Stylistique des contrats notariés et des contrats sous seing privé

Le contrat notarié a été défini comme un document conventionnel dont la structure correspond à une organisation schématique. Ainsi, penser décrire une stylistique des contrats, est encore plus paradoxal que le fait de décrire la stylistique d'un texte législatif ou d'un jugement. Ici, la «partie libre », c'est-à-dire celle qui n'est pas imposée par la structure standardisée de cet acte, est très exiguë. Il va de soi qu'il s'agit d'examiner les choix lexicaux et syntaxiques de la partie «libre », sans les termes juridiques et techniques du contrat.

Ainsi, la première constatation est que nous sommes encore une fois en présence d'un langage soutenu. Au niveau du vocabulaire, nous avons repéré des formulations archaïques et savantes. Celles-ci constituent la preuve de l'importance de la tradition dans le domaine juridique. En voici quelques exemples :

Cette constatation est corroborée par la présence de formules latines. Certes les latinismes sont ici plus rares que dans les jugements, mais toujours présents. Le notaire semble ne pas pouvoir renoncer complètement à l'usage de cette langue dans la rédaction comme les exemples suivants le montrent :

‘cede e vende (…) ed ai signori X, Y e Z, che in comunione e pro indiviso tra loro (…) ;’ ‘deceduto ab intestato (…)473.’

Dans les deux occurrences, le rédacteur aurait pu utiliser la langue italienne et écrire dans le premier cas : in assenza di divisione tra loro et non pro indiviso ; dans le deuxième cas : senza aver fatto testamento et non ab intestato. Il faut reconnaître qu'en dépit de la possibilité de synthèse qu'offre le latin, cet usage d'une langue ignorée de beaucoup de nos contemporains constitue une véritable entrave à la compréhension pour les non-initiés. Cette incompréhension peut toutefois être levée lors d'un acte notarié, car les parties déclarent qu'elles l'approuvent avant de le signer. Ainsi, on peut imaginer que le notaire qui a traduit dans le langage juridique qu'il juge approprié le consentement de ses clients, le «retraduit» en langue courante pour eux.

Nous avons déjà précisé dans la partie consacrée à la description de la structure qu'il s'agit d'un texte officiel dont le style est inévitablement impersonnel. La préférence du notaire pour le style nominal est une marque stylistique supplémentaire de l'impersonnalité de ces textes. Citons ainsi :

previa concorde rinunzia (…) all'assistenza di testimoni au lieu de dopo aver rinunziato ad essere assistite da testimoni ; ’ ‘L'immobile viene trasferito nello stato di fatto e di diritto (…) con ogni inerente diritto, ragione, azione, accessorio ed accessione, servitù e dipendenza di spettanza della parte venditrice au lieu de (…) che spettano alla parte …;’ ‘ previa ammonizione sulla responsabilità penale cui puo'(…) au lieu de dopo esser stata ammonita474.’

Cette préférence pour la nominalisation entraîne une très grande densité lexicale. Chaque fois, le notaire opte pour la formulation lui permettant de prendre le plus de distance face à la réalité et de condenser les faits et la pensée.

Les contrats sous seing privé soumis à l'analyse sont à l'instar des contrats notariés des documents conventionnels, où la standardisation est extrême. Aussi peut-on constater d'éventuelles différences par rapport aux textes notariés.

Le premier aspect examiné est le vocabulaire. A la différence du vocabulaire du contrat notarié, la partie non technique des contrats commerciaux, que ce soient des contrats de vente ou des contrats de travail, ne présente que de très rares latinismes. Dans les contrats examinés, seules trois occurrences ont été repérées : intuitu personae475 au lieu de la formule italienne per le qualità della persona (eu égard à la personne) ; erga omnes476 au lieu de nei confronti di tutti (vis à vis de tous); pro tempore477 au lieu de in un dato tempo (en raison des circonstances). Le dernier exemple peut être considéré comme une formule stéréotypée. En effet, ce latinisme est fréquemment utilisé dans les contrats pour préciser le rôle du représentant légal d'une des parties. La formule d'usage est in persona del suo legale rappresentante pro tempore Sig. XY. Dans le contrat cité, elle apparaît deux fois pour indiquer les représentants des deux sociétés.

De même que dans les contrats notariés, nous constatons la présence de connecteurs archaïsants tels que ove, nonché, altresì, onde, ivi. Citons quelques exemples dans le contexte :

‘nonché delle risorse finanziarie(…) si impegna altresì a concludere l'allestimento del Negozio X (…) In questo caso la risoluzione avrà luogo automicamente ove non si porti rimedio all'adempimento (…)478 ;’ ‘Onde facilitare la pianificazione della produzione479 ;’ ‘ivi incluso, a titolo esemplificativo e (…), il caso di… 480.’

Leur présence témoigne de la tendance archaïsante qui existe dans le langage juridique et qui a des échos également dans les contrats sous seing privé.

A côté de ces expressions archaïsantes, parfois redondantes, le rédacteur des contrats choisit un vocabulaire neutre. Il expose de la façon la plus claire les conditions de l'accord conclu ; il ne fait pas transparaître ses émotions, il ne poursuit pas d'objectifs esthétiques. Les mots utilisés sont «froids », le but du rédacteur du contrat n'est ni de convaincre, ni de plaire ; il ne doit que «traduire» le contrat conclu de la façon la plus neutre possible et reprendre par écrit les engagements des parties. Ce dernier, comme le notaire, opte le plus souvent pour le style nominal qui lui permet de s'exprimer de la façon la plus objective.

En conclusion, le style d'un acte sous seing privé ne présente pas de grandes différences par rapport au texte notarié. Le rédacteur juriste est soumis aux mêmes contraintes que son confrère notaire. Il n'est possible que de constater à travers le vocabulaire plus recherché et plus archaïque du notaire, plus lié à l'Administration publique, la difficulté à utiliser un langage proche du citoyen, même dans des domaines qui le concernent directement.

Notes
469.

Compravendita 27/2/1999.

470.

Compravendita 14/11/1994.

471.

Compravendita 14/11/1994.

472.

Ces occurrences se trouvent dans la quasi totalité des contrats du corpus.

473.

Les deux occurrences : Compravendita 14/11/1994.

474.

Les trois occurrences : Compravendita 30/10/1990.

475.

Contratto di rivendita, p.5.

476.

Mandato di agenzia e rappresentanza, p.5

477.

Contratto di rivendita, p.1.

478.

Les trois exemples sont tirés du contrat «Da utilizzarsi in Paesi extra UE» et respectivement nonché (p.2), altresì (p.4), ove (p.8). On précise que dans le texte en question il existe d'autres occurrences des connecteurs mentionnés.

479.

Contratto di fornitura e cooperazione, p.3.

480.

Contratto di rivendita, p.5.