques. Le développement du jeu en pizzicato va donc, lui aussi, favoriser un réel jeu polyphonique, comme par exemple dans ce troisième mouvement, intitulé Pizzicato, de la Suite pour violoncelle seul (1968) de Roger ALBIN où le canon à deux voix est entièrement réalisé par des sons pizzicatos, dont certains avec la main gauche (+) :

Exemple n°125 : R. ALBIN,
Exemple n°125 : R. ALBIN, Suite, 3ème mvt, Pizzicato , mes.6 à 10.

Copyright 1969 by Editions Rideau-Rouge, Paris, R 462 RC. Reproduit avec l'aimable autorisation des Editions DURAND.

Dans la pièce Arco-1 (1987) d’Ivo MALEC dont il a déjà été question, la nouvelle technique de pizzicato qu’il imagine va aussi ‘“ permettre des "contrepoints" de pizzicati des deux mains simultanément ’” 431 :

Exemple n°126 : I. MALEC,
Exemple n°126 : I. MALEC, Arco 1, p.15, 3ème système.

Copyright 1993 by Editions Salabert, Paris, E.A.S. 18542. Reproduit avec l'aimable autorisation des éditeurs.

Par cette technique, chacune des deux mains exerce en même temps un rôle de sillet par le biais du pouce qui bloque la corde en un point donné en la tenant écartée de la touche, fixant la hauteur de la note, tandis que le medium effectue la mise en vibration en pinçant la corde juste au-dessus du pouce.

Enfin, le mode de jeu par forte percussion des doigts sur les cordes permet lui aussi d’utiliser simultanément les deux mains pour effectuer un vrai contrepoint, comme dans cette séquence de Perspectives (1991) de Francis BAYER où, l'archet étant posé, les deux mains sont utilisées pour produire des sons différents, soit par percussions des doigts sur les cordes, soit aussi parfois en pizzicati sur les cordes à vide, la main gauche agissant sur les deux cordes supérieures (I et II), la droite sur les cordes inférieures (III et IV) :

Exemple n°127 : F. BAYER,
Exemple n°127 : F. BAYER, Perspectives, p.5, 5ème système.

Cette technique était d’ailleurs déjà présente dans le P(ost)-S(criptum) de la Chaconne (1975) de HOLLIGER où le compositeur demandait de dissocier complètement les deux mains dans leurs dynamiques et leur rubato 432 :

Exemple n°128 : H. HOLLIGER,
Exemple n°128 : H. HOLLIGER, Chaconne, P(ost)-S(criptum), 3ème système.

Copyright 1976 by B. Schott's Söhne, Mainz, ED 6689. Reproduit avec l'aimable autorisation des éditions Schott Musik International.

Notes
431.

Cf. texte d'introduction de la partition concernant le quatrième épisode : “  irruption de pulsations, dont le potentiel énergétique est concentré dans les pizzicati seuls ; aux formes connues de ceux-ci s'ajoute une nouvelle, d'une sonorité particulière et permettant des "contrepoints" de pizzicati des deux mains simultanément. ”

432.

“ pp - f schwankend (Dynamik und rubato in beiden Händen unabhängig) ”