Structure et contenu du contrat notarié

Décrivons d'abord la structure du contrat de vente immobilière rédigé par le notaire, ensuite celle du contrat sous seing privé. Dans les deux cas, il s'agit de textes conventionnels, dont la structure est codifiée d'après des normes précises. Qui plus est, pour ces documents qui sont utilisés constamment et dans des situations bien déterminées, il y a un recours presque systématique aux formulaires, puis l'adaptation des textes fournis à la situation présente426. Leur caractère officiel et la standardisation extrême de la rédaction permettent l'usage de ce type de support427. Les contrats doivent correspondre à des procédures fixées et réglementées par la loi. La conformité de la formulation aux règles établies est le gage de leur validité.

La structure extrêmement standardisée et conventionnelle du contrat de vente immobilière est celle de tout acte administratif. L'Administration a besoin en effet que les documents respectent les procédures et qu'ils ne soient pas sujets à interprétations différentes afin d'éviter tout différend. La rédaction des actes notariés répond aux mêmes nécessités. La protection qu'offre la loi est signifiée essentiellement dans le préambule. Cette partie de l'acte est beaucoup plus codifiée que la seconde, où les conditions de l'accord sont spécifiées.

Dans le préambule sont indiqués : la date, le lieu, le notaire et les parties. Cette partie introductive est essentielle, elle précise noms, professions, adresses des parties et du notaire. C'est la partie informative du contrat, où sont distribués les rôles principaux. Parfois, ils sont annoncés par des signes graphiques de démarcation. En effet, dans le corpus, le préambule se présente tantôt en «blocs» avec un intitulé, tantôt sans aucune démarcation graphique. La présentation avec intitulés facilite le repérage des différents «interprètes» qui participent au contrat ; ainsi «Parties» (Parti) est l'intitulé du «bloc» où sont indiqués les noms et toutes les données permettant d'identifier sans aucun doute les personnes concernées. Le terme présente l'avantage de pouvoir être réutilisé dans la partie restante du contrat au lieu des noms des parties, chaque fois que le rédacteur du texte notarié le juge utile. Toutefois, ce dernier spécifie s'il s'agit du vendeur (la Parte venditrice) ou de l'acheteur, (la Parte acquirente) ; il utilise par la suite le terme avec la majuscule pour souligner qu'il s'agit du vendeur et de l'acheteur déjà définis. Ainsi, il peut utiliser un terme plus court et tout aussi précis que le nom de la personne. Ici encore, les critères pragmatiques qui sont à la base des choix du rédacteur sont la concision, la clarté et la précision, si essentielles pour que les mots soient des garants sûrs.

Chaque «bloc» traite de manière exhaustive le sujet correspondant à l'intitulé, il peut être considéré comme une sorte d'unité autonome dans le texte qui développe l'un des éléments nécessaires à la réalisation du rapport juridique. Citons le cas suivant:428

‘Notaio rogante
Innanzi a me Dott. XY Notaio in (…), iscritto presso il Collegio Notarile di (…).
Rinunzia ai testimoni
previa concorde rinunzia, col mio consenso, all'assistenza dei testimoni, si costituiscono le sottoscritte
Parti
XY, pensionato, nato a (…) il 4 agosto 1906, ivi residente in Via (…) n.x Cod.Fisc.(…) che dichiara di essere vedovo.’

Cette présentation en «blocs» facilite le repérage des informations dans le texte ; elle permet de garantir une compréhension meilleure et plus rapide du contrat. Par ailleurs, la présentation en éléments séparés avec intitulé reprend la présentation du texte législatif en articles précédés d'un intitulé.

Dans la partie que l'on peut appeler «exécutive» de la vente, les points essentiels mentionnés sont toujours, dans les textes, écrits à la suite: l'indication des vendeurs et des acheteurs, l'expression de leur accord, l'objet, le prix, les modalités de paiement, le paiement des frais notariés, les signatures, la formule de conclusion du notaire. Et ces informations se succèdent selon l'ordre indiqué et de la même manière dans tous les actes étudiés.

Précisons que dans la partie exécutive de la vente, tout comme dans le préambule, on constate une certaine variété dans la présentation graphique du document, puisqu'elle est tantôt organisée en «blocs» avec intitulé, tantôt sans aucune démarcation graphique. Les actes du corpus, tous rédigés dans les dix dernières années, ne permettent pas de préciser si le changement de la présentation a eu lieu à un moment déterminé. Peut-être que le non-emploi de signes de démarcation remonte à une habitude des siècles passés où les actes se rédigeaient à la main. Il fallait ainsi occuper entièrement chaque ligne du texte pour éviter toute altération.429. L'introduction de l'imprimerie et maintenant l'usage de l'ordinateur permettent d'avoir recours à un outil typographique («le bloc») qui rend visible le changement de contenu. Peut-être est-ce seulement le respect de la tradition qui empêche les notaires de modifier cet usage.

