7. 4 Le langage carnavalesque . Falstaff et l'importance du nom dans le théâtre du Vice

Le nom attribué à ce Vice-bouffon est polysémique nous renvoyant à la nature traditionnelle de la dramaturgie de la pièce. "Falstaff " pourrait référer à l'arme qu'il porte. Au lieu d'être en métal, elle est en bois, comme celle des apprentis de l'escrime 339 . Elle est symbolique du faux chevalier qu'est Sir John, dont le nom est connoté de l'idée de "false staff" ou même de "false stuff". Une interprétation phallique est même possible : "fall staff" renverrait à la grivoiserie associée à la notion d'impuissance sexuelle et aux gestes obscènes qui caractérisaient la manière dont le fou des folk plays agitait son bâton. Shakespeare adapte la convention en rendant son personnage plus humain, ce qui soude davantage le contact que le personnage-Vice traditionnel établit avec son auditoire.

Hal nous présente le personnage pour la première fois, ce qui n'est pas coutume dans le théâtre du Vice (l'auto présentation étant la règle). Il rend explicite l'appartenance de Falstaff à l'univers carnavalesque en le présentant comme un corps qui nie le temps : tuer le temps fait partie du symbolisme du rôle car Falstaff est, à l'image du roi de Malgouverne, une incarnation des trois jours précédant le Carême ou de l'Eté qui a le pouvoir d'arrêter le défilement habituel du calendrier. Une constellation d'allusions au bas matériel associe Falstaff à l'espace-temps qui caractérise le personnage-Vice : ‘"cups of sack, [...] capons [...] tongues of bawds, [...] leaping-houses, [...] a fair hot wench in flame-coloured taffeta "’ (1. 2. 7-10) ponctuent sa vie oisive fictionnelle.

Le royaume de la taverne est celui d'un monde physique, d'un corporel sans spiritualité qui fait triompher les parties et les basses fonctions physiologiques du corps. Ce royaume fait contraste avec celui du corps politique dont la version tragique donné par le roi Henry IV au début de la première partie de la pièce donne à voir un royaume déchiré sur lequel plane l'ombre de Thanatos . Ce roi éprouve le besoin de restituer une dimension spirituelle au corps politique en organisant une croisade afin de lui garantir sa cohérence et sa pérennité. La veine comique fournie par les scènes à la taverne est doublée de barbarie et d'atrocités fournie par la proxémique se référant à la guerre civile.

Notes
339.

Voir David Wiles, Shakespeare 's Clown, p. 121 : "A metal sword was used for serious fighting, but for practice fights a wooden 'waster' was substituted. […]He has no difficulty in carving up his waster, and the humour in the description of Falstaff 's sword as 'hacked like a handsaw' lies in the fact that this particular sword is not metallic (I. Henry IV. 2. 4. 191, 202, 166)."