4. Richard III et l'esthétique du comique-grotesque

L'esthétique du comique-grotesque est mis au service du protagoniste Richard Gloucester lorsque, dès le début de la pièce, il nous communique une impression ambivalente et protéiforme de la situation politique de l'Angleterre de 1471. La guerre se transforme en amoureux qui se dandine devant une éventuelle conquête féminine au lieu de parader à cheval pour dissuader un adversaire redoutable (1.1.9-13). La période de paix est empreinte de connotations sinistres dans la description qu'en fait Gloucester. L'adéquation du langage employé à l'aspect physique grotesquement difforme de ce protagoniste laisse le pressentiment d'un conflit bouleversant déjà mis en gestation. Les traits stridents de l'art gothique grotesque ressortent dans les configurations esquissées par Gloucester pour brosser son autoportrait :

‘Deformed, unfinished, sent before my time
Into this breathing world scarce half made up —
And that so lamely and unfashionable
That dogs bark at me as I halt by them —

(Richard III , 1. 1. 20-23)’

L'ombre jetée par sa silhouette le fait lamenter sa propre difformité. Un tel récit laisse le récepteur suspendu entre le sourire et la répulsion : les allusions renvoient à autant de figures grotesques gothiques dont les corps à moitié humains se terminent en formes végétales ou animales aux prises d'un combat tenace avec les vicissitudes de l'univers environnant. Gloucester nous

apprend qu'il inquiète les chiens lorsqu'il s'en approche, sa présence étant une source d'inquiétude. La tension générée par ces images, relevant de l'esthétique du comique-grotesque , contribue à répandre une atmosphère menaçante, qui relève de l'oxymore car de paix troublée.