L'analyse de la structure du jugement a mis en évidence le caractère composite de ce texte, où coexistent plusieurs discours différents élaborés par un seul «auteur» : le juge rédacteur. Ce dernier rapporte les demandes des parties, relate le déroulement des événements, rend compte des expertises éventuelles dans les domaines les plus différents, mentionne les jugements d'autres juridictions et les articles de la loi applicables à la situation, interprète les faits d'après la loi et enfin exprime sa décision, il tranche. Dans le jugement, c'est le juge rédacteur qui tient le fil conducteur ; toutefois, d'autres facteurs interviennent pour compenser ces aspects hétéroclites.
Le premier facteur unifiant, ce sont les parties engagées dans le procès. Dès l’introduction, il apparaît que ce sont elles qui ont saisi la justice, et c'est à elles que le jugement s'adresse en premier. Elles sont mentionnées du début à la fin du discours ; elles sont impliquées dans toutes les étapes de la procédure. Le jugement, à la différence d'un texte législatif, porte ainsi des marques personnelles383 qui le caractérisent et le déterminent. Effectivement, ce sont les noms des parties qui servent à le distinguer ; l'affaire est souvent appelée par les professionnels du droit par les noms des parties impliquées (par exemple, dans nos jugements : causa Placentino contro Del Vecchio 384 ).
Le deuxième facteur d'unité du texte, c'est l'objet de l'action en justice. Cet élément est également évoqué dès le début, et c'est sur lui que la décision porte. L'objet du litige constitue un facteur d'unité pour le texte. Les faits évoqués entraînent des choix de vocabulaire pour les décrire ; leur nature détermine les références à la loi qui s'applique et donc à la branche du droit, ce qui entraîne d'autres choix. Par exemple, le lexique utilisé est différent s'il s'agit d'une résiliation d'un contrat de vente, d'une succession ou d'un dédommagement. C'est donc l'objet du litige qui donne au jugement son «unité thématique».385 Le choix des mots est ainsi révélateur. Peut-être plus encore la façon de les agencer, de structurer les tournures et les phrases, à la manière, bien spécifique, de la robe et du prétoire.
Cf. G.Cornu, op.cit., 1990, p.353.
Sentenza 7/5/1991.
Cf. G.Cornu, op.cit., 1990, p.353.