Marques de la généralité

De par sa nature, la norme a un caractère général. Elle s'applique à toute personne placée dans une situation dont les caractéristiques sont précisées dans le texte de la loi. Ainsi, l'usage de certains pronoms, de certaines constructions, témoigne de la spécificité des texte législatif, dont une lecture soignée fait sans nul doute ressortir l'emploi de termes indéfinis. Ceux-ci soulignent, par définition, la généralité et ici, le fait que la règle doit s'appliquer sans exception. L'exemple le plus «flagrant» de cet usage réside dans l'emploi fréquent du pronom indéfini chiunque . Citons, à ce sujet l'art.43 du D.L. n. 286 du 25 juillet 1998, alinéa 2 :

‘2. In ogni caso compie un atto di discriminazione : (…)
b) chiunque imponga condizioni più svantaggiose o si rifiuti di fornire beni o servizi al pubblico ad uno straniero soltanto a causa della sua condizione di straniero o di appartenente ad uan determinata razza, religione, etnia o nazionalità ;
c) chiunque illegittimamente imponga condizioni più svantaggiose o si rifiuti di fornire l'accesso all'occupazione all'alloggio, all'istruzione, alla formazione e ai servizi sociali e socio assistenziali allo straniero regolarmente soggiornante in Italia soltanto in ragione della sua condizione di straniero o di appartenente ad una determinata razza, religione, etnia o nazionalità ; (…).
d) chiunque impedisca mediante azioni od omissioni, l'esercizio di un'attività economica legittimamente intrapresa da uno straniero regolarmente soggiornante in Italia soltanto in ragione della sua condizione di straniero o di appartenente ad una determinata razza, confessione religiosa, etnia o nazionalità (…).’

De même que pour le pronom indéfini, l'emploi de l'article défini327 devant toute chose et toute personne concernée par la norme souligne la généralité de cette dernière. Ainsi, les personnes désignées deviennent des personnages, des acteurs juridiques. C'est ainsi que le législateur parle de il cittadino extracomunitario, l' apolide, il rifugiato, lo sfollato, il datore di lavoro, il pubblico ufficiale. Chacun d'eux devient «symbole» d'une catégorie. C'est que la norme s'applique à toutes les personnes qui se trouvent dans les mêmes conditions. Ainsi, toujours à l'art.43 du D.L. n. 286 du 25 juillet 1998, alinéa 2 :

‘2. In ogni caso compie un atto di discriminazione :
a) il pubblico ufficiale o la persona incaricata di pubblico servizio o la persona esercente un servizio di pubblica necessità che nell'esercizio delle sue funzioni compia od ometta atti nei riguardi di un cittadino straniero che soltanto a causa della sua condizione di straniero o di appartenente ad una determinata razza, religione, etnia o nazionalità, lo discrimina ingiustamente.’

La règle, énoncée dans l'abstrait, supprime toute référence à un sujet logique. Elle veut exprimer une réalité objective. Le choix des formes verbales montre la volonté du législateur de s'effacer devant la règle qu'il énonce. La voix passive traduit parfaitement ce désir du législateur d'objectiver la règle, car elle lui permet, le cas échéant, de ne pas exprimer le sujet agent. Les exemples sont, là encore, nombreux. Nous n'en citons que quelques'uns, cet usage, valable pour d'autres applications du discours législatif, ayant été traité dans la partie consacrée aux traits syntaxiques communs.Prenons l'art.4 du D.L n.286 du 25 juillet 1998 :

‘1. L'ingresso nel territorio dello Stato è consentito allo straniero in possesso di passaporto valido o documento equipollente e del visto d'ingresso, salvi i casi di esenzione, e puo' avvenire, salvi i casi di forza maggior, soltanto attraverso i valichi di frontiera appositamente istituiti.
2. Il visto di ingresso è rilasciato dalle rappresentanze diplomatiche o consolari italiane nello stato di origine o di stabile residenza dello straniero. Per soggiorni non superiori a tre mesi sono equiparati ai visti rilasciati dalle rappresentanze diplomatiche e consolari italiane quelli emessi, sulla base di specifici accordi dalle autorità diplomatiche e consolari di altri Stati. (…) Il diniego del visto di ingresso o reingresso è adottato con provvedimento scritto e motivato che deve essere comunicato all'interessato unitamente alle modalità d'impugnazione e ad una traduzione in lingua a lui comprensibile o, in mancanza, in inglese, francese, spagnolo o arabo. Per lo straniero in possesso di permesso di soggiorno è sufficiente, ai fini del reingresso nel territorio dello Stato, una preventiva comunicazione all'autorità di frontiera. ’

Tirées du même passage, ces occurrences montrent l'usage en situation de la forme passive. Le législateur parvient, par «ce chemin », à la plus grande impersonnalité possible dans sa formulation. Dans le premier exemple, il s'agit d'un cas de passif «inachevé », le sujet-agent de consentire n'étant pas exprimé. Le contexte permet de le déduire. Le législateur est le seul sujet logique et possible. Par cet usage, le rédacteur souligne l'effet de la volonté du législateur : la faculté donnée à l'étranger muni de papiers en cours de validité de rentrer en Italie. En revanche, l'existence de l'autorité qui accorde cette faculté est « passée sous silence».

