1. 4 Richard III l'acteur

Ce prince qui donne l'impression de connaître certains ouvrages de Machiavel a une intertextualité spécifique au monde fictionnel de Shakespeare . Il se présente sous les traits du machiavel et du bouffon diabolique dès la fin de la pièce Richard Duke of York (3 Henry VI) :

‘RICHARD OF GLOUCESTER
Why, I can smile, and murder whiles I smile,
And cry 'Content !' to that which grieves my heart,
And wet my cheeks with artificial tears,
And frame my face to all occasions.
I'll drown more sailors than the mermaid shall ;
I'll slay more gazers than the basilisk ;
I'll play the orator as well as Nestor,
Deceive more slily than Ulysses could,
And, like a Sinon, take another Troy.
I can add colours to the chameleon,
Change shapes with Proteus for advantages,
And set the murderous Machiavel to school.
(Richard Duke of York, 3. 2. 182-93)’

Richard s'inscrit dans la tétralogie comme un acteur doué prêt à jouer tous les rôles nécessaires pour atteindre son but, la couronne d'Angleterre. Son assimilation de certaines des conventions propres au Vice lui vaut l'association au paria de la Bible à plusieurs occasions : non seulement sur le plan moral acquiert-il une réputation démoniaque, mais sur le plan politique le nouveau "chien" de la scène européenne s'appelle Machiavel , et notre personnage shakespearien se vante de connaître davantage de ruses que lui (Richard Duke of York, 3. 2. 193). La conjonction de Protée et de Machiavel est significative : le personnage de Richard III indique clairement la transgression des pratiques d'auteurs humanistes qui puisent dans les répertoires des classiques afin de présenter des paradigmes idéaux de la vertu. Richard diffère du Vice de la convention traditionnelle en ce qu'il est, pendant un certain temps, motivé par l'ambition. Le Vice-personnage de la pièce morale s'efforce de malmener le genre humain pour le simple plaisir de propager le mal alors que les vilains de Shakespeare cherchent à se promouvoir en faisant du mal à autrui. En cela ils sont plus humanisés. Bien que Richard III soit fortement amusé par ses tours de force, il n'échappe pas à la crise de conscience, momentanée mais authentique. Celle-ci est constamment feinte par le Vice de l'aire de jeu conventionnel qui fait de la souffrance humaine le prétexte pour un jeu grotesque d'ostentation dans lequel les fausses larmes se substituent à tout acte de contrition. Ambidexter , le Vice de Cambyses , fait preuve du manque de remords caractéristique de tant de Vice-personnages tout au long de la pièce et plus particulièrement pendant la période de deuil en l'honneur de la reine défunte : la notion de souffrance humaine est tournée en dérision et parodiée irrespectueusement :

‘AMBIDEXTER :
Ah, ah, ah, ah ! I cannot choose but weep for the queen !
Nothing but mourning now at the court there is seen.
Oh, oh, my heart, my heart ! Oh, my bum will break !
Very grief so torments me that scarce can I speak.
Who could but weep for the loss of such a lady ?
That cannot I do, I swear by mine honesty.
(Cambyses , v. 1126-1131)’

Bernard Spivack 205 met l'accent sur l'aspect archaïque du personnage de Richard III et maintient que Shakespeare exploite la méthode épisodique des moralités pour permettre à Richard de faire des démonstrations à répétition de son talent comme subtil dissimulateur. Richard souffre d'une crise de conscience certes, mais cette crise est courte et fait ressortir combien son humeur est changeante, alternant comme les gyrovagi et son ancêtre le Vice . Sa dextérité à passer des larmes au rire illustre cette inconstance qui fait partie des traits conventionnels associés au personnage du Vice. Richard III surpasse ses comparses dans l'art de faire couler les larmes.

Notes
205.

Spivack , Shakespeare and the Allegory, p. 403.