5. 2 Apparence et représentation

L'une des préoccupations des dramaturges au cours du XVIe siècle est le paradoxe de l'apparence qui, dans le théâtre comme dans la poésie, signale et trahit la vérité simultanément ; Platon , Aristote , tous deux contribuent à ce paradoxe qui est le problème central de toute représentation, au sens philosophique mais aussi au sens théâtral. L'imitation de l'homme de théâtre est-elle défiguration du vrai comme le suggère Platon ou peut-elle conduire, selon Aristote, à la vérité par les voies du vraisemblable ? Les prises de position d'Euripide concernant l'apparence, l'illusion, le mensonge et celles de Cicéron sur la puissance des songes ont été transmises au théâtre par l'Humanisme. Or l'Humanisme est omniprésent dans l'Eloge de la Folie où Erasme s'inspire à plusieurs reprises du Songe de Lucien et bien avant Prospero :

‘Des acteurs sont en scène et jouent leur rôle ; quelqu'un essaie d'arracher leur masque pour montrer aux spectateurs leur visage naturel ; […]Son acte vient de changer toutes les apparences : la femme de la scène soudain apparaît un homme, le jouvenceau un vieillard ; on voit que le roi est un Dama, et le dieu, un petit bonhomme. L'illusion ôtée, toute l'œuvre est bouleversée ; ce travesti, ce fard étaient cela même qui charmait les yeux. Il en va ainsi de la vie. Qu'est-ce autre chose qu'une pièce de théâtre, où chacun, sous le masque, fait son personnage jusqu'à ce que le chorège le renvoie de la scène ? […] Il n'y a partout que du travesti, et la comédie de la vie ne se joue pas différemment. 556

Erasme revêt le masque de la Folie pour enseigner aux hommes à vivre sur le théâtre du monde.

Notes
556.

Erasme , Eloge de la folie, XXIX, traduction par Pierre de Nolhac, Paris: Flammarion, 1964, pp. 36-37.