Formules rituelles

La présence importante de formules stéréotypées dans tous les textes est l'une des caractéristiques distinctives des jugements.Ce trait a été décrit comme l'une des constantes de l'activité juridique, une sorte de tendance, en vertu de laquelle le langage se réduirait à une série de formules figées. Il ne faut pas négliger qu'au jugement correspond une situation de communication bien déterminée et que, pour que celui-ci ait ses effets, il doit remplir certaines conditions prévues par la loi. Certaines formules sont exigibles pour qu'il y ait application de la loi.Le jugement, comme nous venons de le constater, est un texte extrêmement standardisé : les formules figées remplissent la fonction d'agencer l'énoncé ; elles introduisent ou concluent les différentes parties. Elles présentent aussi un double intérêt pour le rédacteur : d'une part, elles lui permettent de travailler plus rapidement ; d'autre part, la structure rigide réduit le risque d'un vice de forme pouvant entraîner la nullité de la procédure.

Citons pour la clarté de l'exposition quelques formules rituelles d'introduction : In nome del popolo italiano, formule qui introduit tout jugement ; tra X elettivamente domiciliat (o/a) presso e nello studio dell'avv., dal quale è rappresentato e difesa giusta mandatoattore/attrice contro…Y elettivamente domiciliat (o/a) presso e nello studio…. convenuto/a…, les parties (démanderesse er défenderesse) ainsi que leurs défenseurs sont indiqués grâce à l'usage de ces formules rituelles. Ensuite le rédacteur rapporte les conclusions des parties et utilise encore une fois des formules rituelles. Ainsi, la conclusion de la présentation initiale du jugement est souvent : conclude con le conclusioniche qui si abbiano per integralmente trascritto e riportato. En effet, le rédacteur doit, dans le resumé des circonstances de la cause, indiquer toutes les conclusions des parties. Il ne se limite pas seulement à le faire, mais déjà dans l'introduction, affirme l'avoir fait de façon intégrale (per integralmente trascritto e riportato).

La fin du jugement se conclut également par une formule rituelle :

‘Il Tribunale di…, sezione…, pronunciando sulla domanda proposta…, uditi i procuratori delle parti…, così provvede. ’

Outre ces formules stéréotypées, il existe d'autres formules que nous appelons absolues . Elles ne concernent pas l'application de la loi, mais elles traduisent les conventions des situations de communication, ou bien elles correspondent tout simplement à des conventions de langage dans un domaine. Il convient d'en citer quelques-unes. Nous nous limiterons à citer celles qui apparaissent constamment : le spese seguono la soccombenza, pour indiquer que la partie déboutée est tenue de payer les frais (en français : «les frais suivent le principal») ; con vittoria di spese e competenze del giudizio, formule qui indique que la partie déboutée est condamnée à payer les entiers dépens et les honoraires des avocats ; ogni contraria istanza, eccezione e deduzione reietta/disattesa, formule qui apparaît également en latin contrariis rejectis, il s'agit du rejet de toutes les thèses contraires à ce que l'on demande. On écrit che qui si abbiano per integralmente riportate e trascritte pour rappeler que les conclusions des deux parties ont été déjà transcrites dans le jugement.

Toutes ces formules correspondent à des conventions d'usage dans le domaine juridictionnel et ne sont pas justifiées par l'application d'une norme. Elles ne correspondent pas non plus à des conventions liées à la situation d'interaction verbale comme peuvent l'être par exemple, dans les conclusions des avocats, les formules : Piaccia al Pretore illustrissimo, (…) ; fa istanza alla S. V. Ill.ma affinchè… Dans les deux exemples cités, elles trouvent une justification dans des facteurs liés aux conventions de la société dans laquelle la communication a lieu. On s'adresse au juge en le qualifiant d'Illustrissimo, de Signoria Vostra.

En conclusion, les formules rituelles sont fonctionnelles pour le juriste qui rédige le jugement, correspondent à des conventions et à des habitudes. Elles sont liées à des facteurs contextuels précis. Seuls les spécialistes d'un secteur connaissent les conventions à appliquer, dans un cas déterminé. Par conséquent, leur présence confirme, une fois encore que le juriste est le vrai destinataire du jugement.