La succession générale des informations diffère dans les actes où la présentation par «blocs» existe. Dans les deux contrats de cette sorte proposés en annexe, le texte est organisé de la façon suivante :

  1. une partie introductive où est indiqué le type de contrat (compravendita), le lieu (Repubblica Italiana), la date et l'adresse du cabinet du notaire
  2. le nom du notaire rédacteur de l'acte (notaio rogante),
  3. la renonciation des parties à la présence des témoins (rinunzia ai testimoni) ;
  4. les parties (parti) ;
  5. les accords souscrits (patti) ;
  6. les facilités pour l'achat du domicile (agevolazioni acquisto prima casa);
  7. les frais (spese) ;
  8. l'authentification des signatures (autentica delle firme).

Dans l'un des contrats examinés, le point 5 est subdivisé à son tour en une série d'articles qui spécifient les détails de l'accord conclu entre les parties et notamment :

  • art.1 : consentement et objet (consenso ed oggetto), limites de propriété (confini) et données du cadastre (dati catastali) ;
  • art.2 : précisions, possession, garanties (precisazioni, possesso, garanzie) ;
  • art.3 : prix-quittance-hypothèque légale (prezzo - quietanza - ipoteca legale) ;
  • art.4 : origine de la propriété (provenienza) ;
  • art.5 : déclarations d'urbanisme (dichiarazioni urbanistiche) ;
  • art.6 : déclarations fiscales (dichiarazioni fiscali).

La comparaison avec d'autres contrats permet d'affirmer que l'ordre des différents points principaux est presque toujours constant. Chaque contrat constitue une adaptation d'un modèle général qui est conventionnel, répondant à des règles codifiées par l'usage autant que par le législateur. Dans chaque cas, le rédacteur ne prend en compte pour la rédaction que les points utiles pour le cas à régler. A titre d'exemple, le point 6, concernant le dégrèvement en cas d'achat du domicile principal, n'est présent que dans les contrats où l'acheteur n'est pas encore propriétaire de son logement.

La présence de plusieurs éléments dans la structure du contrat de vente immobilière ne porte pas préjudice à l'unité thématique qu'est la volonté conjointe des parties pour le transfert de la propriétéd'un bien entre elles.

Cette volonté conjointe est manifestée par deux formules presque invariables, la première au début du contrat, après ce que l'on a appelé ici la partie introductive : Detti Comparenti (…) convengono e stipulano quanto segue. La deuxième achève l'acte : Richiesta, io Notaio ho redatto il presente atto, che ho letto ai Costituiti i quali, a mia domanda dichiarano di approvarlo e con me lo firmano nei modi di legge ; (…) 430

Dans les autres parties de l'acte, le vendeur et l'acheteur n'interviennent jamais de façon conjointe. Le notaire enregistre les affirmations de l'une et de l'autre partie pour réaliser l'achat-vente. Ainsi, une analyse détaillée du contrat notarié montre que plusieurs discours coexistent dans le texte, et notamment celui du vendeur et celui de l'acheteur. A titre d'exemple, l'analyse des formes verbales qui se réfèrent aux deux parties dans le contrat de vente immobilière 14/11/1994 corrobore cette affirmation. Il s'agit d'une vente où il n'y a qu'un vendeur mais plusieurs acheteurs. On peut donc citer les différentes formes verbales qui se réfèrent aux actions et aux déclarations de la partie qui vend :

‘cede e vende, rilascia ampia e relativa quietanza (…) e espressamente rinuncia (…), dichiara e garantisce(…), dichiara che il fabbricato (…), dichiara che sono state edificate(…), dichiara che (…) non sono state eseguite (…), Attesta altresì (…), dichiara che il reddito(…), la parte venditrice mi431consegna.’

Quant aux formes verbales qui se réfèrent aux acheteurs432 :

‘accettano ed acquistano.’

L'analyse des formes verbales montre la présence des deux dis-cours : chaque partie déclare et agit pour son compte devant le notaire qui enregistre les différents propos, les engagements respectifs. La plupart des formes verbales présentes ont une valeur performative (convengono, stipulano, cede, vende, rilascia quietanza, consegna, rinuncia…). Ainsi, le texte traduit la volonté conjointe du vendeur et de l'acheteur de réaliser un rapport juridique, d'agir pour assurer l'avenir sans contestation possible.

Notes
426.

Cf. D.Kurzon, «Language of the Law and Legal Language» in : C.Lauren, M.Nordman (dir.), Special Language : From Human Thinking to Thinking Machines, Philadelphia, 1989, pp. 283 -290.

427.

L'usage des formulaires est une pratique tellement courante qu'ils existent non seulement sur papier mais aussi sous forme de logiciels : V.Franceschelli (coordinateur scientifique), Guida ai contratti. Profili giuridici ed operativi, C.D.Rom, Ed. Sole 24 Ore, novembre 1999.

428.

Compravendita 30/10/1990.

429.

Cf. M.Gotti, op.cit., 1991, p.116-117.

430.

Compravendita, 14/11/1994.

431.

Le pronom personnel complément se réfère au notaire qui a rédigé l'acte.

432.

Dans les textes proposés en annexe, il s'agit toujours de plusieurs acheteurs : mari et femme, frères et soeurs, parents et enfants.