Dans le deuxième exemple, l'agent de l'action est exprimé : le rappresentanze diplomatiche. La forme passive permet ici de mettre en avant l'objet de leur action - il visto di ingresso - et souligne le sujet-agent.

Dans le troisième exemple, à nouveau, la forme passive est inachevée. Le sujet-agent de sono equiparati n'est pas présenté ; c'est encore une fois le contexte qui permet de déduire qu'il s'agit du législateur, des autorités préposées à cette tâche par lui. Il en va de même pour les quatrième et cinquième exemples : il s'agit toujours de formes passives inachevées qui permettent au législateur de disparaître et de donner l'impression que la règle s'impose d'elle même. Ainsi, la forme passive permet de mettre en valeur l'objet de l'action au détriment du sujet. C'est un moyen dont dispose le législateur pour conférer à son message la marque de généralité et d'impersonnalité dont la loi a besoin dans un pays démocratique, où la souveraineté appartient au peuple.328

L'usage fait paraître ces formes banales, mais une dernière marque d'impersonnalité est remarquable : le législateur ne parle jamais à la première personne. Il n'utilise que la troisième personne du singulier ou plus rarement, la troisième personne du pluriel. Il fait parler ses «sujets», ainsi que les «objets» de son activité législative. Ainsi dans l'exemple suivant, la parole est donnée au sujet de l'action (lo straniero) et un peu plus tard, à l'objet de cette action (la carta di soggiorno) :

‘1. Lo straniero regolarmente soggiornante nel territorio dello Stato da almeno cinque anni titolare di un permesso di soggiorno per un motivo che consente un numero indeterminato di rinnovi, il quale dimostri di avere un reddito sufficiente per il sostentamento proprio e dei familiari, può richiedere al questore il rilascio della carta di soggiorno, per sè, per il coniuge e per i figli minori conviventi. La carta di soggiorno è a tempo indeterminato. ( art.9, du D.L. n.286 du 25 juillet 1998, alinéa 1) ’

Jamais, dans un texte législatif, la première personne n'est utilisée. Ce serait une marque d'autorité absolue, assûrement intolérable dans notre société. Toutefois, il convient de préciser que le législateur n'hésite pas pour autant à se nommer ou à nommer ses représentants ou les instruments qu'il utilise. Tout d'abord, les formules d'encadrement de la loi, au debut et à la fin de chaque texte, mentionnent les autorités à l'origine de la mesure législative concernée.

Il y a des marques également à l'intérieur du texte. Par exemple, à l'art.4 du D.L. n. 286 du 25 juillet 1998, alinéa 3 :

‘3. Ferme restando le disposizioni di cui all'articolo 3, comma 4, l'Italia, in armonia con gli obblighi assunti con l'adesione a specifici accordi internazionali consentirà l'ingresso nel proprio territorio allo straniero che dimostri di essere in possesso di idonea documentazione atta a confermare lo scopo e le condizioni del soggiorno, nonchè la disponibilità di mezzi di sussistenza sufficienti per la durata del soggiorno e, fatta eccezione per i permessi di soggiorno per motivi di lavoro, anche per il ritorno nel Paese di provenienza. I mezzi di sussistenza sono definiti con apposita direttiva emanata dal Ministro dell'Interno, sulla base dei criteri indicati nel documento di programmazione di cui all'articolo 3, comma 1. (…).’

Dans le premier cas, c'est l'Italie qui est le sujet de la phrase ; dans le second, le sujet-agent est le Ministère de l'Intérieur. Ainsi, le législateur n'hésite pas à citer le pays d'origine, donc l'autorité par excellence. Ensuite, il cite le Ministère de l'Intérieur en tant qu'autorité chargée, dans ce cas précis, de définir la somme d'argent dont l'étranger doit disposer pour avoir le droit d'entrer sur le territoire national. Les formes verbales utilisées sont à la troisième personne du singulier ou du pluriel.

Les moyens linguistiques illustrés permettent au législateur de donner au discours un semblant d'objectivité et d'impartialité : la règle semble s'imposer d'elle même.

Notes
327.

Cf. L.Serianni, op.cit., 1991, pp.161-162 : La differenza tra articolo determinativo e indeterminativo non consiste propriamente, come farebbero pensare i due termini, nel fatto che il primo designa un nome in modo specifico e individuale e il secondo in modo generico (…). L'uso dell'una o dell'altre serie di articoli è legato a due meccanismi fondamentali : (I) opposizione «classe/membro» e (II) l'opposizione «noto/nuovo». » Le législateur français a également recours à ce procédé pour souligner la généralité de la norme. Voir à ce propos G.Cornu, op.cit., 1990, pp. 282-283.

328.

Cf. I.Spilka,«Le passif du législateur», in : J.C.Gémar (dir.), Langage du droit et traduction, Montreal,1982, pp.101-108.