1. 5 Sidney et la tragi-comédie renaissante

A Defence of Poetry fut écrite par Sidney en partie pour contre-attaquer les fustigations de puritains comme Northbroke et comme Stephen Gosson. Bien que Sidney ne cautionne point le mélange hétéroclite d'éléments comiques et tragiques, il ne nie pas le fait que cette alliance puisse être réussie — ‘"[…]if severed they be good, the conjunction cannot be hurtful."’ 421 Il avance des idées de portée plus vaste concernant le rôle du poète qui ont partie liée avec les théories sous-tendant la nouvelle tragi-comédie renaissante. Il passe en revue les différents genres littéraires pour examiner ce qu'ils peuvent avoir de déplaisant ou de subversif. Il est intéressant pour notre sujet de voir qu'il place la satire dans la compagnie de la poésie pastorale , de l'élégie, de l'iambe et de la comédie . Il attribue à la satire une haute fonction morale, puisque, tout en se jouant autour du cœur, elle nous révèle les tourments de la passion et la valeur de l'équanimité. La satire est présentée comme un moyen efficace de corriger les mœurs, au moins dans le domaine de la vie privée. Il semble interdire tout droit de regard sur les actions des grands ou sur la morale publique des hommes politiques, ayant les mains liées, comme ses contemporains, par les lois et la censure du pays (surtout après la controverse de Martin Marprelate 422 ). Shakespeare ne pratique pas la comédie satirique de mœurs comme son contemporain Ben Jonson . Néanmoins un esprit satirique drapé d'un voile poétique pastoral ou vêtu d'un masque grotesque fait ressortir la traditionnelle opposition entre la campagne et la cour, le spirituel et le charnel, le bien et le mal et permet au dramaturge d'aborder sous un angle oblique les mœurs contemporains et les affaires d'état tout en restant politiquement correct, moralement sain et en dehors des prisons. Si Shakespeare éprouve le besoin de se disculper, de nier toute ressemblance entre son personnage Falstaff et Sir John Oldcastle dans l'épilogue de 2 Henry IV — "For Oldcastle died a martyr, and this is not the man."(Epilogue. 27) — dans Cymbeline la critique satirique représentée par l'opposition cour/campagne sera subjuguée par l'irréel et l'invraisemblance de la fable soumise à l'appréciation de la salle.

Notes
421.

Sidney , A Defence, p. 43.

422.

Consulter Lecoq, La Satire, pp. 199-207.